PORTE I. L’architecture monumentale en Mésopotamie : Syrie et Irak. Civilisations premières et guerre du Golfe.
Entre 1970 et 2004, l’auteur accomplit une soixantaine de missions dans le monde dont une vingtaine au Moyen-Orient, principalement en Syrie, le pays du début et de la fin de sa fonction d’architecte consultant international. Les séjours étaient de nature très diverse : relevé de sites archéologiques, reportage photographique, inventaire du patrimoine vernaculaire, construction d’une maison de fouilles, préservation de sites culturels, participation à des colloques internationaux et publication d’ouvrages de photographie (21). Ses relations privilégiées avec le Séminaire d’assyriologie de l’Université libre de Bruxelles furent pour une bonne part, à la base de la réussite de ses entreprises.
Au Proche-Orient, l’art de bâtir coïncide avec le moment où l’homme abandonne des abris naturels pour se fixer à un sol. Ce passage s’est opéré à la faveur des changements climatiques qui ont mis fin à la dernière période glaciaire. Vers le XIème millénaire, le climat commence à se rapprocher des conditions actuelles. Cette évolution a eu pour cadre certaines régions privilégiées de l’Asie occidentale, où les céréales poussaient à l’état sauvage, où paissaient en liberté bœufs, moutons, chèvres et porcs, le futur bétail. Ce fut la révolution néolithique qui transforma l’homme en agriculteur-producteur, ce qui le poussa à adapter l’habitat à son nouveau mode de vie. D’abord de plein pied, la maison verra naître l’étage, permettant de séparer des fonctions fort différentes dans l’organisation des espaces.
Parmi les établissements humains les plus anciens, où la présence de la terre crue est attestée comme matériau de construction, est cité le village de Jerf el-Ahmar en Syrie, site fouillé par une mission française. Datant des environs de 8500 avant notre ère, il couvrait trois hectares. Les maisons étaient de plan circulaire et partiellement enfouies dans le sol. La terre prélevée lors du creusement, servait alors à la construction des parois de la maison élevée en briques modelées à la main. Ce n’est que vers 6000, que le plan devint carré, par suite de la découverte de l’angle et de la verticale. Ceci ne fut possible que par l’« invention » de la brique moulée, de format rectangulaire ou quadrangulaire, un matériau qui va jouer un rôle essentiel dans toute l’architecture orientale. En quelque sorte, il a fallu plus de deux millénaires pour qu’un homme quelque part en Mésopotamie, imagine un moule en bois, pour y verser le mélange approprié, passant de l’argile battue à la brique (22). Hors Mésopotamie se signale le village de Çatal Hüyük en Anatolie du Sud, datant du VIIème millénaire. Un établissement ancien qui nous a laissé des vestiges dont l’importance ne peut être passée sous silence. Situé dans la plaine de Konya sur les bords de la rivière Çarþamba, Çatal Hüyük (tertre de la Fourche) est l’un des plus grands sites néolithiques du Proche-Orient. Il fut fondé vers 7000 av. J.-C. et devint un centre important entre 6500 et 5700 av. J.-C. A son apogée, l’agglomération couvrait 15 hectares ; elle était prospère et devait compter un millier de familles, soit une population d’à peu près 5000 personnes, ce qui est considérable pour l’époque. Les maisons échelonnées en gradins sur la pente du site, étaient serrées les unes contre les autres, de sorte qu’elles n’avaient pas de porte. Des échelles de bois permettaient d’y entrer grâce aux ouvertures pratiquées dans les toits en terrasse et correspondant aux cheminées (23). Ces habitations étaient construites en briques crues recouvertes d’enduit et comprenaient généralement une pièce commune de 20 à 25 m2 et des pièces annexes. La principale disposait de banquettes et de plates-formes pour s’asseoir et dormir, d’un foyer rectangulaire surélevé et d’un four à pain voûté. Il s’agit d’un des premiers villages fortifiés, car sans porte d’accès, si ce n’est l’ouverture au plafond : un type de porte bien plus facile à réaliser qu’une ouverture dans un mur en terre crue. Ceci nous rappelle, à quelques millénaires près, le passage de l’Evangile, où l’on nous dit qu’un paralytique est descendu par le toit !
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La première architecture sacrée.Temples et ziggourats.
