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Art en général - Antiquité - Moyen Age - Europe - Histoire de l'art Jacqueline Leclercq-Marx La Sirène dans la pensée et dans l'art de l'Antiquité et du Moyen Age Du mythe païen au symbole chrétien
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Reporticle : 100 Version : 1 Rédaction : 09/11/1997 Publication : 02/10/2014

III. Du VIIe au Xe siècles. Concepts anciens. Formes nouvelles

De la Sirène-oiseau à la Sirène-poisson. Témoignages littéraires et iconographiques

L'Antiquité classique et tardive avait conçu et représenté les Sirènes comme des femmes-oiseaux à quelques exceptions près. Les Pères avaient fait de même, à en juger par ceux qui s'étaient donné la peine de les décrire. Seul en fait, le bas-relief d'Ahnas laisse supposer qu'au Ve siècle, des chrétiens prêtaient aux Sirènes l'apparence de femmes-poissons. Ainsi y eut-il pendant des siècles, un parallélisme à peu près constant entre les traditions écrites et figurées. En effet, les tentatives isolées de représenter les Sirènes comme des êtres pisciformes ne constituent pas – loin s'en faut – une véritable « tradition ». Celle-ci ne semble avoir réellement pris forme qu'au VIIe siècle et, fait nouveau, elle affecta tant le domaine artistique que celui des lettres.

Cette tradition nouvelle ne supplanta pas, toutefois, l'ancienne qui reste largement attestée. Ainsi tous les exemplaires grecs et latins du Physiologus présentent les Sirènes comme des femmes-oiseaux, de même que les écrits, comme les Libri carolini qui s'en sont inspirés sur ce point (434). Ceux qui suivent Isidore se montrent aussi fidèles à la morphologie antique. C'est le cas du De Universo de Raban Maur où la notice de l'évêque espagnol est reprise intégralement (435). C'est également celui du Commentaire de la Consolation de Boèce de Remi d'Auxerre, dans lequel on distingue aisément les différents apports (436) :

« Sed abite potius Sirenes (...). Les Sirènes sont des monstres marins qui, par leurs chants, en charment plus d'un ; en partie bêtes sauvages, en partie jeunes filles (437), elles ont des ailes et des griffes (...). En réalité, ce furent trois sœurs qui, par leur beauté, dépouillaient leurs amants de tout. Elles passaient pour avoir des ailes et des griffes parce que l'amour passe et blesse » (438).

En reproduisant la description de l'interprétation de Palaephatos d'après, sans doute, la citation de Jérôme (Chron.), le Pseudo-Frédégaire fit également sienne cette conception (439). C'est aussi celle qu'adoptèrent les Mythographes I et II du Vatican (440) : ils se sont contentés de reprendre sans l'altérer, le texte de Servius.

Ill. 37 - Diptyque d'ivoire (Tours?, 1ère moitié du IXe s.) Paris, Musée du Louvre. (D’après Ch. Stiegemann et M. Wemhoff dir., 799. Kunst und Kultur der Karolingerzeit, Mayence, 1999, t. 3, p. 646).
Photo d’après W.F. Volbach, Elfenarbeiten, pl. 61, Ill. 12.Fermer
Ill. 37 - Diptyque d'ivoire (Tours?, 1ère moitié du IXe s.)
Ill. 38 - Physiologus de Berne (Hautvilliers, c. 830). Berne, Burgerbibliothek.
Photo Burgerbibliothek Bern.Fermer
Ill. 38 - Physiologus de Berne (Hautvilliers, c. 830).

On connaît également quelques Sirènes-oiseaux dans l'art occidental de la même période. Les plus anciens exemples de Sirènes-oiseaux de cette époque figurent sur le revers du diptyque d'ivoire d' Areobindus (441) (Ill. 37), au sein d'une sorte d'échelle biologique ordonnée de manière dégressive en sept registres superposés. Sur le registre supérieur, Adam et Ève représentent l'humanité. Entre eux et les différentes espèces animales s'échelonnent quelques variétés monstrueuses (442). Dotés d'un buste humain, les Sirènes et les centaures se situent très logiquement sous Adam et Ève. Ils précèdent les monstres qui ont un corps d'homme et une tête d'animal, réunis en la circonstance, avec les satyres. Les deux Sirènes se font face, comme les centaures d'ailleurs ; les couples qu'ils forment sont, par contre, opposés symétriquement. Une branche feuillue constitue leur seul « attribut » commun. Banal au premier abord, ce rameau ne laisse toutefois d'intriguer, car la Sirène et le centaure du Physiologus de Berne (Ill. 38) (443) en tiennent aussi : dans ce cas, il est même mis en valeur car il déborde chaque fois du cadre peint ! Sans doute s'agit-il du signe distinctif du Chiron des herbarii antiques, attribué ici par extension aux Sirènes. Un superbe centaurus medicinalis au rameau est en tout cas peint dans un exemplaire ottonien d'herbarium inspiré du De herba betonica d'Antonius Musa et du De herbarum medicaminibus du Pseudo-Apulée (444). Une étude minutieuse des fragments de la fresque représentant Ulysse combattant Scylla, peinte à la fin du IXe siècle, dans l'église haute de l'abbatiale de Corvey (Westphalie) a également révélé la présence d'une Sirène-oiseau à ses côtés : « À droite du monstre, une Sirène est représentée avec de longs cheveux, sa poitrine humaine dénudée, et un corps d'oiseau peint en vert, avec une queue recourbée au-dessus de frêles pattes d'oiseau. Le corps d'oiseau est mal conservé. Les traces de vert qui restent ne se reconnaissent que de très près. La Sirène se retourne. Elle tient un instrument à cordes – probablement une harpe – » (445). Cette fresque se présente comme une transposition picturale fidèle des commentaires allégoriques des Pères et des érudits carolingiens qui s'en sont inspirés.

Ill. 39 - Bruxelles. B.R.. ms. 10066-77 (Meuse ?, Champagne ?, Laonnois ?, 2e moitié du Xe s.).
Photo Bibliothèque Royale, Bruxelles.Fermer
Ill. 39 - Bruxelles. B.R.. ms. 10066-77 (Meuse ?, Champagne ?, Laonnois ?, 2e moitié du Xe s.).
Ill. 40 - Sacramentaire de Gellone (Diocèse de Meaux, c. 790-795). Paris, Bibliothèque nationale.
Photo Bibliothèque nationale de France, Paris.Fermer
Ill. 40 - Sacramentaire de Gellone (Diocèse de Meaux, c. 790-795).

Un exemplaire latin du Physiologus – le Bruxellensis 10066-77 de la 2e moitié du Xe siècle – comporte encore une représentation de Sirènes-oiseaux (446) (Ill. 39). Celle-ci apparaît cette fois en concordance avec le texte qui suit, du moins pour ce chapitre, la version B (447). On y retrouve en effet la même métaphore exprimée dans des termes à peu près identiques : les hommes amollis par les plaisirs sont la proie des « ennemis de la vertu » car leur vigilance est assoupie ; ils sont comme les victimes des Sirènes, mises en pièces pendant leur sommeil. Cette comparaison est transposée fidèlement dans l'illustration (448) qui est, par ailleurs, accompagnée de légendes. Sur le premier registre, une Sirène joue d'un instrument à cordes (Ubi Syrenae musicam sonant ad decipiendos homines) alors que deux autres sont occupées à déchirer le cadavre de leur victime (Ubi dilaniant eos jam mortuos). Sur le registre inférieur, un centaure (Onocentaurus) perce un lièvre de sa lance ; à ses côtés figurent deux hommes, des hypocrites si l'on en croit l'inscription qui les surmonte (Ubi bilinguis diversis modis fallitur) (449). Le centaure au lièvre atteste l'influence de l'iconographie des manuscrits astrologiques (450); quant au groupe des bilingues, il traduit fidèlement le texte, qui fait du centaure leur symbole. Dans ce manuscrit-ci, les Sirènes ne sont pas directement associées à ce symbolisme. Toutefois les rapports étroits existant entre Sirènes et centaures – nature double et partant diabolique – sont bien mis en évidence dans le texte et dans l'illustration. D'une part, similiter lie le paragraphe consacré aux centaures à celui des Sirènes. D'autre part, les silhouettes des deux hybrides, tracées sur des registres successifs, sont à peine séparées par une ligne ondulée.

Plus proches encore de la littérature classique que leurs collègues latins, les historiographes et les mythographes byzantins comme Photios ou l'auteur de la Souda, sont également restés fidèles au type de la Sirène-oiseau (451). Dans l'Etymologicon magnum, le rappel de la joute musicale entre les Muses et les Sirènes implique également la conception de Sirènes ailées (452). À vrai dire, il semble que seul le type de la Sirène-oiseau, présent sur quelques bas-reliefs, fut connu dans l'empire byzantin (453). On ne connaît guère, par contre, de représentations de Sirènes-poissons à moins qu'il ne faille considérer comme telle la femme serpentine aux longs cheveux qui figure comme illustration d'un sermon de saint Basile, dans la marge d'un manuscrit grec du IXe siècle (454). En tout état de cause, la civilisation byzantine, héritière du répertoire de formes gréco-oriental, ne semble pas constituer une étape décisive dans l'expansion du type iconographique de la Sirène-poisson.

L'Occident chrétien y apparaît impliqué davantage, comme le laisse supposer la plus ancienne mention du type nouveau des Sirènes, dans le Liber monstrorum (appelé aussi le De monstris)  (455). Ce recueil, consacré à des monstres de la mythologie gréco-romaine, aurait été écrit dans la deuxième moitié du VIIe ou peut-être au commencement du VIIIe siècle. Traditionnellement on l'estime issu des milieux érudits anglosaxons car il y est fait allusion à un certain Hygelac, dont le nom rappelle celui du héros du poème Beowulf. Toutefois Franz Brunhölzl préfère situer le milieu dont émane l'opuscule « quelque part dans l'empire mérovingien et sans doute en un lieu voisin de la Manche » (456). Max Manitius (457) et après lui Ann Knock (458) ont également fait état d'une éventuelle origine irlandaise après avoir notamment étudié l'aire de diffusion des manuscrits. Les sources du Liber sont multiples et variées, Virgile et le Physiologus ayant été autant sollicités que Jérôme et Augustin (459). Néanmoins tout porte à croire que le passage sur les Sirènes est original. L'auteur du Liber paraît en outre avoir considéré les Sirènes comme le type de « monstre » le plus remarquable parmi ceux qu'a retenus la littérature. Et dès sa préface, il en fait mention dans les termes suivants :

« Dans ces antres peuplés de monstres, je montrerai certaine jeune fille, séjournant dans la mer, la Sirène, laquelle a la tête d'un être doué de raison, mais après quoi vient une quantité de fables relatives à diverses espèces de monstres hérissés et écailleux » (460).

Au chapitre VIII, il revient sur les

« Sirènes, jeunes filles des mers qui trompent les navigateurs par leur beauté et leurs chants très doux ; de la tête à l'ombilic, elles ont un corps de jeune-fille, elles ont cependant des queues de poisson couvertes d'écailles avec lesquelles elles restent dans les eaux (...). Scylla, monstre très ennemi des (...) navigateurs (...) a la tête et la poitrine d'une vierge, comme les Sirènes, le ventre des loups et les queues des dauphins. Ce qui distingue les natures des Sirènes et de Scylla, c'est que les Sirènes trompent et que Scylla, dit-on, par sa seule force, entourée de chiens marins, fracasse les bateaux des malheureux naufragés ». (Pfister, p. 382).

Le Liber monstrorum nous apprend donc que les Sirènes, ces marinae puellae sont – très logiquement – dotées de queues de poissons écailleuses. Il précise également qu'elles exercent leur séduction fatale par la douceur de leur chant autant que par leur beauté – ce qui leur ôte peut-être un peu de mystère mais leur confère un caractère érotique plus marqué. Cette allusion à leur charme physique rappelle celle qui est faite au sujet de femmes aquatiques, redoutables séductrices à la longue chevelure, localisées aux Indes dans la Lettre d'Alexandre à Aristote :

« Ces femmes chevelues, qui vivaient comme des poissons plongées dans les eaux (...) nageaient dans la rivière et étouffaient les hommes qui ne connaissaient pas ces régions en les retenant dans l'eau, ou les attiraient dans un endroit planté de roseaux et, conquis aussitôt par leur physique – car elles étaient d'une apparence remarquable – elles les séduisaient, ou encore elles les tuaient par le plaisir de l'amour. (...) Elles étaient de couleur neige, pareilles aux nymphes ; des cheveux étaient répandus sur leur dos » (461).

