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Peinture - Epoque contemporaine - Belgique - Histoire de l'art Anthony Spiegeler Regards sur l’informel Etude de carnets inédits réalisés par Serge Vandercam entre 1960 et 1964
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Reporticle : 23 Version : 1 Rédaction : 2012 Publication : 04/05/2012

Préambule

Prenant comme fil conducteur l’exploration de carnets inédits découverts en 2011, dans les archives de Serge Vandercam, cette étude voudrait confronter des travaux de recherche graphique aux productions informelles réalisées entre 1957 et 1964, période à laquelle l’artiste déstructure la forme, empoigne la matière et découvre des techniques qui tout au long de sa carrière, trouveront résonnance. Depuis une vingtaine d’années, la recherche scientifique démontre l’importance du travail de Vandercam. En ce sens, cet article prend appui sur un mémoire de maîtrise réalisé à l’Université libre de Bruxelles sous la direction de Denis Laoureux (1). Pour cet exercice scientifique, les deux monographies publiées par le Professeur Michel Draguet constituaient un point de départ incontournable (2). Plus proches dans le temps, les travaux de Denis Laoureux ainsi que le récit défendu lors de l’exposition Cobra e l’Italia complétaient avec finesse la recherche sur le sujet (3). Il est rare qu’un seul pan de l’activité de Serge Vandercam ne soit développé. Toutefois, le Groupe de Recherche en Art Moderne de l’Université Libre de Bruxelles mit en lumière en 1994, les dérives matiéristes réalisées trente-cinq ans plus tôt avec le poète Christian Dotremont (4). Ces ouvrages constituent l’état des connaissances actuelles et posent l’amorce de notre problématique sur les interactions entre différents médiums dans l’œuvre de Serge Vandercam.

Photographe, peintre, céramiste et sculpteur belge, Vandercam décloisonne les pratiques artistiques sans que l’une ne l’emporte sur l’autre. Son œuvre, poignante, exprime une angoisse latente. Ici, une projection informelle et là, une figuration prenant possession de l’espace. Dès l’immédiat après-guerre, Vandercam adhère aux activités du groupe Cobra (1948-1951). En automne 1950, le numéro sept de la revue éponyme consacre son adhésion au groupe en publiant une de ses photographies. Son œuvre renverse les pratiques conventionnelles et s’associe aux actions surréalistes. Rapidement, la peinture apparaît comme une nécessité, une pratique lui permettant d’exprimer une imagerie poétique. L’année 1952 fera figure de passage lorsque Roger Van Gindertael, directeur de la revue Art d’Aujourd’hui, lui confie la réalisation d’une galerie de portraits d’artistes contemporains en vue d’illustrer l’ouvrage Témoignage pour l’art abstrait (5). Au contact de ces peintres, le photographe affirme son envie de franchir les frontières artistiques. Dans ce dessein, les voyages qu’il entreprend se décalquent en visions obsédantes ; la Turquie, les Fagnes et l’Italie mettent en branle une frénésie créatrice, une base pour de multiples expérimentations.

La genèse d’une œuvre plurielle

Serge Vandercam (1924-2005) et Sergio Dangelo (1932- ), C’est mieux que pas, 1960, couleurs industrielles sur papier, 50x70 cm. (Collection privée)
Reproduction extraite de : Il Mare-Le Radici, Albisola, Galerie Pescetto, 2 - 12 août 1961. (fac.sim)Fermer
Serge Vandercam (1924-2005) et Sergio Dangelo (1932- ), C’est mieux que pas

Serge Vandercam est un homme de passage. Lorsqu’au terme de l’année 1959, l’artiste quitte Bruxelles pour Milan (6), il s’engage avec un ami, Sergio Dangelo, dans un projet à quatre mains : la série Il mare – le radici. Des œuvres comme C’est mieux que pas ; Premier duo ou Tu t’imagines deviennent le terrain de nouvelles expérimentations empreintes de violence. Pastels, émaux, pigments répondent aux couleurs industrielles projetées sur le papier. D’un graphisme nerveux, ces dessins apparaissent comme des préludes à un art qui s’inscrira dans la négation de la forme. Les lignes répondent aux intervalles blanc du papier et imposent la liberté de leur tracé. Devenues formes et structures, elles se placent à contresens de tout discours décoratif (7). Est-ce le trait de l’un ou le mot de l’autre ? Impossible de définir qui de Vandercam ou de Dangelo insuffle l’expérience. L’année suivante, les deux hommes présentent leurs productions à la galerie Pescetto à Albisola (8). Réputé pour ses ateliers de céramique, ce lieu marque, pour Vandercam, la découverte d’un nouveau médium. Sur place, il réalise des peintures et des céramiques mais également de nombreux dessins. A l’aide de carnets de croquis, il prolonge ses expériences. La recherche en archives a permis d’en découvrir quatre aussi riches qu’intéressants. Deux dates reviennent à plusieurs reprises au bas de ces essais : 1961 et 1964. Ces carnets attestent non seulement que la pratique du dessin est récurrente pendant la période italienne mais également que les travaux réalisés à la fin des années 1950 hantent encore son esprit. De plus, Vandercam signe ces œuvres. Par cette action, il estime son travail abouti. Dès lors, l’esquisse est affirmée comme une pratique supplémentaire accompagnant une recherche plastique désormais consacrée à l’informel.

