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Architecture - Histoire générale - Monde - Histoire de l'art André Stevens Architecture de terre et Patrimoine mondial Missions en Terres d'argile
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Reporticle : 153 Version : 1 Rédaction : 01/04/2014 Publication : 25/11/2015

PORTE XI. Parcs historiques d’Asie. Merv et Nisa au Turkménistan, Persépolis en Iran.

Avant-propos

Fig. 271 – L’enceinte renforcée de la forteresse de Kirk Kizlar, Turkménistan.
Photo André StevensFermer
Fig. 271 – L’enceinte renforcée de la forteresse de Kirk Kizlar, Turkménistan.

En juin 1989, dans le cadre du projet de l’Unesco sur l’étude intégrale des Routes de la Soie, l’auteur fut invité à la réunion du sous-comité des médias qui réunit à Achgabad, aujourd’hui capitale du Turkménistan, une vingtaine de participants (201). Cela faisait longtemps qu’il attendait un séjour en Asie centrale soviétique. Cette fois fut la bonne, le ministère de la culture de l’URSS sa chargeant du déplacement et du logement d’un groupe bien encadré. Treize ans auparavant, en mars 1976, l’Icomos envoya l’auteur à Yezd en Iran, en tant qu’observateur au deuxième colloque international sur la conservation de l’architecture de terre. A cette occasion, il ne manqua pas de visiter, outre Yezd et Ispahan, le site de Persépolis proche de Chiraz.

Introduction

En Asie centrale ex-soviétique, deux pays se distinguent en matière d’architecture monumentale en terre. D’une part, l’Ouzbékistan et ses villes de Samarcande, Boukhara, et Termez ; d’autre part, le Turkménistan et les villes mortes de Nisa, capitale des Parthes, et de Merv avec entre autres les ruines de la forteresse de Kirk Kizlar (XIIème-XIIIème), remarquables par leur état de conservation. Ici comme sur les façades des temples d’Ourouk, l’enceinte en briques crues présente une paroi faite de redans en partie semi-circulaires, afin de rompre la monotonie des surfaces, d’accrocher la lumière et de renforcer le mur extérieur.

Parc national historique et culturel de l’ancienne Merv. Dunes et cuvettes.

Fig. 272 – La cité-oasis de Merv, sur la Route de la Soie : une cuvette entourée de l’enceinte devenue dune de terre et de sable au fil du temps.
Photo André StevensFermer
Fig. 272 – La cité-oasis de Merv, sur la Route de la Soie : une cuvette entourée de l’enceinte devenue dune de terre et de sable au fil du temps.

Située à l’occident du monde centre-asiatique, la cité de Merv doit son essor exceptionnel à sa position sur un grand axe du commerce transasiatique et à son environnement, le riche delta du Murghab, exploité grâce à un système très ancien de retenues et de canaux. Inscrite sur la Liste du Patrimoine mondial en 1999, Merv est la plus ancienne et la mieux préservée des cités-oasis le long de la Route de la Soie en Asie centrale. Les vestiges de cette agglomération, dans la région de la ville nouvelle de Mary, couvrent quatre milliers d’années d’histoire humaine. Un certain nombre de monuments, particulièrement des deux derniers millénaires, restent visibles. Les cités-oasis dont Merv, ont exercé une influence considérable sur les cultures d’Asie centrale et d’Iran ; en témoignent leur séquence, leurs fortifications et leur paysage urbain.

Les restes de la ville ancienne s’étendent sur un millier d’hectares au total répartis entre cinq sites contigus, occupés tour à tour au long des deux millénaires et demi d’histoire de la ville. Aujourd’hui, chaque site se présente sous la forme d’une vaste cuvette entourée d’une haute dune : le fruit des érosions éolienne et pluviale de l’enceinte. Au centre de la cuvette, recueillant les eaux de pluie, la flore a repris ses droits parmi les ruines d’une ville disparue.

Dans Les Arts de l’Asie centrale, paru chez Citadelles et Mazenod en 1999 sous la direction de Pierre Chuvin, celui-ci écrit : « La forteresse d’Erk Qal’a fut édifiée au VIIème siècle av. J.-C. sur une plate-forme de terre damée de 8 m de hauteur. Son enceinte circulaire de 500 m de diamètre, en pisé, avait 7 m d’épaisseur à la base et 5 m au sommet. Sous les Achéménides, cette enceinte fut reconstruite sur le même plan, son épaisseur atteignant alors 15 m, avec un fruit plus prononcé que précédemment. Erk Qal’a devint la principale agglomération urbaine de l’oasis, entourée d’un mur d’enceinte ovale qui, à la suite de multiples réfections, atteignit une hauteur de plus de 20 m.

Fig. 273 – Le mausolée monumental de Sultan Sanjar à Merv.
Photo André StevensFermer
Fig. 273 – Le mausolée monumental de Sultan Sanjar à Merv.