Ill. 41 - Livre de Kells (Iona et Kells, fin du VIIIe s.) (dét.). Dublin, Trinity College.
Photo The Board of Trinity College Dublin.Fermer
Ill. 41 - Livre de Kells (Iona et Kells, fin du VIIIe s.) (dét.).

Dans la mesure où l'auteur du Liber avait manifestement connaissance de cette Lettre (462) , on peut se demander s'il n'a pas confondu les deux types de séductrices. Cette méprise l'aurait dès lors conduit a attribuer aux Sirènes une queue de poisson plutôt que des ailes, peu adaptées à la vie dans l'eau. Le fait que Pline dans lequel il puisa aussi, situait les Sirènes aux Indes constituait en tout cas « une invitation à prendre pour des Sirènes ces femmes aquatiques de grande beauté (463). Par ailleurs, les analogies profondes entre les Sirènes et Scylla, bien établies dans le Liber où elles sont réunies dans un même chapitre, contribuent aussi sans doute à expliquer le passage de la Sirène-oiseau à la Sirène-poisson. La confusion entre les deux sortes de monstres semble à tout le moins aisée quand on se réfère à ce que l'auteur du Liber en a dit. Leur association dans d'autres textes d'époque carolingienne (464) donne en fait à penser que le caractère pisciforme de Scylla a pu être étendu aux Sirènes par simple analogie. N'étaient-elles pas toutes des marinae puellae ? C'est en tout cas la conclusion à laquelle arrivent Edmond Faral (465), Bernard Teyssèdre (466) et surtout May Vieillard-Troïekouroff (467) : « Ce dédoublement des Sirènes et cette fusion avec Scylla, déjà amorcée dans l'Antiquité (468), a donc eu lieu au cours du Haut Moyen Âge, et croyons-nous pouvoir préciser ici, dans la seconde moitié du VIIIe et au IXe siècle. C'est un élément de la Renaissance carolingienne qui n'a pas été suffisamment souligné jusqu'ici ». Cet auteur évoque par ailleurs l'influence qu'exercèrent sans doute aussi les représentations romaines et a fortiori gallo-romaines de tritones, sur le réveil et la diffusion des Sirènes-poissons au Moyen Âge (469). Cette intéressante hypothèse qui pose ici, de manière concrète, le problème très particulier de l'influence de l'art sur la littérature, ne peut être prouvée mais elle ne peut pas non plus être rejetée a priori. La tritone d'allure tout à fait classique du Musée d'Histoire de Marseille (470) (Ill. 34) ou celle, plus fruste, conservée au Musée Rolin à Autun (471) (Ill. 35) peuvent en tout cas être considérées comme des modèles possibles de Sirènes-poissons de même que les tritones bifides du type de celle qui orne le trophée de Saint-Bertrand-de-Comminges (472) ; les triton(e)s à une ou deux queues qui figurent sur maintes terres sigillées gallo-romaines également (473). Les triton(e)s à deux queues ne doivent toutefois pas être confondu(e)s avec les anguipèdes, dont les bustes se terminent non par des queues de poisson mais par des queues de serpent. Fréquemment associés à un cavalier dans la statuaire gallo-romaine, ces anguipèdes apparaissent dans des scènes à caractère essentiellement funéraire (474). Au même titre que les représentations de Scylla, ils ont peut-être aussi pu contribuer à l'évolution morphologique des Sirènes.

Ill. 42 - Psautier de Charlemagne (Saint-Riquier, 800) B.n.F. ms. lat., 13159 - fol 13v. (dét.). Paris, Bibliothèque nationale.
Photo Bibliothèque nationale de France, Paris.Fermer
Ill. 42 - Psautier de Charlemagne (Saint-Riquier, 800) (dét.).
Ill. 43 - Psautier de Stuttgart (Corbie ?, 1er quart du IXe s.). Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek.
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Ill. 43 - Psautier de Stuttgart (Corbie ?, 1er quart du IXe s.).

Ainsi donc il apparaît possible que la confusion des tritones et des Sirènes ait d'abord été faite par des artistes – moins nourris de culture classique que les hommes de lettres – avant de s'imposer à ces derniers comme un donné ou du moins comme une alternative. La contradiction entre le texte et l'illustration d'un manuscrit du Physiologus, le Bernensis lat. 318, issu du très classique scriptorium de Reims (475), tendrait en outre à prouver l'existence de traditions différentes – littéraire et artistique – encore indépendantes l'une de l'autre dans le deuxième tiers du IXe siècle. En effet, la miniature qui illustre le chapitre sur la Sirène comporte une femme-poisson, alors que le texte décrit la Sirène comme une femme-oiseau ! Mais si cette disparité révèle bien une tendance significative manifestée dès l'époque carolingienne – représenter des Sirènes-poissons et décrire des Sirènes-oiseaux –, elle n'indique en aucun cas un choix exclusif. L'auteur du Liber monstrorum présentait, nous l'avons vu, la Sirène comme un être pisciforme ; l'auteur des Glossa ordinaria indiquait également cette possibilité au IXe siècle (476). De même, les représentations de Sirènes-oiseaux ont coexisté avec celles des Sirènes-poissons. Sans savoir si elles ont toujours été conçues comme telles par les artistes qui les ont figurées, plusieurs femmes-poissons apparaissent en tout cas dans l'art – la miniature essentiellement – du Haut Moyen Âge. Des tritons s'y trouvent également. La liste ci-dessous reprend les références d'œuvres qui en contiennent (477). La plus ancienne représentation conservée de Sirène-poisson continentale – car il semble bien que dans ce cas, on puisse lui donner ce nom –, figure au début du Sacramentaire de Gellone, manuscrit de la 2e moitié du VIIIe siècle, dans lequel on décèle à la fois des souvenirs insulaires et l'influence de tissus coptes.

  • Sacramentaire gélasien dit de Gellone. Paris, B.N. lat. 12048 R (Diocèse de Meaux, vers 790-795) (478).
    • fol. 1 r° (Ill. 40).
      Une femme-poisson à la longue chevelure foncée, sans bras mais dotée d'une longue queue jaune avec des rehauts de vert et de rouge, dont les écailles recouvrent une partie du buste, forme le trait d'abréviation du DÑI. Elle donne l'impression de nager vers une Vierge très orientale d'allure qui tient un encensoir de la main droite et un crucifix de l'autre (479). Cette attitude à laquelle font écho deux chrismes, au pouvoir sans doute prophylactique, évoque une scène d'exorcisme. C'est d'ailleurs ce contexte qui suggère de considérer cette femme-poisson comme une Sirène : proche de celles d'Ahnas qui apparaissent elles-mêmes exorcisées par la croix qu'elles portent au cou, et des lamies devant lesquelles, pour s'en prémunir, il est expressément conseillé de faire le signe de croix (480), la « Sirène » du Sacramentaire de Gellone peut, très probablement, être considérée comme telle.
    • fol. 51 v°.
      Une autre femme-poisson constitue le V et le D du Vere Dignum, au début de la préface du Jeudi Saint. Sans bras, elle possède toutefois un buste aux seins bien marqués. Sa queue se relève d'abord perpendiculairement au buste, pour former le V, avant de retomber souplement, pour former le D. Les écailles en forme de cœur sont vertes, jaunes et rouges. Son ample chevelure, rouge et beige, dessine une sorte de S qui intercepte la queue de manière très décorative. Un petit poisson remplace le tiret d'abréviation. La présence de cette ondine nous semble uniquement justifiée par des soucis d'ordre décoratif.

  • Livre de Kells. Dublin, Trinity College Libr., ms. 58 (A. 1, 6). (lona et Kells, fin du VIlle siècle) (481).
    • fol. 201 r°.
      Étirée verticalement, une femme-poisson a un bras replié sur la poitrine. De l'autre, elle saisit l'extrémité d'un mot ! Le buste est jaune avec des rehauts rouges. La queue très stylisée – elle comporte deux nœuds d'entrelacs et est ponctuée de rosettes – se dédouble en son extrémité. L'orange, le vert, le gris dominent dans cette queue polychrome dont les nageoires sont bleues.
    • fol. 213 r° (Ill. 41).
      Une femme-poisson fortement stylisée, dont le corps s'allonge parfaitement horizontal, termine une ligne. Ses bras sont repliés sur le buste dont la jonction avec la queue est ornée d'un entrelac. Elle est entièrement peinte dans des nuances de bleu, avec des rehauts rouges sur la queue.

  • Psautier gallican dit de Charlemagne. Paris, B.N. lat. 13159, fql. 13 v° (Saint-Riquier, 800) (482) (Ill. 42).
    Une femme-poisson forme, dans le plus pur style insulaire, un « d » oncial. Nue jusqu'à la ceinture, elle tient de ses mains levées deux mèches de cheveux tandis que le reste de sa chevelure tombe, épars, sur ses épaules. La partie inférieure, très stylisée, est constituée par trois champs d'entrelacs dont la courbe forme la bouche du « d » oncial. L'extrémité se divise en deux queues de poisson couvertes d'écailles. May Vieillard-Troïekouroff suppose qu'elle symbolise la Mundi depravatio pessima telle qu'elle est décrite dans le Ps. 12 qui lui fait suite (483).
  • Psautier dit de Stuttgart. Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, Cod. bibl. Fol. 23 (nord de la France, Corbie ? 1er quart du IXe siècle) (484).
    • fol. 110 v°.
      En illustration au Ps. 94, 20 (Hymne au Seigneur), l'artiste a figuré le psalmiste et les fidèles rendant grâce à Dieu. À droite de la miniature, la Terre-Mère, personnifiée par une jeune-femme aux longs cheveux, la poitrine nue, tient une come d'abondance. À gauche, une femme-poisson, coiffée d'un curieux bonnet phrygien (485), s'appuie sur le coude pour sonner du cor. Elle est allongée parmi les poissons et une langouste et elle personnifie sans aucun doute l'élément marin. Ses cheveux sont bruns, comme sa ceinture et ses nageoires ; il y a quelques rehauts de bleu sur le bonnet phrygien et sur la queue.
    • fol. 117 v°.
      Le Léviathan auquel il est fait allusion dans le Ps. 103, 25-26 (Les splendeurs de la Création) comme hôte de « la grande mer aux vastes bras », est figurée sous la forme d'un triton barbu qui tient une ancre d'une main et de l'autre la rame d'un bateau dans lequel il y a quatre personnages. La queue serpentiforme du triton se détriple en son extrémité ; des festons ornent la jonction de celle-ci et du buste. Ses cheveux sont foncés, son torse rose, sa queue ponctuée de rehauts rouges, bruns et bleus. Il est entouré de poissons.
    • fol. 124 r°(Ill. 43).
      Le Christ est représenté en train de commander à la tempête, dans une nef où apparaissent trois autres personnages. Une femme-poisson, proche de la précédente, nage dans les flots parmi les poissons et un monstre marin ; leurs contours sont bruns. On peut encore en identifier une troisième au fol. 79 r° où est peint l'engloutissement de Jonas par la baleine ; dans ce cas toutefois, seul le buste émerge. Comme la précédente, elle souffle dans un cor. Avec cet attribut « on pourrait penser à des tritons » écrit May Vieillard-Troïekouroff, « mais elles participent à l'action et symbolisent non point tant la mer que le monde païen condamné » (486). Cette assertion est toutefois contredite par le texte même des versets illustrés et cités, comme le remarquait déjà Suzy Dufrenne (487).

  • Psautier dit d'Utrecht. Utrecht, Rijksuniversiteit Bibliotheek, Script. eccl. 484, fol. 56 v°. (Hautvillers - École de Reims, v. 820-830. Dessin à l'encre et à la plume) (488).
    Au bas du vol. 56 v° est illustré le Ps. 97, 7-8 dans lequel Yahvé reçoit l'hommage de l'Univers entier. Des jeunes-femmes portant des urnes renversées personnifient les rivières, tandis qu'Océanos chevauchant un hippocampe et une divinité à la queue serpentine personnifient la Mer. La divinité féminine porte des pinces de homard sur la tête (489) et tient d'une main un dauphin.
  • Physiologus de Berne. Berne, Bürgerbibliothek, Cod. 318, fol. 13 v° (Hautvillers. École de Reims, vers 830 (490) (Ill. 38).
    En contradiction avec le texte qui dépeint une Sirène-oiseau, c'est une Sirène-poisson qui, dans l'illustration, apparaît face au centaure. Situés sur une plage en bordure de la mer, l'un et l'autre tiennent dans une main un rameau feuillu (491). Au premier plan encore ressort. un bateau. Le traitement de cette scène est tout à fait classique par le modelé des corps, la transparence de l'eau et les jeux de l'ombre et de la lumière. Le rendu des coloris est naturaliste : les parties dénudées des corps sont roses, la mer bleue... La composition se détache sur un fond vert (492).
  • Brique historiée de Pellevoisin (aujourd'hui détruite mais dont on possède une photographie prise par Jean Hubert)  (493) (Ill. 44).
    La femme-poisson est figurée, queue de profil, buste de face et bras ouverts. Sa longue chevelure remonte jusqu'à la hauteur de la tête dont s'échappent deux flots en guise de cheveux. Les briques voisines sont par ailleurs décorées de poissons qui semblent se diriger vers elle.