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    Les Manteaux : de l’affirmation de la ligne au cœur de la matière.

    Serge Vandercam (1924-2005), Le Manteau, ca 1957-1958, huile sur toile, 143x112 cm. (Collection privée)
    Reproduction extraite de : Serge Vandercam. Du regard à la main, Mons, BAM, 24 avril – 29 août 2010, p.38.Fermer
    Serge Vandercam (1924-2005), Le Manteau
    Serge Vandercam (1924-2005), Le Manteau, ca 1957-1958, huile sur toile, 106x175 cm. (Collection privée)
    Reproduction extraite de : Serge Vandercam. Du regard à la main, Mons, BAM, 24 avril - 29 août 2010, p.39.Fermer
    Serge Vandercam (1924-2005), Le Manteau

    Cette méthode de recherche par l’exploration graphique est présente à maintes reprises dans le travail de Vandercam. En ce sens, les pages du premier carnet renvoient à l’épisode anatolien et à la série des Manteaux.

    Pour rappel, en 1957, le journaliste André Falck commande à Serge Vandercam un film portant sur la Turquie. Destiné à l’émission Exploration du monde, ce film lui permet de renouer avec ses racines (9). Un retour aux sources, aux images premières de la nature. Accompagné de Reinhoud et de Rick Kessels (10), le voyage donne naissance à une série de toiles conviant énigme et lyrisme au sein d’une même réflexion. La fraîcheur des sources et des origines pose l’amorce d’une expression nouvelle, totale, globale et universelle. L’artiste est fasciné par la calligraphie, les danses et la chute du manteau des derviches tourneurs (11). Vandercam retient ces visions et consacre le mouvement giratoire. L’homme traduit une douce renaissance. La lumière, symbole de vie émerge du fond de ses toiles et s’associe à de grandes nappes colorées. Celles-ci font office de frontière entre visible et invisible, entre la vie et la mort. Au sein de ces carnets, le souvenir est traduit à l’aide de tons pâles.

    L’artiste englobe la surface du papier. Par addition chromatique, Vandercam passe du rose au blanc. Il laisse des lignes rouges et bleues fluctuer entre les masses circulaires ; il plonge au cœur d’un monde mouvant. Passant de la fluidité de l’huile à l’affirmation de la ligne, ce corpus témoigne d’une oscillation entre un graphisme nerveux et l’expansion de la forme. Vandercam révèle ses paysages intérieurs à travers un geste affirmé. Agressives, ces lignes s’entrecroisent pour créer un réseau qui pour la première fois, tend à reprendre son autonomie. .

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      La découverte d’une nouvelle expression

      Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, ca 1961, huile sur toile, 140x80 cm. (Collection privée)
      Reproduction extraite de : Serge Vandercam. Du regard à la main, Mons, BAM, 24 avril - 29 août 2010, p.83.Fermer
      Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre

      Dès 1961, la vitalité que l’on retrouve dans les peintures de Vandercam transparaît dans la céramique. Des coulées chromatiques habillent les figures d’argile allant jusqu’à recouvrir l’ensemble de la pièce. Le langage pictural devient celui d’une forme en expansion. L’artiste ne sépare plus ses pratiques. Tout est prétexte à l’expérimentation. La tache de couleur, la ligne, la spontanéité, le rejet de l’outil, autant d’éléments amorcés par le groupe Cobra trouvent leur aboutissement poétique au sein de la matière (12). Une série d’interactions apparaît et annonce une apogée dans l’art informel belge. Lorsque Joseph Noiret demande à Serge Vandercam s’il réalisait des céramiques dans sa cabane à Albisola, l’artiste répond : « Je peignais comme ça »  (13). Ce témoignage soulève un décloisonnement constant qui confirme l’existence d’un vocabulaire commun entre les disciplines, comme par exemple, l’extériorisation d’un geste violent, l’impulsivité ou l’introspection des profondeurs de l’imaginaire.

