Introduction
« Le règne du feu roi a été si long que la fin en avoit fait oublier le commencement (1) ». Par ce passage des Lettres persanes, Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu, constate que la jeunesse du roi Louis XIV est occultée dans la pensée collective de l’époque au profit de la politique étrangère et économique de son règne personnel (1661-1715). Trois-cents ans plus tard, les premières années de la vie du souverain sont mieux connues (2). Montesquieu a néanmoins toujours raison sur un point : les incarnations de l’enfance du monarque continuent d’être effacées au profit de l’image d’un roi âgé (3) dans le champ d’étude de l’iconographie royale.
Né en représentation (4), le souci de l’image du futur Louis XIV commença pourtant dès le cinq septembre 1638, jour de sa naissance. Nombreux furent en effet les artistes et artisans ayant représenté le jeune roi dans ses sept premières années, période alors associée à l’enfance (5). Bien que rares à pouvoir travailler ad vivum (6), ceux-ci ont participé à la diffusion de l’imagerie royale à travers leurs peintures, gravures, sculptures, dessins, tapisseries, jetons, médailles, pièces de monnaie et émaux. Parmi les cent-soixante-treize représentations connues (7) de l’enfant-roi, la plupart ont été exécutées en 1638, en 1643 et en 1644. Ces dates correspondent aux événements majeurs de la période étudiée : la naissance du Dauphin en septembre 1638 et son nouveau statut de roi en mai 1643. Pourtant, parallèlement à la représentation de ces événements historiques, ces images ont servi un autre dessin, celui de la légitimation politique et religieuse des commanditaires.
Cet article s’attachera à analyser la dialectique entre arts et pouvoirs caractéristique du Grand Siècle qui sous-tend ce corpus iconographique. S’étendant sur sept ans (septembre 1638-1645), celui-ci est constitué des représentations du roi enfant principalement disséminées entre le Centre de documentation du château de Versailles, les musées nationaux, les collections privées ainsi que les nombreux fonds, sous-fonds et séries de la Bibliothèque nationale de France.
Dans un premier temps sera abordée l’iconographie encadrant la naissance du Dauphin. L’enjeu était alors de faire savoir par l’image que cet événement, conséquence d’une manifestation divine, assurait la succession au trône et rappelait le caractère sacré de la monarchie française. La seconde partie de cet article sera premièrement dédiée à l’étude de l’image du jeune Louis comme appui politique de la régence d’Anne d’Autriche. La compagnie de l’enfant relevant du privilège, les commandes émanant des hauts dignitaires politiques et religieux de l’époque, ainsi que des nourrices et gouvernantes du jeune roi, seront finalement abordées.
La naissance du Dauphin, fils de la Providence
Mariés en août 1615, Louis XIII et Anne d’Autriche ont attendu vingt-deux ans la naissance de leur premier enfant (8), promis au trône à brève échéance (9). Cet événement a donné lieu à de nombreuses représentations (10) recueillant des significations et interprétations dépassant les enjeux classiques attachés à la succession dynastique (11) – perpétuation du lignage, transmission du patrimoine matériel et continuité de l’État (12) – en étant assimilé à un miracle (13). Cette naissance est interprétée par l’iconographie du Grand Siècle comme une manifestation divine (14) consacrant le royaume de France (15), conséquence directe du vœu de Louis XIII et de la piété des souverains.