A l’intérieur, un palais et un sanctuaire se dressaient sur des plates-formes artificielles dès l’époque achéménide, selon une tradition iranienne bien attestée en Asie centrale où les palais « trônaient », en quelque sorte, au-dessus du niveau de la ville. A l’époque séleucide, la ville se développa sur un nouveau site, jusqu’à atteindre une surface de 400 hectares ; Erk Qal’a en devint la citadelle. Un mur en pisé, dépourvu de tours, fut édifié sur un périmètre de 35 à 40 km, autour des faubourgs de la ville, pour les protéger contre les attaques des nomades. Sa base mesurait 6 à 7 m. La domination des Parthes puis des Sassanides n’interrompit pas la prospérité de Merv qui, au IVème siècle apr. J.-C., fut une des principales étapes de la Route de la Soie, ce que reflète la diversité des cultes de l’époque. Vers les Vème et VIème siècles apr. J.-C., une autre muraille, celle-ci pourvue de tours, fut édifiée autour d’un territoire beaucoup plus vaste. Après un déclin de courte durée, la ville retrouve un rôle administratif et économique de premier plan que saluent les Arabes à leur arrivée en 651, avant de poursuivre eux-mêmes la politique architecturale de leurs prédécesseurs. Sultan Sanjar (1118-1157) y édifie un mausolée monumental (202). La ville est rasée par les Mongols et la population massacrée à plusieurs reprises entre 1220 et 1223 » (203).

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    Forteresses parthes de Nisa. Tells et plan quinquennal.

    Fig. 275 – Le site archéologique de Nicée, ancienne cité de l’Empire parthe. Un chemin de visite permet de parcourir le site sans perturber les vestiges découverts.
    Photo André StevensFermer
    Fig. 275 – Le site archéologique de Nicée, ancienne cité de l’Empire parthe. Un chemin de visite permet de parcourir le site sans perturber les vestiges découverts.

    Les deux tells de l’ancienne et de la nouvelle Nisa signalent le site de l’une des plus anciennes et importantes cités de l’Empire parthe, une grande puissance du milieu du IIIème siècle av. J.-C. jusqu’au IIIème siècle de notre ère. Ces tells conservent enfouis dans leur sol, les vestiges d’une puissante civilisation antique qui associa avec ingéniosité des éléments de sa culture traditionnelle avec ceux des cultures hellénistique et romaine. Des fouilles archéologiques ont révélé une architecture richement décorée correspondant à des fonctions domestiques, officielles et religieuses. Situé au carrefour d’importants axes commerciaux et stratégiques, cet empire puissant formait une barrière à l’expansion romaine, tout en servant d’important centre de communication et de négoce entre l’est et l’ouest, le nord et le sud. L’intégrité et l’authenticité du bien ainsi que le paysage environnant sont incontestables, en ce qui concerne les dimensions des deux tells et l’emplacement de la capitale au pied des montagnes de Kopet-Dag. Les deux tells ne représentant en aucun cas l’aspect originel de la capitale parthe, mais leur aspect actuel est uniquement le résultat de l’érosion naturelle. Enregistré comme l’un des 1300 monuments historiques et culturels du Turkménistan, le site a été inscrit en 2007 sur la Liste du Patrimoine mondial. Une zone tampon a été établie et le lieu entre dans le champ d’application du plan de développement de la ville de Bagyr. De sérieux efforts restent à faire pour instaurer un système efficace d’entretien préventif, garantissant la survie des parties du site récemment mises au jour. Un plan quinquennal a donc été rédigé pour la période 2006-2010, afin d’assurer un meilleur équilibre entre les diverses activités – par exemple l’archéologie par rapport à la conservation – et afin d’associer en les harmonisant tous les documents et stratégies existants qui se rapportent à l’endroit.

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      Persépolis. Un plan grandeur nature.

      Fig. 278 – La citadelle de Persépolis ; la demeure royale de Darius était entourée de hauts et épais murs en briques crues. Dans le fond à gauche : la Cité des tentes –que l’on pense réhabiliter – fut élevée en octobre 1971, lors du 2500e anniversaire de la fondation de l’Empire perse. Ph. : A.S.
      Photo André StevensFermer
      Fig. 278 – La citadelle de Persépolis ; la demeure royale de Darius était entourée de hauts et épais murs en briques crues. Dans le fond à gauche : la Cité des tentes –que l’on pense réhabiliter – fut élevée en octobre 1971, lors du 2500e anniversaire de la fondation de l’Empire perse. Ph. : A.S.
      Fig. 279 – Les murs en briques crues partiellement reconstruits.
      Photo André StevensFermer
      Fig. 279 – Les murs en briques crues partiellement reconstruits.