« En remontant l’Euphrate se découvre, à 900 km au nord dans l’actuelle Syrie, la colonie ouroukienne d’Habuba Kabira Kannâs, une cité fondée ex nihilo qui ne comptera que 1500 habitants. La brièveté d’occupation du site, 200 ans au plus, en facilite sa lecture. L’une des voies mène à l’acropole du Tell Kannâs où trônent les édifices les plus imposants : des bâtiments de plan tripartite, avec un hall central et des pièces latérales symétriques (29) .
Autre cité remarquable mais plus tardive, Mari fondée vers 2900 est une ville neuve comme Habuba Kabira Kannâs, mais qui présente la particularité d’être ronde. La cité était connue dès la fin du IIIème millénaire dans tout le Proche-Orient. Au XVIIIème siècle, dans l’immense et labyrinthique palais dit de Zimri-Lim, vivaient plus de 1000 personnes… C’est ainsi que l’homme s’est extrait du chaos de la nature, a fui la steppe et le désert où sévissent des génies malfaisants, pour trouver refuge dans la discipline et la sécurité de la vie citadine » (30). C’est à Ourouk, entre 3500 et 3100, que se rencontrent les monuments les plus représentatifs : constructions à grande échelle, sanctuaires élevés sur des terrasses artificielles. Huit temples successifs furent dressés, les uns sur les autres, sur un terrassement qui mesurait 9 m de haut à l’origine. Cette plate-forme montait en même temps que s’édifiaient les nouvelles constructions sur les ruines des précédentes. On ne se souciait pas alors de la conservation de ces architectures. Une fois le temps de vie d’un temple arrivé à son terme, on le détruisait et on reconstruisait par-dessus. De cette époque, date le temple D de 4400 m2 et 83 m de long. Les murs très épais étaient décorés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, de niches et de redans, qui visent à rompre la monotonie des parois (31). Ainsi, à chaque saison comme à chaque heure de la journée, les façades se différenciaient par le jeu de l’ombre et de la lumière d’un soleil omniprésent. Ce traitement de façade, appliqué sur les temples récemment découverts à Tell Beydar en Haute Mésopotamie, donna lieu à une nouvelle interprétation lors de la construction récente de la maison de fouilles de Tell Beydar (32).
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De ces sanctuaires sur plate-forme, dérive un type de construction apparemment voisin, la ziggourat, sorte de tour à étage qui apparaîtra un peu avant 2000. C’était un temple dédié en général au dieu principal de la ville. Les ruines de ces tours subsistent encore en Irak comme en Iran. Grâce à l’étude des textes anciens, aux fouilles archéologiques et aux dessins en relief retrouvés dans certains palais comme à Ninive, les services compétents d’Irak ont pu reconstruire à l’identique des édifices millénaires dont le temple d’Emah à Babylone (33). La ziggourat d’Our fut restaurée dans les années 1960. Seuls la première terrasse et l’escalier d’accès furent reconstruits. Le massif de briques crues fut enveloppé d’une paroi de briques cuites, une carapace destinée à protéger l’édifice de l’érosion autant pluviale qu’éolienne (34). Dans les années qui suivirent 1400 av. J.-C., Kurigalzu Ier et ses successeurs bâtirent non loin de Babylone, à l’emplacement du village actuel d’Aqar Qouf proche de Bagdad, une ville nouvelle qui comprenait un temple et un palais. Le temple était dominé par une tour à étages si grande que son noyau haut encore de 57 m, a pu être considéré par certains des premiers voyageurs comme les restes de la tour de Babel. La première terrasse a été réhabilitée vers 1960 : les parois décorées de niches sont en briques traditionnelles, mais cuites. Le noyau impressionnant révèle encore sa structure d’origine. Des nattes de jonc séparent régulièrement des couches de briques, de manière à répartir les charges et assurer l’équilibre de l’ensemble. A part l’érosion éolienne, la pluie et les tremblements de terre, l’une des causes insoupçonnées de destruction est due aux oiseaux, entre autres les pigeons qui ont dû se contenter de ziggourats comme pigeonniers.