La naissance du Dauphin, conséquence miraculeuse du vœu de Louis XIII et de la piété des souverains
Sa naissance est intimement liée, dans les faits tout d’abord puis par les images (16), au vœu de Louis le Juste. Ce vœu, promulgué par le souverain le dix décembre 1637 dans l’urgence politique et militaire de la guerre franco-espagnole (17), désigne la consécration du royaume de France, de sa personne et de ses sujets (18) à la Vierge. Celui-ci fut exprimé sous la forme d’une déclaration (19) enregistrée (20) le dix février 1638 :
« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut [...] déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre état, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite [...]. Et, afin que la postérité ne puisse manquer à suivre nos volontés en ce sujet, pour monument et marque immortelle de la consécration présente que nous faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de l’église cathédrale de Paris, avec une image de la Vierge qui tienne entre ses bras celle de son précieux fils descendu de la croix ; nous serons représenté aux pieds et du Fils et de la Mère comme leur offrant notre couronne et notre sceptre (21). »
Cette déclaration fixe une iconographie du pouvoir (22) émanant du pouvoir monarchique lui-même. Reprise par Philippe de Champaigne dans Le Vœu de Louis XIII , le thème iconographique fut ensuite adapté à la naissance du Dauphin. Désormais, celui-ci est également représenté aux côtés de sa mère et de Louis XIII remettant son sceptre et sa couronne à la Vierge de Pitié tenant son Fils mort dans ses bras. Cette iconographie instrumentée par la royauté sera cependant très vite détournée, en ce compris pour des commandes émanant de Louis XIII ou de son entourage (23). Parmi celles-ci, une estampe d’Abraham Bosse réinterprète le vœu de Louis XIII en remplaçant la Vierge de Pitié par une Vierge seule, apparaissant dans une nuée (24). Anne d’Autriche est par ailleurs intégrée à la scène comme pendant de Louis XIII en adoptant la même position d’offrande que son mari, à la différence que le jeune Dauphin emmailloté est substitué aux insignes royaux. Cette estampe intitulée Les vœux du roi et de la reine à la Vierge a la particularité de combiner les deux vœux du couple, le vœu de Louis XIII et celui d’avoir un héritier, en une seule et même image (25). Identifiant la naissance du Dauphin comme une réponse à la consécration du royaume, cette estampe rappelle également que la monarchie française est placée sous la protection de Dieu par les mots que la Vierge prononce : « Parmi toutes les fleurs / je choisis les lys » (« Prior omnibus floribus / elegi mihi lilium »).
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Une estampe de Grégoire Huret (26). Dans le riche décor d’un transept d’église, Louis XIII offre ses insignes monarchiques à la Vierge à l’Enfant tandis que la reine présente le Dauphin dans une démarche similaire. L’inscription du cartouche est intéressante car les deux vœux y sont mentionnés (27) : « Louis XIII roi de France et de Navarre, Anne reine, princesse des chrétiens / Mère de Dieu / Au règne heureux et héritiers du pouvoir suprême / Les premiers vœux sans engagements, les seconds vœux reconnus, de multiples vœux » (« Ludovicus XIII Rex Franc. Et Navar. Anna regina Christianiss. Principp. / Deiparæ. / Sese Suaq. Regna, et feliciss. Imperii. Hæredem / Votis primis Solutis, Votis Secundis Susceptis, Votis Multis »).
En plus d’associer les deux vœux du couple, le détournement de l’iconographie du vœu de Louis XIII avait un autre objectif, celui d’effectuer un parallèle entre la naissance de l’Enfant Jésus et celle du Dauphin, sans pour autant opérer une confusion entre Dieu et le futur roi (28). Ce rapprochement apparaît par exemple dans une grisaille de Juste d’Egmont . Celui-ci a intégré les trois membres de la famille royale à une représentation de la Nativité en les assimilant aux rois mages. Anne d’Autriche apporte un coffret de myrrhe, Louis XIII de l’or représenté par ses insignes royaux, et le Dauphin, aidé par une dame d’honneur, un encensoir. Le Messie et le Dauphin se répondent à chaque extrémité de la composition, renforçant le parallèle. Si cet aspect paraît effectivement avoir été mis en avant ici, l’estampe diffusée à partir de cette œuvre insiste quant à elle davantage sur la consécration du royaume. Ce sont en effet les insignes du royaume apportés par Louis le Juste qui sont frappés par la lumière divine émanant de l’étoile de Bethléem. Le rapprochement effectué entre les deux naissances (29) – le titre de cette estampe étant d’ailleurs Louis XIII, Anne d’Autriche et le Dauphin offrant le royaume de France à la Vierge de la Nativité – se combine donc ici au vœu de Louis le Juste (30).
