Quatre Haïku, évocations poétiques
Jean-Pierre Deleuze est né à Ath en 1954. De 1981 à 1986, il étudie l’analyse musicale et la composition auprès de Marcel Quinet. Ses recherches sur les métriques de Messiaen et la composition en quart de tons l’amène «naturellement» à porter un intérêt particulier pour les musiques orientales. Il devient membre de l’Académie royale en janvier 2007.
En ce début de XXIe siècle, en pleine mondialisation culturelle, économique voire politique, le compositeur contemporain ne peut aborder l’orientalisme dans les mêmes termes que ses aînés du XIXe siècle. L’exotisme et la couleur locale sont désormais cantonnés dans l’anachronisme. Olivier Messiaen a montré la voie de la modernité « orientaliste » en incorporant structurellement la rythmique indienne à son langage compositionnel. Marcel Quinet, figure de proue de l’école bruxelloise de composition dans les années ’50 et ’60, suivit cette voie avec ses Quatre Haï Kaï de 1953.
Jean-Pierre Deleuze, élève de Quinet, s’inscrit dans cette tradition : ses Quatre Haïku, pour orgue (2004), sont nés et se nourrissent de la forme et de la métrique japonaise et ne cherchent qu’épisodiquement «l’évocation» de la musique traditionnelle japonaise, notamment par la transposition, furtive, du gagaku (pour une analyse de cette œuvre, cfr le document téléchargeable ci-dessous).
Le compositeur présente ici ses Quatre Haiku interprétés (extraits) par Jean-Philippe Merckaert aux grandes orgues de la cathédrale Saint-Michel de Bruxelles. Un an après la création japonaise de l’œuvre, Jean-Pierre Deleuze achèvera une autre pièce orientaliste : Âlâp (2005), qui, si elle se réfère à un «autre Orient», procède de la même approche compositionnelle.
Marcel Quinet (6 juillet 1915-16 décembre 1986) a suivi le parcours type du compositeur de l’immédiat après-guerre : cours d’harmonie auprès de Fernand Quinet, de fugue chez Léon Jongen et de piano auprès de Marcel Maas (piano). Il perfectionnera son apprentissage de l’écriture musicale chez Jean Absil, figure de proue de l’école bruxelloise de composition. Il remporte le Prix de Rome en 1945. Ses premières œuvres trahissent son admiration pour Maurice Ravel, Bela Bartok et Paul Hindemith. Il fut un des premiers compositeurs belges à s’intéresser aux langages musicaux d’Anton Webern et surtout d’Olivier Messiaen. Fuyant l’avant-gardisme stérile, ses œuvres s’inscrivent parfaitement dans la modernité. L’emploi qu’il fait de la métrique grecque dans ses recherches rythmiques rejoint les recherches d’Olivier Messiaen et son approche des rythmes indiens et océaniques. La solidité de son enseignement le place «naturellement» à la tête de l’école bruxelloise de composition. Jean-Marie Simonis, Frédéric Van Rossum, Jacqueline Fontyn, Jean-Marie Rens ou Jean-Pierre Deleuze sont tous redevables de son enseignement.