Ill. 44 - Brique historiée de Pellevoisin (Indre), IXe s. (dét.).
Photo d’après M. Vieillard-Troïekouroff, Sirènes-poissons, Ill. 12.Fermer
Ill. 44 - Brique historiée de Pellevoisin (Indre), IXe s. (dét.).

Le type d'influence qu'ont subi les manuscrits, ainsi que leur chronologie permettent aisément de les répartir en deux groupes. Les trois premiers – peints entre c. 790 et 800 – sont soit d'origine insulaire, comme le Livre de Kells, soit marqués d'influences insulaires. Les trois derniers, issus de scriptoria du nord de la France, vers 815-830, sont, à l'inverse, tout à fait classiques d'inspiration. À cet égard, la filiation entre les triton(e)s antiques et les femmes/hommes-poissons qui y figurent, est patente. Dans les Psautiers de Stuttgart et d'Utrecht, ces créatures symbolisent même traditionnellement l'élément marin. Dans les manuscrits plus anciens par contre, la femme-poisson apparaît le plus souvent isolée de tout contexte. L'influence insulaire qu'on y décèle soit au niveau de l'iconographie, soit au niveau du style, nous amène tout naturellement à nous interroger sur l'éventuelle présence de créatures humaines à queue de poisson dans l'art celtique de Grande-Bretagne et d'Irlande.

Ill. 45 - Bas-relief (Meigle-Perthshire, VIIIe s.). D'après le moulage exposé à Edinburgh, National Museum of Scotland.
Photo The Trustees of the National Museums of Scotland 1995.Fermer
Ill. 45 - Bas-relief (Meigle-Perthshire, VIIIe s.).

Seul, à notre connaissance, un bas-relief écossais du VIIIe siècle, « the Meigle's stone » (Ill. 45) en comporte une. Identifié comme un « triton » par Romilly Allen, il apparaît plutôt comme un avatar de Cernunnos dans les travaux plus récents (494). Si l'on en est donc réduit à des conjectures sur sa vraie nature, son allure générale, avec ses deux queues entrelacées qui prolongent son buste, anticipe en tout cas celle de centaines de Sirènes médiévales. Par ailleurs, son geste – le « triton » relève symétriquement deux longues mèches entrelacées de cheveux – fréquent chez les Sirènes romanes, est déjà attesté dans le Psautier de Charlemagne dont le style est, nous l'avons vu, purement insulaire. Même sa position frontale, entre deux quadrupèdes, n'est pas sans évoquer tel chapiteau roman « à Sirènes ». La figure bifide du relief de Meigle jalonne en tout cas la voie, qui des anguipèdes et de Scylla, a conduit, par ses avantages de symétrie et de frontalité, aux Sirènes romanes. Par contre, il semble impossible de pouvoir la situer par rapporraux Sirènes ou même aux divinités celtiques qui s'en rapprochent le plus.

En fait, c'est une triade de femmes-oiseaux mises toutefois en relation avec l'eau, Badbh, Macha, Nemhain ou/et Môrrigân – Môrrigân pouvant aussi apparaître comme leur nom générique – qui rappelle le plus les Sirènes traditionnelles (495). Ces trois déesses – corneilles étaient ambivalentes, à la fois déesses de la guerre, de la mort et déesses de la fertilité, de la vie. Elles possédaient des dons prophétiques, émettaient des chants létifères et étaient fortement sexuées. Cette triade divine qui appartient aux strates les plus anciennes de la mythologie celtique, inspira même une dédicace latine très significative – Lamiis tribus dans le temple romano-celtique de Benwell, en Grande-Bretagne (496). Although the latin name is used, the concept is Celtic, and it is noteworthy that Cormac glosses Macha, the war-goddess, as Lamia (497). Lorsqu'on sait que dans une glose du IXe siècle Lamia, monstrum in femine figura est expliquée par le mot « Mórrigán » (498) et qu'une glose du XIe siècle confond lamies et Sirènes : Sirena. Umbra in mare hoc est lamia (499) , on comprend d'autant plus aisément les différentes assimilations ou du moins les différentes possibilités d'assimilation. La double nature que certains, tel Grégoire le Grand (500) prêtaient aux lamies, dut encore davantage faciliter la confusion.

Outre les trois déesses guerrières, il existe encore d'autres cas de femmes-oiseaux, de femmes se métamorphosant en oiseau ou l'inverse, dans la littérature irlandaise. Les femmes-cygnes (501) présentent à cet égard le même rapport à l'eau que Mórrigán qui apparaît fréquemment dans le Cycle d'Ulster, autour du héros Cú Chulainn (502). L'Imram Mael-Duin, le plus ancien témoin du genre, comporte par ailleurs l'évocation d'une île enchantée habitée par des oiseaux qui parlent (503). Eu égard au fait que l'Énéide et, à un degré moindre, l'Odyssée figurent parmi les sources du compilateur (504), on serait tenté d'y voir un démarquage de l'épisode des Sirènes (505). Les analogies existant entre l'épopée grecque et l'épopée celtique s'expliqueraient toutefois davantage par l'utilisation d'un fonds commun indo-européen, plutôt que par une influence – même indirecte – du « modèle » grec (506).

Ce fonds commun ou plutôt l'universalité du culte des eaux explique encore l'existence d'ondines, lointaines cousines des tritones et des néréides, dans l'ancienne littérature celtique d'Irlande (507). Une femme-poisson – « saumon » plus exactement –, Liban, y apparaît en tout cas en rapport avec le culte des Eaux-Mères, dans l'Inondation du Lough Neagh qui appartient au Cycle mythologique (508) : « Liban prit la forme d'un saumon ; seule sa figure et ses seins ne changèrent pas ». Dans la version christianisée de la légende, elle est même appelée Muirgen, « née de la mer » à son baptême (509). Le fait qu'elle ne puisse pas y survivre révèle par ailleurs sa nature démoniaque, au sens chrétien du terme.

Beowulf, l'épopée anglo-saxonne à demi païenne, écrite au VIIe ou au VIIIe siècle, contient en outre un personnage – la mère monstrueuse de Grendel – qui s'apparente aux femmes-poissons et partant, dans une certaine mesure, aux « nouvelles » Sirènes. Située dans « une salle de l'abîme où l'eau n'entre pas » et entourée de « bêtes marines », elle y est en tout cas appelée merewif (510), terme qui est traduit par Wasser-Unholdin, Meerweib dans le glossaire de Heyne-Schückings (511). Le dictionnaire anglo-saxon de Joseph Bosworth fait état d'associations semblables au sujet du terme mere-men, ainsi qu'à ses variantes (512). Plus significativement encore, son équivalent haut-allemand merimenni figure fréquemment comme glose de sirenes (513). C'est également ce mot qui apparaît dans la plus ancienne version allemande du Physiologus – elle date du XIe et du XIIe siècle –, malgré l'allusion au caractère omithomorphe des Sirènes : Sirene sint meremanniu unde sint uuibe gelih unzin ze demo nabilin, dannan ufuogele, unde mugin uile seono sinen (514). En fait, la confusion entre divinités gréco-romaines, celtiques et germaniques des eaux n'a rien de surprenant, deux corollaires de la christianisation – l'adoption du latin comme langue savante et celle des auteurs antiques comme modèles littéraires –, l'ayant rendue en quelque sorte inévitable. En favorisant le recours à des citations classiques dans la description d'ondines appartenant aux anciennes cultures du nord, de l'ouest et du centre de l'Europe, cette situation créait en effet des liens inattendus entre les différentes mythologies. Comment des démones aquatiques locales comme celles du lieudit Steinhaha (Vita Galli, II, 11-12) pouvaient-elles encore garder à terme quelque individualité, quand leur évocation était farcie d'emprunts à Virgile et à Ovide (515) ?

Si la boucle est donc bouclée au XIe ou au XIIe siècle au plus tard – en tout cas dans le domaine du vocabulaire –, elle ne l'est guère, tant s'en faut, dans le Haut Moyen Âge. Rien ne nous autorise en effet à considérer les femmes aquatiques insulaires comme des « Sirènes » au sens traditionnel du terme. N'empêche que la Grande-Bretagne apparaît tout de même impliquée d'une certaine façon dans leur évo- lution morphologique (516). Ne tient-on pas, à peu près unanimement, l'auteur du Liber monstrorum pour un insulaire, soit Anglo-Saxon, soit Irlandais? Attribution que suggèrent l'allusion à Hygelac et l'aire de diffusion des manuscrits, et que n'infirme certainement pas la définition nouvelle de la Sirène. Nulle région en effet n'était mieux placée que la Grande-Bretagne pour jouer un rôle dans son élaboràtion ou au moins dans sa diffusion, soit qu'elle ait été le fruit de l'assimilation des Sirènes à d'anciennes divinités locales des eaux, soit qu'elle y ait été importée telle quelle. Si, comme le bas-relief d'Ahnas semble l'indiquer, c'est bien en milieu copte que s'est formé le concept même de Sirène-poisson, son passage précoce dans le monde imaginaire des peuples d'outre-Manche peut en effet s'expliquer aisément. On sait que l'introduction du monachisme primitif d'origine orientale entraîna l'arrivée de nombreux élément orientaux et plus particulièrement coptes dans la littérature et dans l'art irlandais (517). En outre, on ne peut ignorer que Waldémar Deonna, Jean Adhémar et Henri Focillon ont proposé un prototype copte – une personnification de la Terre tenant, bras écartés, une draperie stylisée chargée de fruits – à la Sirène bifide (518). S'il est difficile d'admettre qu'une telle représentation ait pu « déterminer le motif » de la Sirène-poisson à double queue (519), on peut par contre imaginer qu'elle participa également à sa diffusion.

Même les femmes-poissons d'outre-Manche nous ramènent donc d'une certaine façon au bassin méditerranéen (520); celles du Sacramentaire de Gellone et du Physiologus de Berne également (521). Mais à supposer qu'il faille bien rechercher dans le sud le prototype de la Sirène pisciforme, rien n'exclut qu'elle ait été très rapidement confondue, dans les Îles Britanniques, avec d'anciennes divinités locales des eaux. Un tel syncrétisme expliquerait du moins la précocité de l'apparition du thème dans l'art et dans la littérature insulaires, de même que sa propagation sur le continent par l'intermédiaire de plusieurs centres ouverts à leur influence (522). Cette hypohèse complique par contre l'interprétation des femmes-poissons peintes dans les manuscrits issus de scriptoria situés dans leur sphère d'influence. Celles qui figurent dans la miniature d'inspiration classique – la miniature rémoise, par exemple – posent beaucoup moins de problèmes : ce sont des tritones qui symbolisent l'élément marin dans l'iconographie antique. La seule Sirène-poisson qu'on puisse en fait identifier avec certitude est celle qui figure comme illustration du chapitre qui lui est consacré dans le Physiologus de Berne. L'unique queue que l'artiste lui a attribuée ne semble toutefois pas pouvoir servir, hélas, de critère de reconnaissance : l'auteur du Liber monstrorum fait explicitement état de queues (caudas).