Le thème du vœu de Louis XIII a donc été interprété de plusieurs manières afin d’affirmer le caractère miraculeux de la naissance. Cette interprétation ne concerne cependant pas uniquement les commandes officielles. En province, et plus particulièrement en Bretagne, ce thème a connu un grand succès dans les milieux dominicains entre 1630 et 1675 en étant associé à la dévotion au Rosaire (31). La naissance du Dauphin était en effet présentée comme le fruit de nombreuses manifestations de piété du couple royal (32) et du peuple français (33).
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Cette association typiquement bretonne a donc pour origine la thèse alors répandue par les Dominicains du rôle du Rosaire dans la naissance du Dauphin (34). Cette croyance dominicaine semble avoir été prise très au sérieux par la reine, elle-même consœur (35), car elle fit affilier son fils deux mois après sa naissance à une Confrérie du Rosaire, celle des Jacobins réformés de la rue Saint-Honoré (36).
Le premier exemple de cette association, une huile sur toile conservée dans l’église Saint-André à Saint-André-les-Alpes , représente le roi Louis XIII offrant ses insignes royaux à la Vierge à l’Enfant en échange de sa protection à côté du Dauphin, en prière, et d’Anne d’Autriche. Derrière la famille royale, saint Dominique, tenant d’une main des fleurs de lys et une Bible, reçoit le rosaire de la Vierge. Son pendant féminin, sainte Catherine de Sienne, le reçoit quant à elle de l’Enfant Jésus.
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Le second exemple est une huile sur toile conservée dans l’église Saint-Nonna de Penmarc’h (37).
. Dans le registre inférieur, ce n’est plus ici Louis le Juste, pourtant présent, qui offre sa couronne et son sceptre à la Vierge à l’Enfant mais le jeune Louis XIV. Suivi de sa mère, il fait face à un groupe d’ecclésiastiques mené par le pape Pie V, fervent défenseur de la dévotion au Rosaire. C’est la seule image qui représente le Dauphin offrant ses insignes alors que son père le roi est également présent. A en croire les traits physiques du jeune Louis, ceci est probablement dû au fait que son père le roi était alors déjà décédé. Dans le registre supérieur est ici aussi figurée une scène de donation du Rosaire. Entourés d’anges dans une nuée, le saint fondateur de l’ordre dominicain reçoit ici le rosaire de l’Enfant, et sainte Catherine de Sienne de la Vierge1 image | Diaporama |
Certaines représentations affirment néanmoins cette intercession divine sans avoir recours de manière explicite au thème du vœu de Louis XIII ou toute autre dévotion. L’estampe
de Jérôme David d’après Charles Le Brun illustre l’oblation faite à Dieu par la reine de la personne de Monseigneur le Dauphin. Au premier-plan, Anne d’Autriche présente à l’évêque le Dauphin dans un lange fleurdelisé recouvert d’un manteau d’hermine. Le prélat le bénit devant l’autel au-dessus duquel apparaissent dans une nuée la Vierge et l’Enfant. Ce dernier redouble le geste de bénédiction de l’évêque, rappelant ainsi que le précieux enfant est protégé par Dieu grâce à l’intercession de la Vierge.1 image | Diaporama |
La naissance du Dauphin, sacralisation de la monarchie française
La naissance du Dauphin étant considérée comme une consécration de la monarchie française, cet événement légitime religieusement le règne du futur Louis XIV et de ses parents et annonce la monarchie absolue de droit divin. Cette reconnaissance de la monarchie dépasse néanmoins l’iconographie religieuse en illustrant également l’importance de la naissance du jeune Louis, fruit de l’union de deux puissances dynastiques, à savoir les Bourbon et les Habsbourg (38), pour le royaume français. Ces différentes représentations se caractérisent par la redondance et la densité de leurs symboles : dauphins, armes, guirlandes de fruits, putti, cornes d’abondance, etc. La longue attente de la naissance du Dauphin justifie cette image.