      Serge Vandercam (1924-2005), extrait de carnet de croquis, ca 1961-1964, crayons de couleur, pastel gras, 13x18 cm. (Collection privée)
      Photographie Joël VandercamFermer
      Serge Vandercam (1924-2005), extrait de carnet de croquis
      Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, 1961, pastel gras sur papier, 73x57 cm. (Collection privée)
      Photographie Joël VandercamFermer
      Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre
      Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, ca 1961-1962, céramique émaillée, h.54 cm. (Collection privée)
      Photographie Joël VandercamFermer
      Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre

      Le second carnet de croquis témoigne de ces interactions. Ici, l'artiste utilise le pastel gras. Vandercam expérimente et découvre les variations des pigments. Ces pages s’ouvrent sur un foisonnement coloré. Il est intéressant de remarquer qu’une forme se répète et évolue. Qu’elle soit colorée ou monochrome, elle possède les mêmes caractéristiques : une ligne d’horizon et une base supportant une forme ovale échelonnée par une succession de traits agités. Elle n’est plus statique mais prend possession de l’espace. Les recherches effectuées en céramique se répercutent sur le travail graphique (14). Spontané, l’homme laisse place au fortuit, à l’instar des travaux d’Albisola.

      Dans la manufacture San Giorgio, il se met à recouvrir des vases de couches picturales (15). Sa pratique d’un langage informel s’affirme progressivement et s’apprête à toucher à son point culminant. De grandes nappes colorées embrasent la surface. Comme Asger Jorn, Vandercam exprime un cri à travers la matière. La totalité du support est immergée pour laisser apparaître un paysage onirique : « La matière reçoit de nos rêves tout un avenir de travail (…) Autrement dit, la matière est notre miroir énergétique ; c’est un miroir qui focalise nos puissances en les illuminant de joies imaginaires »  (16).

      Dans la foulée, l’artiste continue l’expérience et réalise une série de céramiques émaillées, bleues, rouges, vertes, multicolores ; ces pièces dépassent l’ornement et la figuration. L’homme empoigne la pâte et révèle ses visions. Il ne retranscrit pas un bestiaire fantastique mais une œuvre déstructurée et agitée. Polyvalentes, ses céramiques laissent apparaître la violence qu’elles ont vécue. Torturées, les formes présentent des lacunes, des trous béants. L’artiste invite à plonger dans les profondeurs de l’argile. Désormais, l’émaillage conclut l’action. Parfois, Vandercam épure la matière tandis qu’à différents endroits, il la laisse englober la pièce. Nos recherches ont permis de découvrir une céramique complémentaire à ce riche corpus. Dans un mouvement de torsion, elle apparaît comme le centre de la terre. Un magma en ébullition. Sur une base claire, s’ajoute un dégradé qui renvoie à la puissance du feu. Rouge, brun et noir, le fond hurle, calciné. Pour l’apaiser, une explosion chromatique placée sous le signe de l’impulsivité révèle de larges coulées blanches et bleues.

      Quelques pages plus loin, toujours dans le même carnet, Vandercam retourne à l’encre. Dans un premier temps, son trait s’avère serré. L’encre est retenue pour enfin se lâcher et exploser. La forme se désintègre et manifeste un nouveau graphisme. La tache est désormais au centre de sa réflexion. Sur une dernière page, le trait laisse place à un lavis. Ces essais sont le terrain de multiples expérimentations. Ils dévoilent la constance créatrice dans laquelle Vandercam évolue pendant ces années : « Moi, je vivais… Ce qui m’intéressait, c’était d’apprendre la céramique, mais surtout de mener une vie de peintre… Je me sentais dans un état poétique constant »  (17).

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        Les paysages informels

        Lors de ses promenades sur la plage d’Albisola, l’artiste ramasse des éléments organiques, des branches et des racines (18). Interpellé par leur forme, il les ramène à son atelier pour en faire des outils (19). Le pinceau est rejeté pour laisser place à un amoncellement de branches souples (20). Une fois assemblées, celles-ci permettent une projection ample et énergique de la matière picturale. Ecrasée contre le support, la pâte crée un réseau de lignes, de taches et de points qui renvoie à un imaginaire poétique. Vandercam peint une mémoire, celle des paysages côtiers. Dès lors, il n’est pas étonnant qu’il intitule cette série : La Mer et les Racines.