Aux Sirènes-oiseaux conformes à la tradition gréco-romaine se sont donc ajoutées des Sirènes-poissons à une et à deux queues. Le Liber monstrorum atteste, dès avant le IXe siècle, le passage de cette tradition nouvelle dans la littérature latine d'origine insulaire ; une miniature du Physiologus de Berne, son adoption dans l'art carolingien d'inspiration antique. Sans pouvoir expliquer précisément les modalités de cette métamorphose, on peut sans doute évoquer l'influence de certaines représentations gallo-romaines de tritones et de Scylla, dont le caractère pisciforme a pu être étendu aux Sirènes par simple analogie : les unes et les autres sont en tout cas fréquemment associées comme marinae puellae dans les textes d'époque carolingienne. On peut aussi, avec vraisemblance, attribuer à l'Égypte copte un certain rôle dans la conception de la Sirène pisciforme et s'interroger sur la part que prirent l'Irlande et la Grande-Bretagne dans sa réception et sa propagation dans l'imaginaire des cultures non-méditerranéennes. À cet égard, il est manifeste qu'un syncrétisme entre divinités gréco-romaines, celtiques et germaniques des eaux s'est produit très tôt : meerwib/meermen et leur variantes glosent souvent le terme sirenae/sirenes tandis que Mórrigán et d'autres déesses-oiseaux celtiques ont été assimilées aux lamies, voire aux Sirènes elles-mêmes. Ces confusions s'expliqueraient tant par l'adoption généralisée du latin comme langue savante que par celle des auteurs antiques comme modèles littéraires. C'est pourquoi il faut faire preuve de la plus grande circonspection avant d'appeler « Sirène » n'importe quelle femme-poisson figurée dans le Haut Moyen Âge. Pour savoir ce qu'on entendait encore par ce terme, à cette époque, on en est en fait réduit à interroger les textes, plus précis dans leur formulation. Sans rendre évidemment compte de toutes les réa- lités populaires, ils en laissent parfois filtrer quelques précieux échos. Ainsi verrons-nous que, là où exceptionnellement, la tradition classique n'est pas prépondérante, les Sirènes apparaissent proches des génies des eaux : elles sont également indifférenciées et partagent avec eux une place intermédiaire entre le rêve et la réalité.

Fonctions de la Sirène dans la culture du Haut Moyen Âge

DE LA MYTHOLOGIE AU MERVEILLEUX

Pour les Pères, nous l'avons vu, la Sirène était essentiellement un démon ou, plus souvent encore, un symbole : celui des tentations de la luxure, de l'hérésie, de la culture profane et de toutes les séductions du siècle d'une manière générale. L'abstraction même de cette conception nous empêche de saisir ce qu'eux-mêmes et leurs contemporains savaient précisément des Sirènes antiques. Quelques allusions laissent toutefois supposer que leur mythe continuait à être connu de même que plusieurs de ses interprétations païennes. En tout état de cause, tout porte à croire qu'en milieu cultivé chrétien du moins, les Sirènes appartenaient désormais exclusivement aux sphères du langage et de la mythologie.

À la période suivante, par contre, une tendance à réinsérer les Sirènes dans une forme de réalité : – celle qu'une croyance répandue attribuait à toute une faune fabuleuse censée exister aux Indes ou sur les Terrae incognitae (523) – semble se dessiner. C'est en tout cas ce que suggèrent la place qu'elles occupent au sein de l'échelle biologique du diptyque d'Aréobindus ainsi que leur métamorphose, qui peut apparaître en un sens comme le fruit d'une attention nouvelle portée à leur morphologie. La présence des Sirènes dans le premier bestiaire non moralisé, le Liber monstrorum confirme cette impression, de même que les allusions qui sont faites à leur sujet dans d'autres textes profanes. L'auteur de la Cosmographie dite d'Aethicus Ister, se montre significativement partagé entre la tradition qui fait des Sirènes des êtres mythiques, et la tendance opposée qui les range parmi des êtres réels. Ainsi les présente-t-il comme le produit de l'imagination païenne après avoir affirmé qu'Aethicus en a vu lui-même « un très grand nombre », au point d'en être terrifié ! (524). Cette multitude de Sirènes annonçait en quelque sorte celle dont Benoît de Sainte-Maure allait entourer le bateau d'Ulysse, dans son Roman de Troie, au XIIe siècle (525).

À l'époque carolingienne toutefois, les allusions aux Sirènes se situent davantage dans la tradition mythologique païenne de la Basse Antiquité, si l'on en croit, du moins, les témoignages conservés. Au cours d'une énumération de bêtes vraies et imaginaires, un poète du IXe siècle rappelle la nature magique de leur chant (526). Une inscription quelque peu postérieure évoque aussi leur pouvoir d'attraction (tractus)  (527). Quant au Commentaire de la Consolation de Boèce de Remi d'Auxerre, il foisonne de détails à leur sujet : leur apparence, le sommeil et le naufrage qu'elles provoquent, les instruments qu'elles portent (double flûte et cithare)  (528). L'influence du Physiologus ainsi que celle de Servius-Isidore y sont manifestes. C'est également de Servius que se sont inspirés les Mythographes I et II du Vatican (529), le Mythographe II ayant aussi utilisé Lactance Placide et Fulgence.

Par ailleurs, l'interprétation historique de l'épisode odysséen semble avoir connu une faveur certaine dans la littérature de cette période. Le Pseudo-Frédégaire, citant Palaephatos via Jérôme sans doute (530) et Remi d'Auxerre pour les Latins (531), Jean d'Antioche, Photios et l'auteur de la Souda, pour les Grecs (532) en font état. On lit effectivement chez les uns et les autres que les Sirènes étaient d'anciennes prostituées (533) et plus précisément, à en croire Remi d'Auxerre, « trois sœurs qui, par leur beauté, dépouillaient leurs amants de tout ». L'auteur de la Souda est le seul par contre à mentionner une autre interprétation de type évhémériste qu'il présente d'ailleurs comme l'unique vraie : la croyance dans le chant des Sirènes s'expliquerait par des sons produits. par la nature elle-même :

« En réalité, ce sont des régions maritimes enserrées par des montagnes; le filet d'eau qu'elles compriment rend un son mélodieux. Lorsqu'ils l'entendent, les navigateurs confient leurs âmes au courant et tant les hommes que les navires périssent ».

Le paragraphe sur les Sirènes-courtisanes est identique chez Photios et dans la Souda, de même que la définition métaphysique des Sirènes : « Sirènes : puissances musicales de l'âme en accord parfait ». Cette correspondance entre les deux lexiques s'expliquerait par un recours à des sources communes (534). Celles auxquelles remontent les informations que donne Photios dans sa Bibliothèque, à propos de l'Histoire nouvelle de Ptolémée Héphestion, posent d'autres problèmes. Si Lycophron est nommément cité : « Dans l'Alexandra, quand Lycophron écrit (vers 670) "Quel rossignol stérile, tueur de centaures" ce sont les Sirènes qu'il appelle tueuses de centaures » (535), on ignore par contre l'origine des détails qu'il ajoute encore au sujet de cet épisode inconnu : « Les centaures qui fuyaient Heraklès à travers la Tyrsénie périrent de faim, entraînés par le doux chant des Sirènes » (536). « Télémaque fut mis à mort par les Sirènes quand elles apprirent qu'il était le fils d'Ulysse » (537) ne se réfère pas davantage à une autre version connue.

L'auteur de la Souda ne donne pas beaucoup plus d'explications : « Et dans les Épigrammes : ce babil est plus doux que celui des Sirènes ». En outre, les trois noms de Sirènes qu'il cite – Thelxiepeia, Peisinoé et Ligeia – appartiennent à des traditions différentes (538). Quant au nom qu'il attribue à leur île, La Fleurie, il est fréquent depuis longtemps (539). On ignore également d'où le lexicographe tenait que les Syriens identifiaient les Sirènes aux cygnes à cause de la similitude de leur chant. Par contre, il se situe manifestement dans la lignée d'Hesychios par les références bibliques qu'il propose :

« Les Sirènes dont parle Isaïe et les onocentaures sont des sortes de démons, ainsi nommés à cause de la désolation d'une ville (Babylone), due à la colère de Dieu ».

Et plus loin :

« Job a dit : J'ai été le frère des Sirènes et le compagnon des autruches » c'est-à-dire : je chante mes propres malheurs, comme les Sirènes ».

Ce que les mythographes savaient des Sirènes antiques ne peut toutefois être étendu à tous les hommes, même cultivés, du Haut Moyen Âge. Par contre, on peut imaginer que ceux-ci utilisaient encore certaines figures de style, quelque métaphore du type de celle qu'on lit dans l'Ecbasis cuiusdam captivi : « Je surpasserai (pour ma part) les Sirènes au chant » (540). Et de fait, c'était dans le charme de ce chant, aussi puissant que dangereux, que demeurait pour beaucoup la spécificité des Sirènes. Les connotations littéraires s'estompant, il demeurait d'elles une forme en voie de mutation et un concept assez simple : celui de la séduction mortelle. En effet, en dehors des milieux érudits, la Sirène n'était plus tant la séductrice d'Ulysse qu'un séduisant monstre chanteur parmi d'autres que l'on localisait aux Indes ou aux confins du monde connu. Cette distanciation nouvelle par rapport aux anciennes références littéraires explique sans doute la rareté des scènes dans lesquelles Ulysse et les Sirènes sont représentés conjointement à cette époque. La tentatrice vaincue par le héros grec, prototype du chrétien « stoïque », restait toutefois une image chère à la littérature religieuse et didactique comme d'ailleurs celle de la Sirène, symbole de tous les charmes pernicieux. Plus que jamais, les tentatives de rationalisation par le biais du symbole se heurtaient à une dévorante soif de merveilleux.

LES MÉTAPHORES DE LA TENTATION

La conception de la Sirène comme symbole de séduction mortelle pour le chrétien remonte aux Pères de l'Église. À cet égard, l'utilisation qu'on en fit après eux perdit en originalité. En outre, ce symbolisme si riche aux premiers siècles de notre ère s'est considérablement appauvri au fil du temps : les dangers de l'hérésie et ceux de la culture profane s'étant estompés, les Sirènes semblent ne plus les avoir symbolisés dans le Haut Moyen Âge. Elles continuèrent par contre à illustrer les tentations terrestres d'une manière générale et – eu égard à la permanence de celle de la luxure – l'attrait trompeur de la chair. Un passage du De Virginitate d'Aldhelm, écrit vers 675, offre un curieux exemple de cet usage, le discours amoureux, aussi séduisant que dangereux, y étant présenté comme « un concert de Sirènes » :

« Il me revient à la mémoire (...) comment Cécile, la très sainte vierge, méprisa, dédaigna et rejeta avec une remarquable ardeur spirituelle, les liens d'une union acceptée et les fiançailles avec un prétendant, sous prétexte de chasteté, les repoussant comme les ordures immondes des latrines ; et que, sous prétexte d'intégrité, elle écoutait une mélodieuse harmonie (née) de deux fois cinquante et trois fois cinq tons de sons, comme les concerts de Sirènes, mortels puisqu'ils attiraient vers les dangers de la vie, les hommes inexpérimentés » (541).

Chez Dungal Scot au tout début du IXe siècle, les Sirènes semblent plus particulièrement évoquer la femme tentatrice dans la lettre qu'il adresse à un ami abbé :

« ...nous vous souhaitons de toujours trouver votre joie dans une durable et réelle prospérité dans le Seigneur ; en sorte que, naviguant dans les eaux redoutables de ce siècle, la ruse et la beauté de Scylla ne vous abuse pas, et que les chants fatals des Sirènes ne vous charment pas, mais que, les oreilles bouchées, laissé intact grâce à votre aspect vertueux, comme ce prudent habitant d'Ithaque, par l'action du souffle divin... » (542).

Dans ce cas, l'auteur s'est sans doute souvenu de l'interprétation de type historique dont Scylla faisait déjà l'objet dans l'Antiquité païenne : Héraclite la présentait comme une ancienne prostituée dépouillant son hôte (543). Quant à Paschase Radbert, il employa, quelques dizaines d'années plus tard, une expression qui rappelle l'une de celles qu'utilisèrent souvent les Pères : Sirenarum cantos surdis auribus pertransire (544). À cet égard, il est difficile d'évaluer l'importance qu'exercèrent ces réminiscences sur le choix des Sirènes comme symbole des dangers du siècle, dans le Haut Moyen Âge. L'utilisation fréquente de l'ancienne métaphore de la vie conçue comme une traversée maritime paraît en tout cas l'avoir favorisé, comme le laisserait supposer par exemple un passage de charte adressée à Aldhelm par un de ses évêques :

« On doit manier le gouvernail, préparer l'équipement et les instruments du bateau entier pour que celui-ci, mis sur le bon chemin, soit amené en sécurité au port de sa patrie, après avoir dédaigné le chant gazouillant des Sirènes » (545).