Dans la plupart de ces représentations, c’est la France elle-même, personnifiée sous les traits d’une femme couronnée et vêtue d’un manteau royal fleurdelisé et d’une pèlerine en hermine, qui tient le nouveau-né sur ses genoux. Assise au centre de la composition sur un trône ou sur un nuage, elle porte le cordon de l’ordre du Saint-Esprit autour du cou. Le jeune Louis est habillé de la même manière, si ce n’est qu’il porte un lange en-dessous de son manteau. Le futur roi est ainsi directement associé à la France. Cette association est renforcée par la complicité qui existe entre les deux protagonistes : ils se regardent mutuellement et se touchent la main. Le jeune Louis est ainsi représenté comme l’enfant de la France. Ce n’est cependant pas toujours la France qui porte le Dauphin : l’estampe gravée par Pierre Daret d’après Charles Le Brun ou Simon Vouet représente la France qui reçoit l’enfant, nu, des bras de sa mère. Celle-ci est assise à droite de la composition sur des nuées au-dessus de château de Saint-Germain-en-Laye, entourée de la Sagesse, de la Force et des Grâces.
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Cette personnification de la France est importante car elle démontre que la naissance du Dauphin concerne toute la France et non seulement le couple royal. C’est d’ailleurs ce que confirme la Gazette du cinq septembre 1638 par les mots suivants : « François, l’enfant vous eft né, le fils vous eft donné (39) ». Les artistes de l’époque ont néanmoins eu recours à d’autres figures allégoriques pour représenter cet événement comme sujet d’intérêt pour tout le royaume. A titre d’exemple, la Force, la Sagesse, la Paix et l’Abondance se tiennent également dans La France recevant des mains d’Anne d’Autriche Louis XIV nouveau-né .
A côté de ces personnifications, ce sont d’autres figures de la monarchie française qui vont légitimer le règne de Louis XIII et du futur Louis XIV en accompagnant la célébration de la naissance du Dauphin. L’estampe Les lys refleurissant en la naissance de Monseigneur le Dauphin la gloire de la France illustre cette combinaison de figures allégoriques. Louis XIII et Anne d’Autriche sont tous les deux assis, au centre de la composition, sur un trône. La reine tient le Dauphin sur ses genoux alors que son père le couronne. A gauche du couple, la France, la Navarre et le Dauphiné viennent offrir leur cœur au nouveau-né. A droite, l’Abondance, la Gloire et la Majesté lui présentent leurs attributs. A ces figures s’ajoute un unicum : dans les nuées, entre le couple royal et le dais surplombant leurs trônes, onze dauphins de la monarchie française sont représentés (40).
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L’enfant roi, faire-valoir et appui politique
De par son jeune âge, Louis XIV n’était pas le commanditaire de ses représentations lors de ses sept premières années (41). La majorité de celles-ci étaient commandées par la famille royale et les hauts dignitaires de l’État et de l’Église, à commencer par Anne d’Autriche (42), dans un désir de légitimation de leur pouvoir.
L’enfant roi, légitimation de la régence d’Anne d’Autriche
Anne d’Autriche, comme Catherine de Médicis ou Marie de Médicis avant elle, avait un intérêt particulier à s’approprier et à utiliser l’image du roi enfant – et non celle de son défunt mari – pour préserver son pouvoir et légitimer la régence (43). La minorité du roi était en effet une configuration politique dangereuse synonyme d’instabilité propice aux forces opposées à la dynastie, et en particulier aux princes de sang (44). Afin de se donner les moyens de préserver ses intérêts ainsi que ceux de son fils mineur et de l’État (45), Anne d’Autriche se devait donc d’informer la Cour et le peuple par l’image (46).