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Fig. 47 – La ziggourat de Tchoga Zanbil en Iran, inscrite sur la Liste du Patrimoine mondial. L’accès au sommet se fait par des escaliers intérieurs. |
Dans l’Iran actuel, au cœur d’une ancienne ville sainte de l’Elam, la ziggourat de Tchoga Zanbil (1275-1240), de 105,2 m de côté et de quelque 60 m de haut, résulte de multiples transformations (35). Ses quatre côtés marquent très exactement les points cardinaux. L’enceinte extérieure de 210 m sur 175 m renferme le temenos. A l’origine, le temple situé au centre, est un édifice carré de 105 m de côté et haut de 8 m. Il fut ensuite transformé en une ziggourat dont il constitue le 1er étage. Les massifs des quatre autres étages sont emboîtés l’un dans l’autre à partir du sol de la cour (et non pas les uns sur les autres comme c’est le cas en Mésopotamie) jusqu’à occuper toute la surface du sol de l’ancienne cour centrale. Contrairement aux ziggourats mésopotamiennes, l’accès se fait par un escalier voûté, invisible de l’extérieur. Aujourd’hui, la ziggourat ne mesure plus que 25 m de hauteur, les deux derniers étages ayant été détruits. Inscrite en 1979 sur la Liste du Patrimoine mondial, elle fait l’objet de toutes les attentions des autorités iraniennes, dont la reconstruction des premiers étages (36). Le nombre de visiteurs est considérablement inférieur à celui de Persépolis, Meydan Emam ou Ispahan, du fait de l’éloignement du site et des températures très élevées en été.
Assour et Babylone. Un champ de ruines et un temple reconstruit.
Assour, vaste champ de ruines, est située sur un plateau élevé, enserré par une boucle du Tigre (37). La masse inextricable des ruines explorées de 1903 à 1914 par une puissante organisation de fouilles allemandes (W. Andrae), représente les vestiges de la première capitale de l’Assyrie, la cité antique remontant au XXIème siècle av. J.-C. La ville fut détruite par les Babyloniens, mais renaquit de ses cendres à l’époque parthe, aux Ier et IIème siècles. Le site d’Assour bénéficiant d’une situation exceptionnelle, a fait l’objet d’intenses travaux archéologiques. Balayée par les vents de sable, soumise à l’action des eaux de ruissellement comme à celle des pillards de toutes époques, la tour à étages offre l’aspect d’une colline naturelle exposée régulièrement à ce qu’on pourrait appeler « la fonte des terres ». Se pose la question de l’aménagement d’un site livré à la fougue des nouveaux occupants. Des routes empruntées par des camions et des autocars, tracées sans tenir compte des cheminements d’origine, des poteaux électriques qui empruntent le chemin le plus court d’un point à un autre, les extensions incontrôlées de la maison de fouilles, tout cet équipement, certes indispensable, dépare les perspectives qui elles aussi, font partie des éléments à sauvegarder dans une politique d’ensemble.
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« L’origine de ce nom, dérivé de Bab Ilâni “porte des dieuxˮ, remonte au IIIe millénaire et aux rois amorrhéens, fondateurs de la 1e dynastie historique, qui réunirent sous leur sceptre les deux pays de Sumer et d’Akkad. Hammourabi étend sa puissance jusqu’à Assour et Ninive, restaure les murailles et les temples, en élève de nouveaux et fixe les lois de leur construction, ainsi que la législation du royaume. Les vestiges de son époque sont pour la plupart immergés. Nabuchodonosor II, fils de Nabopolassar prend Jérusalem en 596 et emmène sa population en captivité. C’est de cette époque que datent la plupart des monuments retrouvés à Babylone : murailles extérieures (30 km de long), palais, porte d’Ishtar, temple d’Emah, la voie sacrée et les fameux Jardins suspendus. La puissance perse, incarnée par Cyrus, Darius et Xerxès, mettra un terme à la Babylonie. Alexandre le Grand l’occupe en 331, en la choisissant pour capitale de son empire asiatique, il entreprend de la restaurer. Il inspecte lui-même les canaux, les fait creuser ou améliorer. Il y décédera en 323. A l’époque séleucide, Antiochus Soter restaure les temples lui aussi (vers 270). Une dernière fois, car la ruine définitive de Babylone allait bientôt être consommée et ses matériaux furent employés par les habitants de la région. Strabon, au Ier siècle, dit que la ville est presque entièrement déserte ; elle n’apparaîtra plus dans les fastes de l’histoire » (38).