L'image est tellement éculée qu'elle en devient monotone. Rares sont en fait les évocations de ce type qui échappent à cette impression de répétition. Parmi celles-ci se distingue tout de même une assertion de Braulion de Saragosse, dont la formulation est plus originale et la force suggestive accrue parce que Charybde, Scylla et les Sirènes y apparaissent moins désincarnés que d'habitude :

« (...) ton esprit ne peut être complètement détruit ni aboli par Charybde, ni dévoré par les chiens hurlants de Scylla, ni affaibli par les chants des Sirènes » (546).

Cette métaphore présente par ailleurs un autre intérêt : elle anticipe dans une certaine mesure l'illustration de l'exhortation à l'égalité d'âme inspirée de Grégoire le Grand qui figure sur un bas-relief roman : la Sirène, le dragon et le griffon qui la surmontent n'ont pas d'autre signification (547) que les trois monstres marins évoqués par l'évêque espagnol.

Malgré quelques heureuses expressions, quelques images vigoureuses et même neuves à certains égards, les allusions aux Sirènes, sur un mode symbolique, présentent donc relativement peu d'intérêt aux VIIe-Xe siècles. Elles témoignent en effet d'un réel appauvrissement de sens par rapport à la tradition patristique dans laquelle elles se situent très – trop – fidèlement. Cet appauvrissement sur le plan sémantique se traduit par un glissement plus accusé encore qu'à la période précédente, de la métaphysique à la morale par l'utilisation presque exclusive de la Sirène comme symbole sexuel : cessant définitivement de promettre les fruits défendus de la Connaissance ou du Savoir profane, la Sirène n'offrait plus désormais que ceux, tout aussi redoutables, de la Chair.

Conclusion

Entre le VIIe et le Xe siècle, l'évolution du thème de la Sirène présente certaines caractéristiques que nous avons tenté d'interpréter malgré un nombre de témoignages réduits sans doute, mais qui nous semblent représentatifs de plus vastes tendances. De leur étude successive, il apparaît notamment que plusieurs des aspects de ce thème s'inscrivent de façon rigoureuse dans la tradition antique véhiculée par les Pères et le Physiologus, alors que d'autres, au contraire, divergent par rapport à elle et traduisent un nouvel état d'esprit. Ainsi, la plupart des allusions mythographiques, littéraires et même symboliques aux Sirènes, remontent-elles en fin de compte au paganisme. Par contre, la morphologie des Sirènes qui, jusqu'alors, en était aussi l'héritière, se transforma aux environs du VIIIe siècle : parallèlement à l'ancien type de la Sirène-oiseau apparut la Sirène-poisson dont la première mention figure dans le Liber monstrorum, écrit sans doute en Grande-Bretagne. Le lieu d'origine présumé de l'opuscule ainsi qu'un faisceau d'éléments convergents donnent à croire que les Îles Britanniques jouèrent un certain rôle dans la recréation de la notion de Sirène-poisson ou servirent, du moins, de relais dans sa propagation sur le continent. En tout état de cause, les divinités des eaux celtiques et germaniques furent rapidement confondues avec les Sirènes, comme en témoignent les glossaires anglo-saxons et hauts-allemands. Ce syncrétisme favorisa sans doute la diffusion du nouveau type de Sirènes comme, à un autre niveau, les connotations négatives liées à l'élément marin auquel on les associait. Il n'en reste pas moins qu'il est très délicat d'interpréter une femme-poisson peinte dans un manuscrit du VIIIe ou du IXe siècle, car cette morphologie peut recouvrir des notions très différentes. Ainsi certaines d'entre elles s'inscrivent manifestement dans la lignée des tritones, au sein d'allégories cosmiques d'inspiration classique. D'autres – avec leurs queues ou leurs cheveux entrelacés – évoqueraient davantage l'une ou l'autre ondine des Îles. Seule la Sirène du Physiologus de Berne peut être identifiée comme telle même si le texte qu'elle illustre définit sa nature comme celle d'un oiseau ! Le décalage entre texte et illustration traduirait peut-être une tendance à décrire des Sirènes-oiseaux et à représenter des Sirènes-poissons, la tradition littéraire favorisant évidemment la fidélité au type ancien – influence à laquelle l'artiste n'était pas soumis. Cet hiatus prouve en tout état de cause que dans le 2e tiers du IXe siècle, des traditions différentes, littéraires et figurées, existaient encore indépendamment l'une de l'autre.

Par ailleurs, le Haut Moyen Âge reconnut aux Sirènes une existence propre et autonome, en marge du symbolisme dont elles continuaient à être le support et parallèlement à la croyance qui en faisait, soit des incarnations démoniaques, soit des créatures de fables païennes. C'est ainsi qu'elles furent considérées comme des monstres susceptibles d'exister, à l'égal des cynocéphales. N'empêche que la Sirène conserva de son passé littéraire – d'Homère en particulier – ses caractéristiques majeures : ses dons de chanteuse, sa puissante séduction et son caractère fatal. C'est en fait la littérature religieuse et didactique qui perpétua le souvenir de ses rapports avec Ulysse, dans des métaphores souvent usées, destinées à mettre le chrétien en garde contre les attraits trompeurs du siècle et particulièrement ceux de la luxure. Les traditions littéraires montraient donc certains signes d'essoufflement ; l'iconographie, hésitante, était partagée entre les anciennes et les nouvelles tendances. Il appartenait au XIe et au XIIe siècle d'assurer la suprématie de la Sirène-poisson sur la Sirène-oiseau, à la fois comme symbole de la femme fatale et comme élément essentiel de la stylistique ornementale romane.