Légitimer le statut de la régente fut d’autant plus compliqué que la régence n’avait pas été réglée institutionnellement mais par usurpation (47). Dans son testament, Louis XIII avait en effet nommé Anne d’Autriche régente du royaume mais il avait également prévu un Conseil de régence inamovible dans lequel la reine n’avait qu’une voix parmi d’autres, limitant ainsi son pouvoir (48). La reine avait alors négocié avec le Parlement et avait convenu d’une cassation de testament qui devait lui assurer la régence exclusive (49). Cette décision fut validée par Louis XIV le dix-huit mai 1643 pendant son premier lit de justice (50), soit quatre jours après la mort de Louis le Juste.
Réinterprétation des thèmes iconographiques de translatio imperii et de dévotion
Dans les représentations, la régence paraît pourtant avoir été réglée institutionnellement et non pas usurpée (51). C’est d’ailleurs ce que montrent les différentes images de translatio imperii entre le père et le fils, et à travers lui, la mère (52). Le plus bel exemple de ce thème est une tapisserie de la manufacture de la Savonnerie réalisée d’après un carton de Vouet. Louis XIII, alors déjà décédé, est représenté assis à gauche sur un monceau d’armes sous les traits de Hercule transmettant le pouvoir suprême, symbolisé par un globe terrestre, au jeune Louis XIV. Assise derrière celui-ci, Anne d’Autriche tient son second fils sur les genoux. Figurée en Pallas Athéna, elle est à la fois déesse de la paix, mère, régente, conseillère et gouvernante. Elle désigne de son index droit le Liber regum (53) tenu ouvert par la renommée, symbole de la pérennité de la monarchie française. Cette représentation, en plus d’affirmer la continuité de la dynastie royale, est conçue dans l’intérêt de la reine qui ne cherche pas ici à convaincre par le discours mais par l’image en se plaçant derrière son fils (54).
La façon dont la régente est parvenue à réinterpréter en sa faveur le vœu de Louis XIII dès la mort de son époux (55) doit également être mentionnée. Ce thème iconographique, qui avait déjà donné lieu à des réappropriations par l’image (56) pour célébrer la naissance du Dauphin, servit à Anne d’Autriche pour rappeler le caractère sacré de l’autorité royale après la mort de Louis le Juste (57) et la continuité dynastique. Dans une estampe de Claude Mellan , Anne d’Autriche prend la place du défunt roi et va à son tour remettre la régence du royaume de France dans les mains de la Vierge. L’œuvre porte l’inscription suivante : « Le dépost de la régence du royaume de France / faict par la reine mère régente entre / les mains de la reine de la paix, mère de Dieu ». Anne d’Autriche y est représentée avec ses deux fils agenouillés face à la Vierge et à l’Enfant. Le jeune Louis leur remet ses insignes, comme son père le fit dès 1638.
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L’intense dévotion mariale de la reine était déjà avérée du vivant de son époux (58). Elle a en effet cherché à maintes reprises l’intercession de la Vierge pour avoir un enfant en effectuant de nombreux pèlerinages et en fondant entre autres le Val-de-Grâce, placé sous le vocable de la Vierge (59). Une médaille frappée par Jean Varin en 1645, année de la pose de la première pierre, commémore d’ailleurs cette fondation . Sur le revers de la médaille, la maquette de l’église est représentée. Sur l’avers est gravé le portrait en relief de la régente avec le roi enfant. Anne d’Autriche enlace son fils qui pose sa main gauche sur le bras de sa mère et saisit de l’autre les rubans de sa robe. Le message politique est bien présent dans cette image d’intimité mère-fils : l’objectif est en effet d’illustrer la mission de la régente qui est de protéger et de garder le jeune Louis (60). Cette médaille n’est pas la seule à combiner la dévotion mariale d’Anne d’Autriche à l’iconographie de Louis XIV : c’est aussi le cas d’une autre médaille où le roi enfant est représenté couronné par la Vierge (61) et d’une estampe de Huret (62) qui, à en croire le cartouche (63), illustre le fait que la régente conduisit en 1643 son fils devant l’image miraculeuse de Notre-Dame à la cathédrale de Paris pour qu’il la supplie de recevoir sa majesté et sa protection (64).