        Serge Vandercam (1924-2005) et Christian Dotremont (1922-1979), Boues, 1958-1959, terre cuite, h.23 cm. (Collection privée)
        Photographie Joël VandercamFermer
        Serge Vandercam (1924-2005) et Christian Dotremont (1922-1979), Boues
        Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, 1958, encre de chine sur papier, 36x27 cm, signé en bas à droite : « Serge V 58 ». (Collection privée)
        Photographie Joël VandercamFermer
        Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, 1958, encre de chine sur papier
        Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, 1958, encre de chine sur papier, 36x27 cm, signé en bas à droite : « Serge V 58 », daté en bas à gauche « août 58 ». (Collection privée)
        Photographie Joël VandercamFermer
        Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, 1958, encre de chine sur papier
        Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, 1959, encre de chine sur papier, 27,5x38, 5 cm, signé et daté en bas à droite : « Serge 59 ». (Collection privée)
        Photographie Joël VandercamFermer
        Serge Vandercam (1924-2005), Sans titre, 1959, encre de chine sur papier

        Il nous faut souligner qu’à cet instant, le souvenir des recherches informelles de 1958 et 1959 est encore palpable. Cette période représente pour l’artiste, un premier dialogue avec la matière. Pendant l’été 1958, Serge Vandercam reçoit une commande publicitaire pour une entreprise de textile : photographier une linaigrette (21). Cette fleur qui ne pousse que sur les sols tourbeux devient prétexte à une aventure poétique placée au cœur des Fagnes (22). Face à ses paysages, Vandercam est séduit. Cité précédemment, le dessin permet à l’artiste de faire jaillir ses plus profondes visions. Au rituel turc répond une affirmation graphique qui cherche dans la matière de nouvelles structures : « En fait, la main qui travaille pose le sujet dans un ordre nouveau, dans l’émergence de son existence dynamisée. Dans ce règne, tout est acquisition, toute image est une accélération, autrement dit, l’imagination est “l’accélérateur” du psychisme »  (23). Vandercam revient à Bruxelles marqué de ce souvenir primitif. Le dessin apparaît à présent comme une dérive onirique permettant de ranimer ses visions originelles. Afin d’exprimer l’imaginaire de la tourbe, il décide de passer par elle. L’artiste se met alors à modeler la glaise pour donner vie à une forme empreinte de nature : « … de la terre qui en même temps serait racines, herbes, branches tordues, noires et brûlées »  (24). La boue célèbre la matière et prend une dimension psychique et onirique. Le poète Christian Dotremont participe à ces sessions. Il transpose les visions anarchiques de Serge Vandercam, les décline en incisant une série d’aphorismes dans le creux de la terre. Cette série, les Boues, fait écho aux recherches graphiques de Vandercam : Fagnes et Coupe-feu. Au blanc du papier répond la violence du trait. L’encre noire se transforme en épine et en racine : « J’étais très pris par la texture du sol, par la lumière, par l’atmosphère et le silence. Ce qui m’impressionne dans les Fagnes, c’est le silence »  (25) . Le point de départ est à trouver dans la nature. L’artiste n’est plus sur le sol mais dedans. Son lyrisme transforme les Fagnes en un paysage mental dont le dessin est le substrat.

        Réalisée en Italie, la série la Mer et les Racines va dans le même sens. Avant son départ pour Albisola, l’artiste ressentait le besoin d’une proximité avec les paysages originels. A présent, les promenades côtières se transforment en observations primitives. Elles résonnent dans un entrelacement de matière. Il revient ici et là sur la toile. Aux mers colorées répond le claquement énergique des racines imbibées d’huile. Les surfaces laissent place à la matière. Par le point qui renvoie au sable ou le trait aux vagues, tout devient prétexte à l’acquisition d’un vocabulaire onirique et intime (26)  : « J’aime le hasard, la poésie, l’image surprenante. Le premier spectateur du tableau, c’est moi »  (27). Nos recherches dans la collection privée de l’artiste ont permis de retrouver une œuvre de petit format relevant de ces séances. Avec ses soixante centimètres de large, elle révèle la violence qui lui est imposée. Vandercam frappe la toile, la gratte, la raye afin de ranimer le souvenir de ce paysage matiériste. L’homme revient sur la masse picturale et retire son excédant afin de créer des effets de surfaces. Il fouille de plus en plus loin. Sur cet exemple miniature transparaît l’ensemble du vocabulaire inhérent au corpus de La Mer et les Racines : des taches, des incisions, une forme explosée, des successions de traits ou encore, des masses et des courbes chromatiques.