Notes

NuméroNote
434Karol., 3, 23 (éd. H. BASTGEN, dans M.G.H., Leges sectio III. Concil. II (suppl. Libri carolini), 1924, p. 151-152).
435Hraban., Univ., 22, 7 (P.L., 111, 1852, col. 197 D - 198 A). Sur cette œuvre, v. Élisabeth HEYSE, Hrabanus Maurus' Enzyklopädie « De rerum naturis ». Untersuchungen zu den Quellen und zur Methode der Kompilation, Munich, 1969 (Münchener Beiträge zur Mediävistik und Renaissance-Forschung, IV). Sur la survie d'Isidore du VIIe au IXe siècles, v. Aug. Ed. ANSPACH, « Das Fortleben Isidors im VII. bis IX. Jahrhundert », Miscellanea Isidoriana. Homenaje a S. Isidoro de Sevilla en el XIII centenario de su muerte, Rome, Typis pontif. univers. Gregor., 1936, p. 322-356. Voir aussi p. 28-31 (bibliog. concernant l'utilisation de ses œuvres au Moyen Âge).
436Remig., Boëth. (éd. E.T. SILK, Saeculi noni auctoris in Boetii Consolationem philosophiae commentarius, Rome, 1935 (Papers and Monographs of the American Academy in Rome, 9), p. 317-318 (append.). V. aussi P. COURCELLE, « La culture antique de Remi d'Auxerre », Latomus, 7, 3-4 GuIll.-déc. 1948), p. 247-254.
437Une glose remontant au moins au IXe ou au Xe siècle les présente en tout cas comme telles : Serenes monstra maritima, parti[m] fer[a]e, partim virgines. V. G. GOETZ, Corpus glossariorum latinorum, Amsterdam, Hakkert, t. V, 1965 (éd. orig. Leipzig, Teubner, 1888-1923), p. 513.
438Isid., Etym., 11, 3, 31 (réf. supra II, n. 161).
439Ps. Fredeg., Chron., 2, 9 (éd. B. KRUSCH, M.G.H., Script. rer. merov. II, 1888, p. 47).
440Myth. I Vat., 42 et 183 et Myth. II Vat. 123 (éd. P. KULCSÁR, C.C.S.L., 91e, 1987, respect. p. 20, 72 et p. 189-190). Voir Kathleen O. ELLIOTT et J.P. ELDER, « A critical Edition of the Vatican Mythographers », Transactions of the American Philological Association, 78, 1947, p. 189-203.
441Paris, Louvre (inv. n°OA 9064). Areobindus fut consul à Constantinople en 506. Le revers du diptyque fut travaillé en France, à Tours peut-être, dans la 1ère moitié du IXe siècle. V. W.F. VOLBACH, Elfenbeinarbeiten des Spätantiken und des frühen Mittelalters, Mayence, Verlag des Römisch-Germanischen Zentralmuseums, 1952 (Römisch-Germanisches Zentralmuseum zu Mainz. Katalog 7), p. 26, n°12 et pl. 61 Fig. 12.
442À noter qu'Augustin., Civ. Dei, 16, 8 considérait les hommes monstrueux (sciapodes, cyclopes...) comme des descendants d'Adam. À cet égard, la disposition qu'a adoptée le sculpteur du diptyque pourrait donner l'impression que les Sirènes et les centaures appartiennent aussi à son lignage. Cela n'est pourtant pas évident : d'une part les théories d'Augustin sur ce point étaient loin d'être partagées par tous à l'époque ; d'autre part, les Sirènes et les centaures n'appartiennent pas aux races humaines monstrueuses, celles-ci étant traditionnellement conçues sans tératologie. Il faut plutôt ranger ces cas-limites parmi les animaux fabuleux, les « monstres » authentiques. Sur la distinction hommes/animaux monstrueux, voir not. J. Block FRIEDMAN, The monstruous Races in medieval Art and Thought, Cambridge Mass., Harvard Univ. Press, 1981, p. 1-2 ; éventuellement aussi Anne CAZENAVE, « Hommes et animaux dans le Moyen Âge chrétien », Hommes et bêtes. Entretiens sur le racisme (dir. L. POLIAKOV), Paris, Mouton, 1975 (Le Savoir historique, 11), p. 161-165. À noter toutefois que des monstres comme Grendel et sa mère dans le Beowulf, sont considérés comme descendants d'Adam (voir à cet égard C. DONAHUE, « Grendel and the clana Caïn », The Journal of Celtic Studies, 1, 2, 1950 et d'une manière plus générale sur ces deux êtres, les références notées en infra n. 77, surtout l'article de J.R.R. TOLKIEN not., aux p. 41-43 ; v. aussi les synthèses de B. Roy, « En marge du monde connu : les races de monstres », Aspects de la marginalité au Moyen Âge, . Montréal, Les éditions de l'Aurore, 1975 (Institut d'études médiévales), p. 71-80 et de Cl. LECOUTEUX, Les monstres dans la pensée médiévale européenne. Essai de présentation, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 1993 (Cultures et civilisations médiévales, X).
443Réf. infra n. 57.
444Kassel, Landesbibl., 2° ms. phys. et hist. nat. 10, fol. 38 v° (Fulda? Xe s.). Repr. de la miniature dans Das erste Jahrtausend Kultur und Kunst im werdenden Abendland an Rhein und Ruhr (dir. V.H. ELBERN), Düsseldorf, L. Schwann, 1962, Fig. 261. Voir par ailleurs le centaure portant la centaurée peint dans le ms. Oxford, Bodl. Lib. Ashmole 1462 (anglo-normand, XIIIe s.) reproduit dans Ch. SINGER, « The Herbal in Antiquity and its transmission to later Ages », The Journal of Hellenic Studies, 47, 1927, pl. IX. Sur Chiron médecin, connaisseur des vertus des simples, v. L. VON SYBEL, art. Cheiron, dans ROSCHER, t. I, 1, 1884-1890, col. 888-892. V. aussi Jacqueline LECLERCQ(-MARX), « De l'art antique à l'art médiéval. À propos des sources du Bestiaire carolingien et de ses survivances à l'époque romane », Gazette des Beaux-Arts, 113 (févr. 1989), p. 61-66.
445Intellectuels et artistes dans l'Europe carolingienne (IXe-XIe siècles), Auxerre, Musée d'Art et d'Histoire, 1990, p. 251, d'après H. CLAUSSEN, Kloster Corvey, Munich, 1985 (Grosse Baudenkmiiler).
446Bruxelles, B.R. 10066-77, fol. 146 v° (Région mosane? Région de Reims ou de Laon? 2e 1/2 du Xe s.). Ce recueil composite contient, outre le Physiologus (fol. 140 r°-156 v°) plusieurs textes d'époques diverses parmi lesquels se trouve une Psychomachie de Prudence (fol. 112 r°-139 r°) appartenant aussi au noyau primitif. Parmi la bibliographie citée par A. VON EUW dans le catalogue de l'exposition Rhin-Meuse. Art et Civilisation 800-1400, Cologne-Bruxelles, 1972, p. 225, retenons not. J. STIENNON, « Les manuscrits à peintures de l'ancienne bibliothèque de l'abbaye Saint-Laurent de Liège », Saint-Laurent de Liège, église, abbaye et hôpital militaire. Mille ans d'histoire (éd. et intr. Rita LEJEUNE), Liège, 1968, p. 138-139. V. en outre H. SILVESTRE, « A propos du Bruxellensis 10066-77 et de son noyau primitif », Miscellanea codicologica Fr. MASAI, Gand, 1969, t. I, Story-Scientia, (Les publications de Scriptorium, 8), p. 131-156 qui s'attache à étayer l'hypothèse proposée jadis par Fr. MASAI, qui situait l'origine du manuscrit dans la région de Reims ou de Laon. Brève étude iconographique dans Jacqueline LECLERCQ-KADANER(-MARX), « B.R. 10074. Physiologus de naturis animalium et bestiarum », Annales. Fédération des Cercles d'Archéologie et d'Histoire de Belgique. Congrès de Huy 18-22 août 1976, XLIVe session, t. III, 1978, p. 790-798.
447La version du Physiologus contenue dans le manuscrit s'apparente en partie à la version B, en partie à la version Y. V. le tableau de concordance, et les intéressantes remarques de H. SILVESTRE, dans l'article cité dans la note précédente (spec. p. 140-143). Édition sommaire du texte par Ch. CAHIER dans Ch CAHIER et A. MARTIN, Mélanges d'archéologie, d'histoire et de littérature, Paris, Vve Poussielgue-Rusand, t. II, 1851, p. 107-230 ; t. III, 1853, p. 203-285 ; t. IV, 1856, p. 57-70. Le passage consacré aux Sirènes et aux centaures se trouve t. II, p. 173-175.
448En fait, l'iconographie de chaque dessin est originale: aux côtés des animaux ou des pierres décrits dans le Physiologus, l'artiste a systématiquement figuré les interprétations allégoriques que leurs mœurs ou leur nature suggèrent. Ainsi les concordances sym- boliques réservées d'ordinaire au texte sont ici traduites graphiquement. Le B.R. 10066-77 est l'unique Physiologus latin qui nous soit parvenu, à présenter un tel caractère. Seul le ms. Smyrne B.8 (aujourd'hui détruit), du XIe siècle, renfermait aussi des allé- gories picturales. Mais l'illustration de ces manuscrits ne révèle aucune origine commune, les textes respectifs appartenant par ailleurs à des versions tout à fait différentes du Physiologus.
449Entre les deux hommes figure le mot potestas, l'enjeu sans doute de leurs manœuvres.
450Sur le Sagittaire au lièvre dans les représentations du Zodiaque, v. W.H. ROSCHER, art. Kentauren, dans ROSCHER, t. II, 1, col. 1057 ainsi que Jacqueline LECLERCQ(-MARX), De l'art antique à l'art médiéval, p. 61-66.
451Respectivement Phot., Lex., s.v° Σερηνας (éd. S.A. NABER, Amsterdam, Hakkert, 1965 (réimp. anast. éd. 1864-65), t. II, p. 149) et Suid., Lex., s.v° Σερηνας (éd. A. ADLER, p. 346, 17) qui reproduit mot à mot le libellé de Photios et le complète.
452Etym. Magn., s.v° 'Aπτερα, Πτερoεντα (éd. corrigée de E SYLBURG par J.A.G. WEIGEL et F.Ch. DÜRRÜ, Leipizig, 1816, p. 121 et p. 694).
453A. XYNGOPOULOS, πηλινoν βυμιατηρoν 'Aρχαιoλoγιχη 'Eφημερις , 1930, p. 127-140 dénie toutefois ce nom aux femmes/hommes-oiseaux qui ornent quelques bas-reliefs byzantins dont les plus anciens remontent au Xe siècle. D'après cet auteur, il ne s'agirait pas de « Sirènes » à proprement parler mais de simples « oiseaux à tête humaine » qui auraient été copiés originellement d'après des œuvres musulmanes évoquant le paradis d'Allah. Cette hypothèse assez convaincante, se fonde sur des critères stylistiques et chronologiques. Toutefois, en l'absence d'éléments probants, il nous semble préférable de continuer à appeler ces femmes-oiseaux byzantines, « Sirènes ». Sur l'une d'elles, sculptée sur un bas-relief du Xe siècle (Athènes, Musée byzantin), v. Ch. DELVOYE, l'Art byzantin, Paris, Arthaud, 1967 (Art et Paysages, 27), Fig. 152 « Lutte contre un dragon en présence d'une Sirène ».
454Paris, B.N. grec 923, fol. 143 v° (Rome, IXe siècle). Bibliog. et repr. dans May VIEILLARD-TROÏEKOUROFF, « Sirènes-poissons carolingiennes », Cahiers archéologiques, 19, 1969, p. 78 n. 48 et Fig. 15.
455Éd. Fr. PFISTER, dans Beiträge zur klassischen Philologie 61, Meisenheim am Glan, Hain, 1976, p. 380-393, édition récente qu'appelait de ses vœux E PORCIA, « Note per una rilettura del Liber monstrorum ». Università di Bari, Annali della Facolta di Lettere e Filisofia, 15, 1972, p. 317-338. Traduction italienne (d'après l'éd. de M. HAUPT) et commentaires stimulants de C. BOLOGNA, Milan, Bompiani, 1977.
456Fr. BRUNHÖLZL, Histoire de la littérature au Moyen Âge (tr. H. ROCHAIS ; compI. bibliog. J.-P. BOUHOT), Turnhout, Brepols, 1990, t. I, 1, p. 148. Notice entière et bibliog., p. 148-150 et p. 274.
457M. MANITIUS, Geschichte der lateinischen Literatur des Mittelalters, Munich, Beek, t. I, 1911 (Handbuch der Klassischen Altertumwissenschaft IX, 2, 1), p. 114-118.
458Ann KNOCK, « The Liber monstrorum : an unpublished Manuscript and some Reconsiderations », Scriptorium, 32, 1978, t. 1, p. 19-28 : ... on the question of provenance, the new facts here adduced do not lead to any indisputable conclusions, but the picture revealed by the localisation of the manuscripts shows a manuscript tradition operating largely in Benedictine monasteries in Eastern France and modern Switzerland and South-west Germany. This lends support to either the Frankish theory or the Irish (several Irish foundations, like St Gallen, became Benedictine as the Irish influence faded), but gives no further encouragement to the theory of Anglo-Saxon origin favoured by the majority of scholars in the past. Until more is known about the sources, statements of the provenance of the Liber monstrorum must remain largely hypothetical. (p. 28).
459Voir surtout E. FARAL, La queue de poisson des Sirènes, p. 447-452 qui complète sur ce sujet M. MANITIUS et M. HAUPT.
460Texte latin p. 381 de l'éd. Fr. PFISTER.
461Éd. W. BOER (1953) reprise intégralement dans Beiträge zur klassischen Philologie 50, Meisenheim am Glan, Hain, 1973, p. 116a et p. 118a.
462Sur cette influence précise, v. not. E. FARAL, La queue de poisson des Sirènes, p. 494-495.
463Ibid., p. 495. Vers 1240, en tout cas, Barthélemy l'Anglais, De genuin. rerum cael. (réf. infra IV, n. 2) confondait complètement les Sirènes et les femmes aquatiques de la Lettre d'Alexandre à Aristote. Il citait d'ailleurs expressément l'Histoire d'Alexandre le Grand comme source de la dernière partie de sa notice sur les Sirènes : (...) Haec dulcedine cantus facit dormire navigantes, quos cum viderit consopitos, ad navem accedit, et quam poterit repere secum ducit, et, perferens ipsam ad locum siccum, primum secum coire cogit ; quod si noluerit vel non poterit, illum perimit et ejus carnes devorat et transglutit. De talibus monstris legitur in Historia Alexandri Magni.