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Anne d’Autriche, très pieuse, a d’ailleurs mis un point d’honneur à inculquer à son fils le respect de l’amour et de la religion. C’est pourquoi Anne d’Autriche figure la plupart du temps sur les représentations de piété enfantine du jeune Louis XIV. Parmi ces œuvres aux thèmes variés – dévotion à la Trinité avec saint Benoît et sainte Scholastique (65), dévotion à la Sainte Hostie de Dijon (66) ou encore dévotion à la Vierge (67) –, l’estampe de Michel Lasne, Le flambeau du juste , est particulièrement intéressante car en plus de renseigner sur l’importance de la religion dans l’iconographie du jeune Louis XIV, elle illustre bien la politique d’image de sa mère. Destinée à illustrer la seconde partie du Flambeau du Juste pour la conduite des esprits sublimes de Sébastien de Senlis (68), cette estampe représentant la reine accompagnant son fils porter un cierge s’inscrit dans la continuité de l’estampe illustrant la première partie de l’ouvrage. Gravée par Huret , celle-ci illustre Louis XIII aidant son fils aîné à allumer un cierge aux côtés du cardinal Armand Jean du Plessis de Richelieu (69). Dans l’estampe de Lasne, Anne d’Autriche s’octroie donc la fonction et l’image de son défunt mari.
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Développement d’une imagerie d’intimité familiale occultant la personne de Louis XIII
Anne d’Autriche va également développer une image basée sur le lien intime existant entre elle et son fils. Cette représentation de l’intense relation entre la mère et ses enfants est quelque chose de nouveau dans l’iconographie royale (70) qui bénéficie de l’importance croissante accordée à la famille et à l’enfant dans la France du Grand Siècle (71). Thierry Sarmant affirme cependant que cette imagerie est fort trompeuse (72) car bien que la reine eût l’habitude de voir ses enfants tous les jours selon des témoignages contemporains (73), le couple royal ne pouvait être aussi proche de ses enfants à cause de ses obligations publiques (74).
L’utilisation et la diffusion de cette image était censée rappeler à la mémoire collective l’exemple chrétien de la Vierge et l’Enfant (75) en associant Louis XIV à l’Enfant et Anne d’Autriche à la Vierge (76), association déjà utilisée dans les représentations de la naissance du Dauphin. Différents portraits peints et estampes témoignent de cette intimité, et ce déjà avant la mort du roi. Une huile sur toile des frères Charles et Henri Beaubrun représente Anne d’Autriche, assise à droite de la composition, tendant sa main dextre au Dauphin qui se tient debout sur une table à gauche. Une certaine tendresse est perceptible dans la manière dont le jeune Louis, vêtu d’une robe bleue lamée d’argent protégée par un tablier, saisit de ses deux mains celle de sa mère. Une autre huile sur toile, conservée au domaine national de Chambord , présente une variante de la composition précédente. Le petit roi, vêtu de son manteau royal, est debout sur une chaise à gauche de la composition et tend sa main dextre à sa mère qui est cette fois debout, à droite. Contrairement à l’œuvre précédente, le peintre n’a pas insisté sur la complicité des regards. Dirigés vers le spectateur, ils ne se croisent en effet plus. La fierté d’Anne d’Autriche s’additionne ici au côté intime de la représentation.