        Ce vocabulaire se décalque pour transparaître à travers la pratique du dessin. Cette technique permet à l’artiste de faire jaillir ses plus profondes visions. Les troisième et quatrième carnets renvoient à cet imaginaire. Il s’agit du pendant graphique de la série la Mer et les Racines.

        Après ces premières pages monochromes, Serge Vandercam passe à un graphisme coloré. Il laisse l’encre de côté pour le pastel gras et sec. À présent, le tracé noir, jaune et rouge vibre au rythme de l’improvisation. Est-ce un souvenir belge qui ressurgit ? D’autres pages dévoilent cette réflexion chromatique. À nouveau, le geste l’emporte. Vandercam traduit la série à travers la céramique. En attribuant un titre commun à ses productions, il affirme que des pratiques opposées peuvent constituer un ensemble cohérent. Dans ce dessein, les expériences tridimensionnelles répondent aux travaux de la surface plane. Par l’affirmation de sa technique, Vandercam multiplie son approche. Il n’appréhende plus l’argile comme le réceptacle de ses projections picturales mais prend en compte la spécificité du matériau. Dès lors, une série de concordances et de réactions s’installent. L’artiste laisse place au hasard et à l’émergence d’images surprenantes. Dans ses investigations, Serge Vandercam varie son approche. La céramique apparaît comme un tableau dans l’attente des projections de son inconscient.

        Serge Vandercam (1924-2005), Racines assemblées, ca 1961. (Collection privée)
        Photographie Joël VandercamFermer
        Serge Vandercam (1924-2005), Racines assemblées

        Le dernier de ces carnets révèle une valeur supplémentaire. Trois dessins sont à situer dans le discours des interactions entre médiums artistiques. L’un après l’autre, ils représentent des céramiques. Le premier, ocre, rappelle la couleur de l’argile, il offre une succession de motifs noirs. Le second est caractérisé par un trait énergique et une kyrielle de couleurs. Quant au dernier, il dévoile une céramique bleue et sans aucun ornement. On ne perçoit qu’un léger dégradé de couleurs. Il est difficile dans l’état actuel de la recherche de poser un jugement sur l’importance de ces dessins mais ils confirment que la pratique de la céramique appartenait à son quotidien. Sont-ce des esquisses annonçant la réalisation de futures créations ou un pendant graphique à la céramique ? Quel que soit le motif, il est intéressant que ces croquis se retrouvent dans le même corpus que la série Fagnes, Coupe-feu, Manteaux et La Mer et les Racines. Ceux-ci témoignent des réflexions et des souvenirs qui animaient son séjour italien. Vandercam évolue d’une série à l’autre mais il conserve l’esprit de constance ; une mémoire, les prémices de l’obsession.

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          Spiegeler (A.), Interaction entre peinture et céramique à travers l’oeuvre de Serge Vandercam, 2 vol., Université Libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres, Section d’Histoire de l’Art et Archéologie, Mémoire de fin d’étude sous la dir. du prof. D. Laoureux, 2011.

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          Il Mare-Le Radici, Albisola, Galerie Pescetto, 2 – 12 août 1961.

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          Notes

          NuméroNote
          1Spiegeler (A.), Interaction entre peinture et céramique à travers l’oeuvre de Serge Vandercam, 2 vol., Université Libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres, Section d’Histoire de l’Art et Archéologie, Mémoire de fin d’étude sous la dir. du prof. D. Laoureux, 2011.
          2Draguet (M.), Serge Vandercam. L’invitation au voyage, Bruxelles, GRAM-ULB, 2001 ; Id., Serge Vandercam ou le regard nomade, Heerlen, ABP Public Affairs, 2002.
          3Laoureux (D.), « Serge Vandercam et Christian Dotremont. Un imaginaire des profondeurs de la terre », in Boues. Oeuvres partagées. Serge Vandercam – Christian Dotremont, Milan, Galleria San Carlo, 2010, p.14-30 ; Cobra e l’Italia, Rome, Galleria Nazionale d’arte moderna, 4 novembre 2010 – 13 février 2011.
          4Draguet (M.) (dir.), Cobra en fange, Bruxelles, GRAM-ULB, 1994.
          5Draguet (M.), op.cit., p.14.