Fig. 51 – Babylone, le temple de Marduk et la Grande ziggourat que l’on suppose être « la Tour de Babel », époque néo-babylonienne, vers 605-562 av. J.-C. |
Selon les inscriptions découvertes sur place, la ziggourat de Babylone, la grande tour à étages, est appelée « la maison de fondement du ciel et de la terre » (39). Elle se dressait à l’angle d’une vaste esplanade dont l’enceinte carrée mesurait 430 m de côté. Douze grandes portes y donnaient accès, la principale s’ouvrant à l’est sur la voie des Processions. A 50 m de la muraille occidentale, coulait l’Euphrate défendu par une muraille de 7 m d’épaisseur. La tour elle-même, dont les faces étaient ornées de redans, était construite en briques crues, revêtues de briques cuites. Sa base carrée mesure 91 m et au milieu de sa face sud, s’adosse l’escalier en volée droite qui donnait accès à la plate-forme. L’étage suivant, en retrait, abritait des chapelles dédiées à diverses divinités et supportait les six autres niveaux dont le dernier renfermait le sanctuaire. D’après Hérodote (480-425), on y voyait une table d’or et un lit où reposait la nuit une prêtresse. Reconstruite par Nabopolassar, sur l’ordre du dieu Mardouk, la ziggourat remonte à une antiquité sans doute plus lointaine. Alexandre le Grand voulut lui-même la restaurer. « C’était là un travail immense, écrit Strabon, qui eut demandé beaucoup de temps. Rien que pour élever la terrasse qui devait servir à déblayer le terrain, il fallut faire travailler 10 000 ouvriers pendant deux mois » (40) . En hiver, l’eau envahit maintenant sa partie basse, exhumée par les fouilles et les Arabes l’appellent pour cette raison « l’écuelle ». La décadence de Babylone commença dans les derniers siècles avant notre ère. Après avoir rayonné pendant plus de quatre mille ans, les civilisations mésopotamiennes tombèrent dans un oubli presque total. Les constructions furent détruites et pillées – les briques crues servirent entre autres à la construction de Bagdad –, puis recouvertes par les sables entraînés par des vents qui peuvent être très violents dans cette région.
« …Redécouverte au XIXème siècle par Claudius Rich, abîmée vers la fin du XXème siècle par Saddam Hussein puis outragée par les forces américaines au début du XXIe siècle, Babylone poursuit son histoire. Elle est désormais traversée par un oléoduc… L’achèvement fin mars, des derniers tronçons de l’ouvrage a immédiatement suscité un courrier d’« inquiétude » adressé au ministère irakien du tourisme et des antiquités par le sous-directeur général à la Culture de l’Unesco. La situation est, en Irak aussi, l’objet d’un conflit entre le ministère du pétrole et celui du tourisme et des antiquités. Au sein de celui-ci, la Commission pour le patrimoine et les antiquités conteste la légalité même de la construction. “Le ministère du pétrole a causé des dommages inestimables au site en creusant, sous les terrains archéologiques de Babylone, un tunnel long de 1 550 mètres”, a déclaré, mi-mai, Qaïs Hussein Rachid, chef de la commission en question, à l’agence France Presse… “L’installation touche une zone qui n’a jamais été fouilléeˮ, précise Véronique Dauge, chef de l’unité des Etats arabes à l’Unesco… “Au cours de leur présence à Babylone, les forces de la coalition et leurs sous-traitants, principalement KBR (une société de construction sous contrat avec l’armée américaine), ont causé des dommages majeurs à la cité en creusant, en arasant et en terrassant, explique le rapport commandité par l’Unesco en 2009. Des monuments-clés ont été endommagés, dont la porte d’Ishtar et la grande voie processionnelle de la ville antique”… Engagé depuis 2007, avec les autorités irakiennes, dans l’établissement du plan de gestion du site, le WWF vient d’entamer des travaux de conservation sur plusieurs structures importantes de la cité » (41).
Quant aux premières découvertes en Mésopotamie, elles datent de 1843 quand le consul de France à Mossoul en Irak, Paul-Emile Botta, entreprit une campagne de fouilles à Khorsabad où il mit au jour les ruines de la ville de Dûr Sharrukin. Quatre millénaires durant lesquels l’homme n’eut à sa disposition qu’un seul matériau portant : la brique crue. Le bois de cèdre provenant essentiellement du Liban (42), n’était utilisé que pour couvrir les pièces principales des temples et palais, tandis que le bois de peuplier populus euphratica (43) assurait la protection des espaces plus restreints. Sans la présence de l’argile et du limon du fleuve, aucune civilisation n’aurait pu naître dans cette région du monde.
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Ctésiphon, Samarra, Ninive. Une arche, un minaret, des portes monumentales.