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Mise à part l’huile sur panneau de Le Brun, Le Dauphin, futur Louis XIV, devant le berceau du duc d’Anjou
représentant le couple royal et le Dauphin autour du berceau de Philippe d’Anjou, aucune scène d’intimité familiale incluant la personne de Louis XIII ne nous est parvenue. La mise en retrait de Louis le Juste dans l’imagerie royale se confirme à sa mort en mai 1643. Dans un souci de légitimité politique orchestré par Anne d’Autriche, les représentations associant Louis le Juste au jeune roi se font en effet plus rares. Seules quatre représentations témoignent de sa présence : la représentation allégorique familiale de la manufacture de la Savonnerie , l’huile sur toile de l’église de Penmarc’h citées ci-dessus et deux thèses, la première illustrant la thèse de philosophie d’Armand de Bourbon, prince de Conti , et la seconde celle de théologie des frères Modeste de Saint François et Joseph de Saint Jean .5 images | Diaporama |
Ces deux dernières ont la particularité de montrer Louis le Juste comme modèle au jeune souverain, thématique que l’on ne retrouverait pas dans une commande effectuée par Anne d’Autriche. Dans l’estampe de Huret (77). Dans l’autre thèse , le modèle de Louis le Juste est dissimulé parmi d’autres. Le roi enfant, représenté en haut de la composition assis sur un piédestal aux côtés du dieu Mars, se voit apporter les portraits de ses illustres ancêtres : Louis IX, Charles V, Henri III, François Ier, Henri IV et, finalement, Louis XIII (de gauche à droite) (78).
Contrairement à Louis le Juste, à qui la figure de son père avait été donnée comme modèle, ce sont d’autres illustres souverains de la monarchie française qui furent majoritairement donnés en exemple à Louis XIV à la mort de Louis XIII. Ce rôle reviendra principalement à deux rois : Louis IX – saint Louis – et Henri IV, fondateur de la dynastie des Bourbon (79). Ces deux monarques, figures politiques et pacificatrices (80), étaient alors de véritables références de par leurs vertus chevaleresques et leur héroïsme (81). Cependant, comme le démontrent bien Hendrik Ziegler et Christine Gouzi, c’est plus tard pendant le règne du Roi-Soleil que ces deux figures vont être inclues de manière régulière dans l’iconographie royale (82). Durant ses sept premières années, les comparaisons entre le jeune Louis et ses aïeuls apparaissent essentiellement dans la littérature (83).
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L’enfant roi, faire-valoir des hauts dignitaires
L’image du jeune Louis ne profitait pas seulement à la régente. Véritable faire-valoir des commanditaires les plus ambitieux et les plus fortunés, le jeune Louis XIV fut représenté par les hauts dignitaires de l’État et les prélats dans leurs commandes. Certains, à commencer par le cardinal Jules Raymond Mazarin, se firent même représenter en sa compagnie.
Grand mécène, celui-ci était conscient de l’usage politique des arts dont il pouvait bénéficier (84) et a joué un rôle important dans l’élaboration et la définition de l’iconographie royale entre 1642, année du décès de Richelieu, et 1661, année de sa propre mort (85). Quatre estampes représentant Mazarin auprès du roi enfant entre 1642 et 1645 sont actuellement connues. Parmi celles-ci, une estampe anonyme représente le jeune Louis seul avec Mazarin. Celui-ci le tient par la main devant un temple monoptère abritant une vasque en son centre. Sur la frise de l’entablement est gravée l’inscription suivante : « Un tel gage en sa main le rend inviolable ». Celle-ci est ambiguë car elle peut faire référence au fait que Mazarin tient la main du jeune Louis, consacrant ainsi son pouvoir, mais aussi à la future charge de l’enfant car celui-ci porte un sceptre dans son autre main. Dans les trois autres représentations, le cardinal italien se retrouve aux côtés de Louis XIV dans des scènes qualifiées d’historiques : le baptême de Louis-Dieudonné (86) et l’annonce des victoires de Rocroi et de Thionville par Louis de Bourbon, duc d’Enghien (87). Par comparaison, aucune représentation intime du cardinal-duc de Richelieu avec le Dauphin n’est connue à ce jour (88).
