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Art en général - - - Sébastien Biset Le paradigme relationnel Aspects fondamentaux des arts relationnels (1952-2012)
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Reporticle : 32 Version : 1 Rédaction : 01/06/2012 Publication : 03/08/2012
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1 Un astérisme désigne pour un observateur une figure remarquable formée par des étoiles. Il est un objet arbitraire, une représentation qui au niveau astrophysique ne présente aucune valeur en ce que ces étoiles ne sont liées ni par une interaction gravitationnelle ni par une gestation commune. Une constellation, cas particulier d’astérisme, est ainsi une projection sur la voûte céleste de formes produites par des lignes imaginaires reliant des astres entre eux. Elle est une représentation, une mise en relation d’entités distinctes et indépendantes qui constitue dans l’imaginaire d’une société une modélisation signifiante. Par analogie, l’hétérogénéité constitutive du champ des arts relationnels permet de considérer celui-ci à l’image d’un astérisme reliant des pratiques disparates, formellement et intentionnellement diversifiées, mais participant d’un ensemble signifiant, celui des arts relationnels.
2 À ce titre l’intuition de Vernon Blake anticipait dans une certaine mesure la théorie de Lennep. En effet la seule occurrence d’un art pensé à travers le prisme de la relation qui soit antérieure au CAP est celle de la théorie formalisée en 1915 et publiée en 1925 par Blake sous le titre Relation in Art. Mais cette lecture de l’art sur le principe de la relativité concerne pour l’essentiel la dimension formelle et stylistique de l’art ; une conception restreinte, donc, de sa dimension relationnelle.
3 Il a été constaté que l’absence de liberté ou que la liberté par trop relative (des Heighteen Happenings à certaines pratiques relationnelles récentes) empêchait toute impulsion spontanée, la participation fonctionnant alors à coups d’injonctions médiatisées par un dispositif incitatif, contrastant avec l’ouverture, le hasard et l’indétermination. Ceci explique la nécessité, pour certains artistes, de faire disparaître autant que possible le dispositif ou le geste dans le flux des événements. Et s’il y a mise en vue, celle-ci se joue souvent sur le mode de l’effacement et de l’éphémère, d’une « quasi-insignifiance », du furtif, favorisant l’effet disrupteur de cet art dont l’efficience, bien souvent, tient à son faible coefficient de visibilité.
4 Il ne fait aucun doute que les débats autour de l’esthétique relationnelle ont entretenu ce schisme entre la perspective formaliste et autonome de l’art, un art institué qui justifie sa spécificité en s’excluant du social pour investiguer de l’intérieur les spécificités de l’art comme produit – une perspective essentialiste de l’art –, et une approche relationnelle qui contextualise et situe – un art de nature praxique. Ces deux approches toutefois coexistent et ne sont d’ailleurs pas hermétiques, ce qu’illustre à elle seule la conception relationnelle de Bourriaud qui concilie deux régimes longtemps passés pour antagoniques : celui de la représentation ou de la forme, d’une part, et celui, processuel et performatif, de l’exécution (celui de notre coopération pragmatique avec la réalité, ici, maintenant, dans ce contexte qui circonstancie ce processus), d’autre part (« vers une politique des formes »). De manière générale, c’est à une réception active qu’en appellent les arts relationnels qui ne se fixent pas dans l’objet mais privilégient le processus à la perfection formelle – distinguant, comme pouvait le faire Dewey, le produit de l’art, objet physique autonome, et l’œuvre d’art comme telle, ce qui fait l’objet de et dans l’expérience. Cette primauté de l’expérience sur l’œuvre, allégée de son poids signifiant, permet à l’art de se libérer du fétichisme qui le menace : la concentration de l’attention sur l’objet (la forme) n’est en effet qu’un élément de l’expérience esthétique, non suffisant pour la construire à part entière. L’art pensé à travers le prisme du pragmatisme n’a ainsi cessé de montrer, depuis le début du siècle dernier, qu’il n’est pas la manifestation la plus précieuse de la vie, qu’il « n’a pas cette valeur céleste et générale qu’on se plaît à lui accorder – la vie est autrement intéressante » (Tzara). Puisqu’« après tout la nature vaut mieux que l’art » (Cage), autant s’atteler à explorer la dimension poétique du life-like art (Kaprow), et viser une économie poétique de l’existence pour laquelle l’art est moins une fin qu’un outil – « L’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » (Filliou). Cela signifie moins que l’art soit l’équivalent de la vie, qu’il n’est un encouragement, une invitation, à vivre « vraiment », « pleinement » la vie. « Si l’homme pouvait, de la même manière qu’il fait l’expérience de l’art, faire l’expérience du monde, du monde concret qui l’entoure (des idées mathématiques à la matière physique), il n’y aurait nul besoin de l’art » (Maciunas). L’art, en tant qu’expérience, n’a donc de légitimité que dans la dynamique vivante de l’existence, dans le flux ou processus même du monde et de la vie, en ce qu’il relève d’une jouissance de l’expérience en tant qu’expérience (Dewey).