464Karol. 3, 23 (réf. supra, n. 1). Radbert., Epist. 6 (éd. E. DUEMMLER, dans M.G.H., Epist. VI. Epistulae karolini aevi, 4, 1925, p. 139) : les allusions à Scylla et aux Sirènes sont proches l'une de l'autre. Chez Dungal Scott., Epist. 6 (éd. E. DUEMMLER, dans M.G.H., Epist. IV. Epistulae karolini aevi, 2, 1895, p. 581) et dans des vers anonymes (éd. E. DUEMMLER, dans M.G.H., Epist. VI. Epistulae karolini aevi, 4, 1925, p. 182) écrits vers 870 pour être placés à l'entrée d'un réfectoire, elles se suivent. Cette association se trouvait déjà chez Jérôme, In Es., 13, 11-22 et chez Isidore, Etym., 11, 3, 32.
465E. FARAL, La queue de poisson des Sirènes, p. 476-478.
466B. TEYSSÈDRE, Le Sacramentaire de Gellone et la figure humaine dans les manuscrits francs du VIIIe siècle. De l'enluminure à l'illustration, Toulouse, E. Privat, 1959 (Visions méridionales), p. 59-60.
467May VIEILLARD-TROÏEKOUROFF, Sirènes-poissons carolingiennes, p. 62.
468V. supra I, n. 65.
469May VIEILLARD-TROÏEKOUROFF, Sirènes-poissons carolingiennes, p. 61. P. FRANCASTEL, « Sculpture gallo-romaine et sculpture romane », Revue archéologique, 22, 1944, p. 134-149 et Marie DURAND-LEFÈBVRE, Art gallo-romain et sculpture romane. Recherche sur les formes, Paris, Laurens, 1937 ont sommairement évoqué tous deux l'influence des tritones gallo-romaines sur les Sirènes-poissons romanes en négligeant – et c'est regrettable – les intermédiaires carolingiens.
470Ce bas-relief, provient du cimetière de l'abbaye Saint-Victor à Marseille. É. ESPÉRANDIEU (supplém. R. LANTIER), Recueil général des bas-reliefs, statues et bustes de la Gaule romaine, Paris, Imprimerie nationale, t. I, 1907, n° 65.
471É. ESPÉRANDIEU, op. cit., t. III, 1910, n° 1866.
472Ce trophée naval commémore peut-être la victoire d'Actium. En tout cas, il date du début du règne d'Auguste. Les reliefs, très mutilés, permettent néanmoins de voir qu'un aigle surmonte la tritone. V. G. PICARD, « Sur la composition et la date des trophées de Saint-Bertrand-de-Comminges », Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, janv.-fév. 1942, p. 11.
473Type de figures fréquentes surtout dans la 2e moitié du IIe siècle apr. J.-C. Voir not. F. OSWALD, Index of Figure-types on terra sigillata. Samiam Ware, Londres, The Gregg Press Limited, 1964 (éd. orig. 1936-1937), pl. II, figs 15 (La Graufesenque), 23A et 23B (La Madeleine), 21 et 19 (Lezoux). Les trois premiers exemples renvoient à des triton(e)s à une queue, les deux derniers à des tritones bifides. Figures d'anguipèdes sur la même planche, not. figs 24 et 30. Voir aussi J.A. STANFIELD et Grace SIMPSON, Central Gaulish Potters, London, University of Durham, 1958, pls 63, 69, 101, 102, 109, 111, 125, 127, 138, 147, 148, 149, 152... (tritons bifides).
474F. BENOÎT, « La victoire sur la mort et le symbolisme funéraire de l'anguipède », Latomus, 8, 3-4 (juil.-déc. 1949), p. 263, démontre que l'anguipède assumait parfois une fonction psychopompe... à l'égal des Sirènes antiques. Argumentation développée dans un cadre plus général chez le même, Les mythes de l'outre-tombe. Le cavalier à l'anguipède et l'écuyère Epona, Bruxelles, éd. Latomus, 1950 (Collection Latomus, 3). Voir aussi, not. pour la bibliographie W. MÜLLER, Die Jupitergigantensäulen und ihre Verwandten, Meisenheim am Glan, Hain, 1975 (Beiträge zur klassischen Philologie, 66).
475Réf. v. infra, p. 82 et n. 57.
476Sirenes. Sunt serpentes cristati et alati velut alii pisces marini in specie muliebri, v. Gloss. in Es., 13, 22 (P.L., 113, 1852, col. 1253 A).
477Les œuvres mentionnées dans cette liste ont déjà été réunies et décrites par May VIEILLARD-TROÏEKOUROFF, Sirènes-poissons carolingiennes, p. 68-69, à l'exception du Psautier d'Utrecht. D'une manière générale, nous avons adopté la chronologie et la localisation proposées par J. PORCHER dans J. HUBERT, J. PORCHER, W.F. VOLBACH, L'Empire carolingien, Paris, Gallimard-NRF, 1968 (L'Univers des Formes).
478V. not. J. PORCHER, « Les manuscrits à peinture », dans J. HUBERT, J. PORCHER, W.F. VOLBACH, L'Europe des invasions, Paris, Gallimard-NRF, 1967 (L'Univers des Formes), p. 188 sq. Voir aussi les deux volumes consacrés l'un au texte, l'autre aux tables et aux indices dans la collection Corpus Christianorum (Ser. lat. t. CLIX et CLIXA), parus en 1981. Les Sirènes de ce manuscrit ont inspiré à B. TEYSSÈDRE un chapitre intitulé Mulier formosa supeme dans son ouvrage cité supra n. 33. Ce titre est toutefois maladroit, la formule ayant été appliquée par Horace (Hor., Ars, 1, 4) à une sorte de chimère, comme le début du texte le laisse entendre.
479J. DESHUSSES, auteur de l'introduction du deuxième volume consacré au manuscrit (réf. supra, n. 45 = t. CLIXA) refuserait d'y reconnaître la Vierge, bien qu'une inscription l'identifie formellement : « À cette page est représenté un curieux personnage, revêtu d'un vêtement à douze cases pouvant évoquer l'ephod du prêtre lévitique : il porte un encensoir. À côté de lui, la légende Sancta Maria laisse rêveur » (p. XII).
480Martin de Braga, Corr., 10 (éd. C.W. BARLOW, New Haven, Yale Univ. Press, 1950 (Papers and Monographs of the American Academy in Rome, XII), p. 188) préconise en effet le signe de croix contre leurs maléfices ainsi que ceux des « neptunes », « nymphes » et « dianes ».
481The Book of Kells. With a Study ofthe Manuscript by Françoise HENRY, Londres, Thames and Hudson, 1974. D'après l'auteur, il n'y aurait pas de rapport entre le texte et l'illustration des fols 201 r° et 213 r° (p. 175). Lire avec intérêt le chapitre intitulé « The Repertoire of Ornament », p. 205-210. Pour E. RYNNE, « Drolleries in the Book of Kells », The Book of Kells. Proceedings of a conference at Trinity College Dublin. 6-9 sept. 1992 (éd. F. O'MAHONY), Cambridge, Scolar Press, 1994, p. 318-319, les Sirènes doivent être uniquement considérées comme des « drôleries ».
482V. Abbé V. LEROQUAIS, Les psautiers manuscrits des bibliothèques publiques de France, Mâcon, Protat Frères, t. II, 1941, p. 112-113.
483May VIEILLARD-TROÏEKOUROFF, Sirènes-poissons carolingiennes, p. 70.
484Der Stuttgarter Bilderpsalter. Bibl. Fol. 23, Stuttgart, E. Schreiber, 1965. t. 1. Fac simile ; t. II. Untersuchungen (J. ESCHWEILER, B. FISCHER, H.J. FREDE, Florentine MÜTHERICH), p. 122, 126, 129 et p. 105. Voir en outre le chapitre intitulé « Die Stellung der Bilder in der frührnittelalterlichen Psalterillustration », p. 151-222 dans lequel Florentine MÜTHERICH aborde le problème des sources iconographiques.
485Sur cet attribut étranger à l'iconographie antique, v. Suzy DUFRENNE, Les illustrations du Psautier d'Utrecht, p. 80 (réf. infra, n.54).
486May VIEILLARD-TROÏEKOUROFF, Sirènes-poissons carolingiennes, p. 72 n. 38 in fine.
487Suzy DUFRENNE, Les illustrations du Psautier d'Utrecht. Sources et apport carolingien, Paris, Éd. Ophrys, 1978 (Association des publications près les Universités de Strasbourg, fasc. 161), p. 75 n. 39.
488E.T. DEWALD, The Illustrations of the Utrecht Psalter, Princeton Univ. Press, s.d. (Illuminated Manuscripts of the Middle Ages), p. 45. Sur l'iconographie des personnifications des eaux dans ce psautier et dans d'autres manuscrits carolingiens, v. aussi Suzy DUFRENNE, Les illustrations du Psautier d'Utrecht, p. 75-76.
489Attribut traditionnel de Téthys.
490O. HOMBURGER et Ch. VON STEIGER, Physiologus Bernensis. Voll – Faksimile – Ausgabe des Codex Bongarsianus der Burger-bibliothek Bern, Bâle, Alkuin Verlag, 1964 (avec commentaires et transcription du texte latin et traduc. anglaise). Étude stylis- tique dans Helen WOODRUFF, « The Physiologus of Bern. A Survival of Alexandrin style in a 9th Century Manuscript », The Art Bulletin, 12, 1930, p. 226-253 et dans D. TSELOS, « A Greco-Italian School of Illuminators and Fresco Painters. Its Relations to the principal Reims Manuscripts and to the Greek Frescoes in Rome and Castelseprio », The Art Bulletin, 38, 1956, p. 5-13. Ces auteurs mettent bien en évidence les influences hellénistiques et byzantines décelables dans les miniatures.
491Sur cet attribut, aux mains des centaures et des Sirènes, v. supra, p. 72 et n. 11.
492Notons encore, en ce qui concerne les manuscrits, une petite femme-poisson sans poitrine ni bras (mais aux longs cheveux) au fol. 2 r° du Beatus de Gérone (Cath. de Gérone, ms. 7, San Salvador de Tabara, 975), à moins que la « Sirène » ne soit une adjonction postérieure...). Nous avons également remarqué deux ichtyocentaures, fort proches morphologiquement des tritons au fol. 6 v° de l'Évangéliaire de Loisel et au fol. 15 v° de l'Évangéliaire de Gandersheim (milieu du IXe siècle) : ils portent également un rameau d'une main!
493May VIEILLARD-TROÏEKOUROFF, Sirènes-poissons carolingiennes, p. 77 et n. 43-46.
494D.A. MACKENZIE, « A Celtic God on a Scottish sculptured Stone », Proceedings. Society of Antiquaries of Scotland, 63, 1929, p. 196-213 (l'interprétation de R. ALLEN est rappelée p. 196). V. aussi S. CRUDEN, The early Christian and Pictish Monuments of Scotland, Edimburg, 1957, p. 19.
495Anne Ross, Pagan Celtic Britain. Studies in Iconography and Tradition, Londres, Routledge and Kegan, 1967, p. 244 sq. et Mirandé. GREEN, Celtic Goddesses. Warriors, Virgins and Mothers, Londres, British Museum, 1995, not. p. 40 sq. et p. 70 sq. Sur leur rapport avec l'eau, v. A. Ross, op. cit., p. 219-244, 247 et 268. Réf. et bibl. dans T.P. CROSS, Motif Index of early Irish Literature, Bloomington (Ind.), Indiana Univ., 1952 (Indiana Univ. Public. Folklore Series, 7), rubrique A 132.6.2 (« Goddess in form of bird »).
496Un autel de niveau souterrain de ce temple porte en effet cette inscription. V. Anne Ross, Pagan Celtic Britain, p. 223.
497Ibid., p. 223. Cormac est un écrivain irlandais du IXe s.
498R.S. LOOMIS, « Morgain la Fée and the Celtic Goddesses », Speculum, 20, 2 (avril 1945), p. 192.
499G. GOETZ, Corpus glossariorum latinorum, t. V, p. 150, ligne 26 et p. 245 ligne 5.
500Greg., Mor., 29 : (...) lamia etenim humanum habere dicitur faciem, sed corpus bestiale.
501Réf. et bibl. dans J. VOISENET, Bestiaire chrétien, p. 287.
502« (...) très jolie (est) la jeune fille qui vient sur les vagues de grandes mers » dit même Cú Chulainn à son propos. Cité par Chr. J. GUYONVARC'H, Le Cycle mythologique irlandais, dans Le Patrimoine littéraire européen, t. III. Racines celtiques et germaniques, Bruxelles, De Boeck Univ., 1992, p. 194.
503Le voyage de Mael Duin fut sans doute composé, dans sa forme actuelle, dans la 1ère moitié du XIe siècle mais le fond utilisé est beaucoup plus ancien. Passage de l'île enchantée, p. 493 de l'éd. de W. STOKES, « The Voyage of Mael Duin », Revue celtique, 9, 1888. Les oiseaux doués de voix représentaient les âmes des défunts, selon une croyance propre au folklore irlandais : Navigatio Sancti Brendani (éd. C. SELMER), Notre Dame (Indiana), Philipp Moore, 1959 (Publications in mediaeval Studies. The University of Notre Dame, 16), p. 86.
504W. STOKES, The Voyage of Mael Duin, p. XXIV. V. aussi infra, n. 73.
505Notons que dans la version haut-allemande de la Navigation de saint Brendan, v. 661-666 (éd. C. SCHRODER, Erlangen, Besold, 1871, p. 65) les Sirènes sont évoquées nommément dans un contexte qui rappelle celui de l'Odyssée :
Darnâch vûren sie vurbaz,
dô hôrtensie ein merwunder daz,
was ein Sîrên genennet :
wer des stimme irkennet
der mûz, vor vreuden slâfen durch nôt. 665
von dem kumt mancher in den tôt.
506Dans le cas de l'Imram Mael Duin, les parallèles avec l'Odyssée sont même qualifiés, par W. STOKES, de rather hazy and indirect et uniquement mis en rapport avec les épisodes du Cyclope et des Phéaciens (p. XXIV n. 17).
507Réf. et bibliog. dans T.P. CROSS, Motif Index of early Irish Literature, rub. B 53.0.1 (« Siren in mermaid form ») et B. 81 à B. 81.11 (« Mermaid »).
508Tr. littéraire P.W. JOYCE, Old Celtic Romances, Dublin, Gill and Macmillan, 1879, p. 101 ; Th.M. CHOTZEN, « Emain Ablach-Insula Avallonis – Île d'Avalon », Études celtiques, 42, 1948, p. 272 remarque en outre que « Liban paraît avoir été, pour les Irlandais, un nom caractéristique pour les fées aquatiques ».
509Sur la forme même du nom « Muirgen » et ses implications, voir le compte-rendu de J. MARX, La légende arthurienne et le Graal, Paris, P.U.F., 1952 par J. VENDRYES, Études celtiques, 62, 1953-54, p. 365.