      Fondée par Darius Ier en 518 av.J.-C., Persépolis, capitale de l’Empire achéménide – sa fonction n’est pas claire –, fut construite sur une immense terrasse mi-naturelle mi-artificielle, où le roi des rois avait élevé un splendide palais aux proportions imposantes, inspiré de modèles mésopotamiens (204). Le site inscrit en 1979 sur la Liste du Patrimoine mondial, reste unique par l’importance et la qualité de ses vestiges monumentaux. La citadelle de Persépolis qui dominait la ville incendiée par Alexandre le Grand, était couronnée par un rempart de briques crues qui se prolongeait sur la montagne dont il suivait la crête. Le grand palais élevé sur une terrasse de 112 m de côté, était un édifice de plan carré, flanqué de tours d’angle qui abritaient les escaliers d’accès à la toiture en terrasse. Les épais murs extérieurs en briques crues, construits par des maçons babyloniens, enserraient une salle hypostyle de 75 m de côté, comprenant 36 colonnes de 19 m de haut. Au sommet de la colonne, l’imposte en forme de double avant-corps de taureau ou de dragon, était destinée à recevoir la lourde toiture en bois de cèdre, recouverte d’une épaisse couche de terre battue. Il n’en existe aujourd’hui que les éléments en pierre, un calcaire très dense et très dur : colonnes, escaliers, jambages de portes et fenêtres. Des architectes tentèrent des reconstitutions dessinées des bâtiments dégagés (205). Il en ressort que les murs de briques crues devaient s’élever jusqu’à 20 m environ. Sans ces épais murs d’argile, la demeure royale de Darius se serait transformée en fournaise pendant le long été de Persépolis (206). Avant 1976, les services compétents avaient entrepris la reconstruction d’une bonne partie des murs sur une hauteur d’un mètre, ce qui pouvait engager les visiteurs du vendredi à se promener par-dessus, accentuant ainsi leur dégradation. Persépolis comme Babylone en son temps deviennent les jours fériés, un vaste parc d’attraction pour familles et enfants. De surcroît, vu la faible hauteur uniforme des murs, le plan grandeur nature ne donne qu’une idée de l’aire des constructions, sans qu’aucune perception des espaces hiérarchisés ne soit possible lors du cheminement des touristes prenant parfois le sommet des murs pour des passages naturels.

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        Notes

        NuméroNote
        201Il y avait là, le célèbre sinologue Vadim Elisséeff, le journaliste et producteur Pierre-André Boutang (ARTE), un haut prélat du Vatican, un envoyé spécial de Saddam Hussein et de nombreux journalistes. Ce fut l’occasion de connaître des températures extrêmes de plus de 45°C, mettant certains en piteux état, déjà frappés d’une intoxication alimentaire. Ce serait au Pakistan que l’on relève des températures dépassant les 52 degrés et même plus de 55° aux USA récemment. La Dead Valley en Californie détient le record de 57°!
        202« Ce tombeau dépasse en majesté tous ceux que l’on connaît. Sa base massive de 28 m de côté, percée de deux portes opposées, est allégée par une galerie supérieure ajourée de baies, circulant autour du tambour. Au-dessus s’élève le double dôme : une belle coupole dont les faisceaux de nervures reposent sur des pendentifs à stalactites, surmontée d’une deuxième, couverte à l’origine de faïence bleue. Les nervures de cette coupole, dont la fonction était plutôt celle d’un cintre guidant la construction que d’une armature, ont une valeur décorative certaine. A la base, on a pu lire dans un cartouche épigraphique le nom de l’architecte qui construisit ce mausolée : Muhammad ibn Aziz Al-Sarakhsî … Le monument frappe l’imagination par sa hauteur de près de 40 m et son dôme légendaire » Nekrasova (E.) et Kervran (M.), Mausolée du Sultan…, dans Les Arts…, p. 540.
        203Rapin (C.) et Kervran (M.), Merv, dans Les Arts…, p. 539.
        204Xerxès, fils de Darius, édifia le palais des 100 colonnes. De 36 on passa à 100, la colonne symbolisant l’arbre sacré.
        205Le dégagement des ruines commença en 1930. Une maquette du site est présentée au musée de Pergame à Berlin, la seule fondée du point de vue scientifique. Par les moyens du dessin et du maquettisme, deux architectes réalisèrent la reconstitution du site en 3D, ce qui demanda plusieurs années de travail. Néanmoins ces images virtuelles ne sont pas une vérité immuable.
        206« En octobre 1971, eut lieu à Persépolis le 2500e anniversaire de la fondation de l’empire perse, avec la présence de Mohammad Reza Pahlavi, le chah d’Iran. A cette occasion il fit construire sur 65 hectares une série de 51 tentes luxueuses avec air conditionné, la Tent City. En 2005, les autorités islamiques songeaient à reconstruire cette ville spectaculaire faite de voiles et de charpentes métalliques, bien après que son initiateur ne fut tombé en disgrâce » Tait (Robert), dans The Guardian, 22/9/2005.