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Décès de Jacques Leduc
News

9 September 2016

Jacques Leduc
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Jacques Leduc (1er mars 1932 - 31 août 2016)

Bien que, depuis un peu plus de deux ans, les ennuis de santé l’avaient éloigné souvent de la vie publique, la disparition du chevalier (Jacques) Leduc laisse un grand vide dans la vie artistique belge. En témoignent, les quatre générations de musiciens et d’artistes qui, à l’unisson, chantent les qualités de l’homme et de l’artiste. C’est, quelques semaines après celui de Philippe Roberts-Jones, le décès d’un autre homme-orchestre, dont la haute silhouette a souvent, elle aussi, parcouru les couloirs de l’Académie royale – il avait présidé la Classe des Beaux-Arts au début des années 90.

L’homme était cordial, d’une élégance de forme et de fond jamais prise en défaut. Discret, il a, des décennies durant, été auprès de son épouse gravement malade un soutien dont l’exemple reste gravé dans le cœur : Cécile Leduc, pianiste, avait dû abandonner toute activité et bientôt la vie si remplie de son mari s’organisa, en toute discrétion, sur l’agenda quotidien de sa femme adorée. Ses enfants aussi lui étaient très chers ; dans les épreuves que la famille connut, un capitaine courageux, exemplaire, droit, tendrement rigoureux, était toujours là. Jacques Leduc, qui perdit sa fille aînée, laisse un fils et une fille ainsi que de nombreux petits-enfants.

L’artiste souffrit quelque peu des contraintes vécues par l’homme. Compositeur d’abord « régulier », presque prolifique, Jacques Leduc ralentit son activité créatrice dès la fin des années 70, et s’il l’avait reprise quelque peu depuis le décès de son épouse, son catalogue ne s’enrichit plus beaucoup. Compositeur, il le fut, et sa manière, bien reconnaissable, nourrie de Stravinsky, de Bartók, de Ravel, de Roussel, mais aussi de l’enseignement de son maître Jean Absil, lui valut une pluie d’honneurs, du Prix de Rome au Prix Reine Elisabeth, attribué au Concerto op. 31 pour piano qui fut imposé au Concours Reine Elisabeth en 1972. Un des lauréats de cette année, Cyprien Katsaris, me dit un jour (ce devait être vers 2000) qu’il voulait absolument en retrouver l’enregistrement, en acquérir les droits de diffusion et le publier. Il le fit en 2014 ; plus de trente ans après l’arrivée du disque compact, c’était la première sortie en CD de l’œuvre.

Mais depuis longtemps, ni la famille ni la composition n’expliquaient à elles seules pourquoi Jacques Leduc était attentif à ses horaires, de ce petit geste machinal, un peu nerveux, dont il scrutait son bracelet-montre. Depuis les débuts de sa trajectoire professionnelle jusqu’à ses dernières années, il a en effet déployé une activité incessante, toujours au service des artistes-musiciens, « du berceau à la tombe » : il fut aussi attentionné à l’enseignement musical des petits qu’à la promotion des compositeurs belges en passant par le sort de ses étudiants. La place manque ici pour décrire en détail son immense champ d’activité – on frémit en pensant à ce que devait être son agenda dans la fleur de l’âge.

Après avoir collaboré aux Jeunesses Musicales et entamé sa longue carrière au Conservatoire royal de Bruxelles, qui l’avait formé, l’Académie d’Uccle fut, pendant vingt ans, sa grande affaire : il en fit une institution de pointe, alimentant le conservatoire de Bruxelles en musiciens et acteurs comme nulle autre. Jacques Leduc y retrouvait d’ailleurs les futurs professionnels dans son rôle de professeur d’harmonie d’abord, de contrepoint ensuite, et enfin de fugue. Il devait enseigner à la rue de la Régence pendant quarante ans ; le sort – appelons-le ainsi – n’a pas voulu qu’il en devint directeur, et ce fut largement et très justement regretté.

Mais Jacques Leduc, entre-temps, s’était retrouvé à la tête de la Chapelle Musicale Reine Elisabeth (1976) ; à mille lieux de ce qu’elle est devenue, l’institution de Waterloo formait alors sous sa direction, en cycles approfondis de trois ans, à l’abri des médias, nombre de musiciens de valeur, de Johan Schmidt à Máté Szücs en passant par Marie Hallynck ou Eliane Reyes. Le grand tournant qui fut pris par l’institution en 2004 l’emporta ; il en conçut une certaine amertume. Son agenda se trouvait cependant toujours rempli : président de la SABAM pendant quinze ans (1992-2007) comme son maître Jean Absil avant lui, il assista au virage de la société d’auteurs dans laquelle la musique « sérieuse » tenait de moins en moins de place et défendit jusqu’au bout, notamment à l’Union des Compositeurs Belges et au CEBEDEM le répertoire belge. Au Rotary Club de Bruxelles, il était une figure aimée et respectée, incarnant parfaitement la notion de « service » ; au Cercle royal Gaulois, Artistique et Littéraire de Bruxelles, qu’il a présidé de nombreuses années, il apportait une distinction et une courtoisie exemplaires, agrémentées d’un sourire et d’un regard lumineux. Il nous y manquera. Et les Académiciens voisins, rue Ducale, savaient combien il était régulier, attentif, actif, en sa qualité de membre ou de Président de classe. Homme de son temps, Jacques Leduc a appuyé le développement de Koregos et il en était membre d’honneur.

À tous ceux qui avaient été sous son giron, qu’ils fussent de gauche ou de droite, catholiques ou athées, jeunes ou vieux, Jacques Leduc témoignait d’une fidélité exemplaire. J’en sais quelque chose, et me console, en ce jour de deuil, que les occasions de lui retourner cette fidélité ne m’aient pas manqué ; du reste, le compositeur-pédagogue-organisateur nous a été enlevé alors qu’il était entouré de gratitude cent fois méritée. Quand, pour la première fois, grâce à l’action de son ami Pierre Bartholomée, une production discographique de certaines de ses principales œuvres symphoniques put être mise sur pied il y a vingt ans de cela, je pus voir, comme producteur, la modestie absolument sincère avec laquelle il était reconnaissant aux musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Liège. Le disque, édité avec soin, fut une de ses grandes fiertés. Un tout jeune confrère, devenu célèbre depuis, Guillaume Connesson, découvrait alors dans Diapason « un compositeur belge important par la perfection de son métier et la distinction de son esthétique ». On ne peut mieux dire. D’autres enregistrements ont suivi ; nous pouvons aujourd’hui encore réécouter sa musique en nous remémorant la belle personne qui nous a quittés. La première ne nous rendra pas la voix et le rire clair de la seconde.

Michel Stockhem, 2 septembre 2016.

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