510Beowulf, v. 1519 (éd. P. OLIVERO, tr. C. MONNET, Turin, Società editrice internazionale, 1940, p. 102-103). J.R.R. TOLKIEN, « Beowulf : The Monsters and the Critics », Proceedings of the British Academy, 22, 1936, p. 245-295, fait à son sujet d'intéressantes remarques. Il réunit not. p. 44 tous les noms qui lui sont attribués dans le poème : She is wif (woman), ides (lady), aglaecwif (monster-woman) ; and rising to the inhuman : merewif (sea-woman), brimwylf (seawolf), grundwyrgen (bottom-monstress). Il ne faut toutefois pas perdre de vue que la mère de Grendel habite un étang, un lac non la mer. Voir aussi Nora K. CHADWICK, « The Monsters in Beowulf », The Anglo-Saxons (dir. P. CLEMOES), Londres, 1959, p. 171-203. C'est R.E. KASKE, Beowulfand the Book of Enoch, p. 428 qui a le premier mis en relation la mère de Grendel et les Sirènes en attirant notamment l'attention sur des particularités communes de leur ascendance et en renvoyant aux gloses germaniques du latin sirena: This whole pattern, implicitly associating Grendel's mother with the daughters-of-men-turned-Sirens in the Book of Enoch, finds a touch of lexical support within Beowulf itself, in the description of her as merewif (1519) ; though this compound seems to occur nowhere else in the corpus of Old English, the partial parallel meremen or meremenen (litterally «sea-maid ») appears in several Old English glosses as the definition of Sirena. And in terms of poetic emphasis, the identification of Grendel and his mother as giant and Siren respectively seems favored by the poet's introduction of Grendel as ruler of the moors and fens (...) and of his mother as defender of the waters (...).
511Beowulf [de] M. HEYNE et L. SCHÜCKlNG (dir. Else VON SCHAUBERT), Paderborn, F. Schöningh, 1953 (17e éd.) (Bibliothek der ältesten deutschen Literatur Denkmäler, 3), t. III, p. 150.
512J. BOSWORTH, T. Northcote TOLLER, A. CAMPBELL, An Anglo-saxon Dictionary based on the Manuscript Collections of J.Bosworth, Oxford, Univ. Press, 1972 (réimp. anast. éd. 1882-1921), p. 636.
513Die Althochdeutschen Glossen (éd. E. VON STEINMEYER et E. SIEVERS), Berlin, Weidmann, 1879, t. I, p. 602, 619, t. IV, p. 97, 160, 230, 261... À ce sujet, V. aussi E. MOGK, art. « Meerweiber », dans Reallexikon der germanischen Alterhemskunde (dir. J. Hoops), Strasbourg, Trübner, t. III, 1915-16, p. 205-206, et J. GRIMM, Deutsche Mythologie, Berlin, Dümmler, t. l, 1875, p. 360-361.
514Éd. E. VON STEINMEYER, dans Die kleineren althochdeutschen Sprachdenkmäler, Berlin, Weidmann, 1916, p. 127. Éd. reprise par Fr. MAURER dans Der altdeutsche Physiologus. Die Millstätter Reimfassung und die Wiener Prosa (nebst dem lateinischen Text und dem althochdeutschen Physiologus), Tübingen, Niemeyer, 1967 (Altdeutsche Textbibliothek, 67). Le passage des deux autres versions, consacré aux Sirènes et aux onocentaures se trouve p. 16-17. Sur les versions haut-allemandes du Physiologus, v. surtout N. HENKEL, Studien zum Physiologus im Mittelalter, p. 59-96. Il est toutefois intéressant de savoir que dans le cas de la littérature allemande, le déterminant « mer » qui entre dans la composition des mots merimenni/merminne, n'implique pas nécessairement une relation avec l'éléments aquatique. Selon Cl. LECOUTEUX, Les monstres dans la littérature allemande du Moyen Âge, t. n, p. 110, « mer » sert aussi bien à désigner « un être hybride, au sens propre une ondine, qu'une fée au sens figuré, hybride parce qu'elle appartient à deux univers différents, notre monde et celui des êtres supérieurs ».
515Vita Galli, 2, 11-12 (éd. E. DUEMMLER, M.G.H., Poet. n. Poetae latini aevi karolini, 2, 1884, p. 435-437). Réf. à plusieurs textes moyens-allemands où cette fois, il est nommément question de Sirènes dans N. HENKEL, Studien zum Physiologus im Mittelalter, p. 174. La question de l'influence des cultures du Nord, et particulièrement de la culture irlandaise sur l'élaboration du concept de la Sirène – poisson dans le Haut Moyen Âge est approfondie dans Jacqueline LECLERCQ-MARX, « Du démon ambivalent à l'héroïne compatissante : la Sirène médiévale entre monde antique, celtique et germanique », Ollodagos, 11, 1998, p. 59-72.
516J. VOISENET, Bestiaire chrétien, p. 298 et 299 arrive, par des voies quelque peu différentes, à des conclusions proches des nôtres : (la nouvelle Sirène) « a dû trouver dans cet espace "nordique" un terreau favorable à son éclosion et elle a bénéficié d'une tradition autochtone qui a pu s'exprimer, essentiellement dans l'iconographie, grâce à la fin de la "répression" cléricale du merveilleux au moment de la Renaissance carolingienne. Celle-ci aurait finalement favorisé la résurgence d'un substrat proprement occidental et permis une affirmation, "récupérée" par le christianisme, de la sensibilité "barbare" sur la sensibilité latine (...) ». Pour cet auteur également, il faudrait plus particulièrement voir dans la métamorphose de la Sirène, la conséquence de « la confrontation de deux éléments, l'un d'origine "méditerranéenne" et littéraire, l'autre d'origine "nordique" et figurative » (p. 299).
517Voir not. Margareth SCHLAUCH, « On Conall Corc and the Relations of old lreland with the Orient », The Journal of Celtic Studies, 12, 1950, p. 153-167. En conclusion : In any event, the frequent and various connections were important for Ireland and they occurred early enough to throw light on the Egyptian affinities of artistic and literary motifs, where these can be observed. Par la suite, les échanges culturels et religieux entre communautés coptes et irlandaises continuèrent notamment par l'intermédiaire des îles de Lérins. Sur l'influence de l'art copte sur l'art irlandais, voir plus précisément W.R. HOVEY, « Sources of the Irish Illuminative Art », Art Studies, 6, 1928, p. 105-120 ; Fr. MASAI, Essai sur les origines de la miniature dite irlandaise, Bruxelles, éd. Érasme, 1947 (Les Publications de Scriptorium, 1), p. 71 sq. ; K. WESSEL, L'art copte, p. 240-241.
518Bas-relief. Le Caire 44-070 (Ahnas, fin du IV' siècle apr. J.-C.). V. W. DEONNA, « La Sirène, femme-poisson », Revue archéologique, 28, 1927, p. 22-23 : « Sur la sculpture (...), la draperie, gauchement stylisée, rappelle le corps du poisson, son extrémité évasée devient leur queue, et les fruits semblent être des écailles. On peut se demander si une image de ce genre, mal comprise, n'a pas déterminé le motif de la Sirène à double queue ». Hypothèse reprise par J. ADHÉMAR, Influences antiques dans l'art du Moyen Âge français. Recherches sur les sources et les thèmes d'inspiration, Londres, The Warburg Institute, 1939 (Studies of Warburg Institute, 7), p. 184 et H. FOCILLON, L'art des sculpteurs romans. Recherches sur l'histoire des formes, Paris, Leroux, 1931 (Études d'art et d'archéologie), p. 208-209.
519Pour reprendre l'expression utilisée par W. DEONNA, v. supra n. 85.
520Il en est de même pour la femme-poisson nageant près d'une barque de pêcheur, figurée sur une applique en bronze de la fin du Ve siècle, découverte à Solberga (paroisse d'Askeby, Ostergotland) en Suède, ainsi que A. Andersonn a bien voulu nous le préciser. Sur l'influence générale de l'art sculptural romain sur l'art scandinave du Ve siècle, voir P. ANKER et A. ANDERSONN, L'art scandinave (tr. N. VAILLANT), Paris, Zodiaque, 1969 (La Nuit des temps, 28), t. I, p. 192.
521Le Sacramentaire de Gellone est, notons-le, tout imprégné d'influences coptes ; le Physiologus de Berne accuse des influences hellénistiques et byzantines. Voir supra, n. 57.
522May VIEILLARD-TROÏEKOUROFF, Sirènes-poissons carolingiennes, p. 67 : « Trois » (des écrivains qui ont évoqué les Sirènes et Scylla) sont des insulaires ; Corbie et St-Amand » (allusion à Paschase Radbert et à Milon) « sont de grandes abbayes du nord de la France, pénétrées d'influences insulaires. C'est dans ce milieu où avait peut-être été écrit le Liber monstrorum, et dans le milieu parisien, en rapports étroits avec le nord de la France, qu'apparaissent les premières illustrations de Sirènes-poissons ».
523En fait, la Sirène comme d'autres animaux fabuleux considérés comme réels, participait à cette mystique de la création à l'intérieur de laquelle W. VON DEN STEINEN a pertinemment situé la symbolique animale : « Altchristliche-mittelalterliche Tiersymbolik », Symbolon, 1964, p. 218-243. Sur l'« Inde », comme terre de « merveilles », voir not. J. Le GOFF, « L'Occident médiéval et l'Océan Indien : un horizon onirique », Pour un autre Moyen Âge. Temps, travail et culture en Occident : 18 essais, Paris, Gallimard, 1977 (Bibliothèque des Histoires), p. 280-298 : « ...grâce à la miniature et à la sculpture, à la littérature scientifique, didactique, romanesque et homélitique, l'image de l'Inde a largement pénétré dans la société de l'Occident médiéval et (...) n'a pas limité son audience et sa signification à une couche instruite. Elle est donc un témoignage de psychologie et de sensibilité collectives » (p. 280). Parmi les ouvrages cités en bibliographie, voir surtout R. WITTKOWER, « Marvels of the East. A Study in the History of Monsters », Journal of the Warburg and Courtauld Institute, 5, 1942, p. 159-197. Par ailleurs E. FARAL, « Une source latine de l'Histoire d'Alexandre. La Lettre sur les merveilles de l'Inde », Romania, 43, 1914, p. 198-215 met bien en évidence l'origine grecque et païenne des Lettres sur les merveilles de l'Inde ou de l'Asie dont il fait un élément important de l'influence de l'Orient sur l'Occident dès avant la rédaction du Liber monstrorum.
524Aethicus Ister, Cosmog. 66 et 21 (éd. O. PRINZ, dans M.G.H., Quellen zur Geistesgechichte des Mittelalters, XIV, 1993, p. 109, 5 et p. 172, 15). Ce curieux texte, rédigé peu après 768, témoigne d'emprunts directs ou indirects à Solin, Orose, Justin, Isidore de Séville... Sur cette œuvre complexe dont la paternité reste problématique, voir aussi la mise au point de Fr. BRUNHÖLZL dans son Histoire de la littérature latine du Moyen Âge, t. I, 1, p. 67-69 et p. 251-252.
525Benoît de Sainte-Maure, Roman de Troie, v. 28859 et v. 28866 (éd. L. CONSTANS, Paris, t. IV, 1908 (Société des anciens textes français, 54), p. 310 : « La en oï chanter cinc cenz» (...) « Plus en ocistrent d'un milier » !
526Éd. P. de WINTERFELD, dans M.G.H., Poet. IV. Poetae latini aevi karolini, 4, 1899, p. 244.
527Réf. v. supra, n. 31 (inscription destinée à être placée à l'entrée d'un réfectoire).
528Réf. v. supra, n. 3.
529Réf. v. supra, n. 7.
530Réf. v. supra, n. 6.
531Réf. v. supra, n. 3. V. aussi P. COURCELLE, L'interprétation évhémériste des Sirènes-courtisanes, p. 42-43.
532Ioh. Antioch., Chron., fr. 17 (éd. Th. MÜLLER, Fragmenta historicum Graecorum, Paris, Didot, 1868, p. 539). V. aussi supra, n. 18.
533Photios et l'auteur de la Souda attribuent toutefois ab origine aux Sirènes des formes semi-animales.
534W. VON CHRIST, Geschichte der griechischen Literatur (6e éd. refondue par W. SCHMID et O. STAEHLIN), Munich, Beck, t. II, 2, 1961 (Handbuch der Altertumwissenschaft, VII, 2/2), p. 1091. Sur l'importance relative de la Souda, v. P. HENRY : « Suidas : Le Larousse et le Littré de l'Antiquité grecque », Études classiques, 6, 1937, p. 155-162.
535Phot., Bibl., 190 (éd. R. HENRY, C. Byz., t. III, 1962, p. 67).
536Ibid., p. 64.
537Ibid., p. 70.
538V. supra I, p. 6-7.
539Ibid., p. 7.
540Ecbas., v. 941 (éd. K. STRECKER, dans M.G.H., Script. rerum Germanicarum, 1935, p. 33). Ce filandreux récit des aventures d'un veau échappé de l'étable, composé vers 930 à Toul, est le lointain ancêtre de l'épopée animale. Sur un autre usage métaphorique profane de l'évocation des Sirènes, v. Jos. Scot., Carin., 4 (éd. E. DUEMMLER, dans M.G.H., Poet. 1. Poetae latini aevi karolini, 1, 1881, p. 154). I. Poetae latini aevi carolini, 1881, p. 154).
541Aldh., Virg. (éd. R. EHWALD, dans M.G.H., Auct. antiq. XV, 1961 (réimp. anast. éd. 1919), p. 292).
542Dungal Scott., Epist. 6 (éd. E. DUEMMLER, dans M.G.H., Epist. IV. Epistulae karolini aevi, 2, 1895, p. 581).
543Ps.-Heracl., Apist., 2 (éd. N. PESTA, dans Mythographi graeci, B.T., III, 2 1902, p. 73-74).
544Radbert., Epist. 6 (éd. E. DUEMMLER, dans M.G.H., Epist. VI. Epistulae karolini aevi, 4, 1925, p. 139).
545Leutherius, dans Chart. Aldhelm. (éd. R. EHWALD, dans M.G.M., Auct. antiq. XV, 1961 (réimp. anast. éd. 1919), p. 507.
546Braulio, Epist. 25 (éd. J. MADOZ, Madrid, Consejo superior de investigaciones cientificas, 1941 (Biblioteca de antiguos escritores cristianos españoles, 1), p. 141.
547V. supra II, p. 64-65 et infra IV, p. 158-161.