4 | Il ne fait aucun doute que les débats autour de l’esthétique relationnelle ont entretenu ce schisme entre la perspective formaliste et autonome de l’art, un art institué qui justifie sa spécificité en s’excluant du social pour investiguer de l’intérieur les spécificités de l’art comme produit – une perspective essentialiste de l’art –, et une approche relationnelle qui contextualise et situe – un art de nature praxique. Ces deux approches toutefois coexistent et ne sont d’ailleurs pas hermétiques, ce qu’illustre à elle seule la conception relationnelle de Bourriaud qui concilie deux régimes longtemps passés pour antagoniques : celui de la représentation ou de la forme, d’une part, et celui, processuel et performatif, de l’exécution (celui de notre coopération pragmatique avec la réalité, ici, maintenant, dans ce contexte qui circonstancie ce processus), d’autre part (« vers une politique des formes »). De manière générale, c’est à une réception active qu’en appellent les arts relationnels qui ne se fixent pas dans l’objet mais privilégient le processus à la perfection formelle – distinguant, comme pouvait le faire Dewey, le produit de l’art, objet physique autonome, et l’œuvre d’art comme telle, ce qui fait l’objet de et dans l’expérience. Cette primauté de l’expérience sur l’œuvre, allégée de son poids signifiant, permet à l’art de se libérer du fétichisme qui le menace : la concentration de l’attention sur l’objet (la forme) n’est en effet qu’un élément de l’expérience esthétique, non suffisant pour la construire à part entière. L’art pensé à travers le prisme du pragmatisme n’a ainsi cessé de montrer, depuis le début du siècle dernier, qu’il n’est pas la manifestation la plus précieuse de la vie, qu’il « n’a pas cette valeur céleste et générale qu’on se plaît à lui accorder – la vie est autrement intéressante » (Tzara). Puisqu’« après tout la nature vaut mieux que l’art » (Cage), autant s’atteler à explorer la dimension poétique du life-like art (Kaprow), et viser une économie poétique de l’existence pour laquelle l’art est moins une fin qu’un outil – « L’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art » (Filliou). Cela signifie moins que l’art soit l’équivalent de la vie, qu’il n’est un encouragement, une invitation, à vivre « vraiment », « pleinement » la vie. « Si l’homme pouvait, de la même manière qu’il fait l’expérience de l’art, faire l’expérience du monde, du monde concret qui l’entoure (des idées mathématiques à la matière physique), il n’y aurait nul besoin de l’art » (Maciunas). L’art, en tant qu’expérience, n’a donc de légitimité que dans la dynamique vivante de l’existence, dans le flux ou processus même du monde et de la vie, en ce qu’il relève d’une jouissance de l’expérience en tant qu’expérience (Dewey). |