Fig. 56 – Façade du palais dit de Kosroès à Cthésiphon. L’aile nord a été emportée par une inondation en 1909. |
On ne peut passer sous silence la plus grande voûte au monde encore en place à Ctésiphon et le minaret conique de Samarra toujours en activité, deux sites proches de Bagdad. Situé sur la rive gauche du Tigre à 30 km au sud-est de Bagdad, Ctésiphon est la ruine la plus majestueuse que l’on puisse voir en Irak, écrit le guide bleu Syrie Palestine de 1932 (44). Dernier vestige de la grande capitale de l’empire sassanide, fondée par Artaxerxès en 226 après J.-C. et développée par son fils Sapor Ier, elle brilla d’un vif éclat durant quatre siècles, avant d’être définitivement ruinée par les Arabes en 641. Les ruines de Ctésiphon ne sont plus qu’un ensemble de monticules arides et de faible relief, dominé par l’immense façade du palais dit de Kosroès, mais qui fut construit par Sapor Ier. Elles se composent aujourd’hui d’une énorme voûte, l’iwan de 37 m de haut, et de l’aile sud (45). Toutes les autres constructions ont disparu, de même que l’aile nord, emportée par une violente inondation qui la jeta à terre en 1909. Ses milliers de briques cuites furent alors employées aux constructions de Bagdad et il n’en reste plus trace. Cette voûte elliptique a été bâtie sans cintre à la mode persane actuelle, élevant d’abord quatre panneaux obliques s’appuyant sur les murs latéraux et sur celui du fond, puis en construisant sur cette forme une voûte d’appareil normal, de six voussoirs d’épaisseur. Le tout en briques de grandes dimensions parfaitement cuites et liées avec un mortier de gypse. L’aile sud entièrement en briques, privée de ses revêtements précieux, comprend cinq étages de colonnes et d’arcades engagées, réunies par trois ordres de plus grandes dimensions (46). Le rez-de-chaussée n’a qu’une grande porte voûtée en plein cintre et accostée de deux arcades de même taille, mais aveugles. Une haute base de béton a été élevée contre la façade pour la consolider, lors des fouilles allemandes de 1929.
Fig. 57 – Le minaret conique de de la Grande mosquée de Samarra, entouré d’une rampe en spirale, Irak. |
« …Courant 2003 une base américaine s’installe sur l’antique site d’Our, à l’endroit même où s’élève une ziggourat millénaire. “Les travaux effectués par les Américains, déclare le ministre du Tourisme et des Sites archéologiques en septembre 2009, avec notamment la création de camps, le creusement de tunnels, la construction de murs de fortifications pour protéger leurs troupes, le nivellement des terrains à l’aide d’engins lourds ont endommagé le site d’Ourˮ. L’antique cité était selon lui la plus menacée par les activités de l’armée américaine. “Les sites du sud de l’Irak, ajoute Cécile Michel, spécialiste de l’archéologie de l’Orient, ont été systématiquement retournés et ressemblent à de vastes champs de cratères plus ou moins gros. Les objets les plus intéressants selon les trafiquants sont revendus, les autres jetés. Les couches archéologiques sont détruites à jamais et les objets mis sur le marché ont perdu la moitié de leurs informations en étant déconnectés de leurs sites d’origineˮ… Aujourd’hui l’armée américaine tente de redorer son blason en finançant la restauration des sites et en essayant de développer le tourisme irakien. Les fouilles sont au point mort et l’avenir s’annonce incertain. L’archéologie n’est pas la priorité ni du gouvernement, ni de la population. Les conditions de vie, l’insécurité, les pénuries d’électricité et d’eau passent avant tout le reste… » (51)
A Ninive, une bonne partie de l’enceinte fut reconstruite en pierres de taille (49). A l’arrière des remparts subsistent les ruines des portes monumentales en briques crues. L’une d’elle a été reconstituée, l’ossature invisible étant en béton armé, l’enveloppe est en briques mi-cuites (50). L’artifice utilisé induit le spectateur en erreur sur la massivité de l’ensemble qui n’est qu’apparente. Auparavant, sur les vestiges d’une autre porte, une tentative de reconstruction en béton et briques s’était soldée par un effondrement partiel des structures, ce qui témoigne d’une coexistence insuffisamment maîtrisée entre matériaux nouveaux et traditionnels. Les techniques innovantes, rencontrées en Haute et Basse Mésopotamie, comme dans la fondation des villes, la construction des temples, la science et la géométrie, représentent un précieux savoir et savoir-faire qui ne tarderont guère à se diffuser le long des fleuves ou des routes commerciales en direction de l’Egypte ou, plus tard encore, de la Grèce.
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