Les cardinaux Mazarin et Richelieu font néanmoins figure d’exception : peu de personnes extérieures à la famille royale se faisaient représenter aux côtés de l’enfant royal. Princes, ducs, cardinaux, abbés et prêtres préféraient commander des représentations du jeune roi destinées à orner les murs des églises – comme les huiles sur toile représentant des donations du Rosaire (89) ou Louis XIV sous les traits de saint Michel Archange (90) – ou le frontispice de leurs thèses de philosophie, théologie, droit et médecine. L’enfant royal fut en effet représenté dans de nombreuses estampes accompagnant des positions de thèses, qu’il en soit le dédicataire ou non (91). Entre 1643 et 1645, six thèses ont été dédiées au jeune Louis (92). Il est néanmoins également représenté dès sa naissance sur six frontispices dont saint Louis (93), Louis XIII (94) et Anne d’Autriche (95) étaient les dédicataires (96).
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Il convient ici de mentionner sa présence sur une thèse dédiée à saint Louis (97).
. Celle-ci est attribuée à Guillaume de Gheyn et devait illustrer la thèse de philosophie de Louis Tronson. Auréolé, le saint roi apparaît en costume de sacre assis dans les nuages. En bas de la composition, l’étudiant en philosophie en habit de clerc présente sa thèse derrière un autel aux armes de Tronson dans lequel brûle un feu. A sa gauche sont représentées la Foi, la Justice, la Prudence et la reine qui tient dans ses bras le jeune Louis vêtu d’un manteau fleurdelisé recouvrant ses langes, d’une pèlerine et du cordon de l’ordre du Saint-Esprit. L’enfant se tourne en adoration, malgré son jeune âge, vers le saint. A droite de l’étudiant est représenté Louis XIII en armure et à cheval, contemplant lui aussi son ancêtre1 image | Diaporama |
Le futur roi de France apparaît également dans quatre autres illustrations de thèses dédiées à son père. Si sur ces thèses le jeune Louis apparaît comme incarnation de l’État, couronné et muni des insignes royaux, ce n’est pas le cas de l’estampe (98).
de Lasne probablement destinée à la thèse de Maximilien-Léonor de Béthune qui montre le roi dans un simple costume civil, sans attributs du pouvoir. Vêtu d’une robe et coiffé d’une plume, est représenté en buste dans une couronne de laurier cantonnée de trophées, de dauphins et d’armes. Celle-ci est surmontée d’une guirlande de fleurs de chêne et d’un cartouche associant les armes du Dauphin au cordon de l’ordre du Saint-Esprit. Le tout est entre deux colonnes supportant une architrave devant laquelle se trouvent une sphère armillaire et un globe terrestre. Dans les entrecolonnements, des devises montrent les continents – Asie, Europe, Amérique et Afrique – rendant hommage au futur roi. Il s‘agit d’une allégorie du rayonnement du roi à travers le monde1 image | Diaporama |
Ce n’est qu’après la mort de Louis le Juste que des thèses furent dédiées au jeune Louis XIV. Le prince Armand de Bourbon-Conti a ouvert la voie en lui présentant son premier exercice de philosophie en 1643 suivi d’un second en 1644 (99). Deux dernières thèses furent encore dédiées au roi en 1644 et 1645. Ces thèses de philosophie furent toutes deux soutenues par l’abbé Henri II Savoie-Nemours (100). Si le frontispice de la première ne fut pas retrouvé (101), il est probable (102) que Michel Lasne ait illustré le frontispice de la seconde : le jeune roi y apparaît en costume civil, en buste dans un médaillon .
. Le prince fut suivi de près dans sa démarche par les frères Modeste de Saint François et Joseph de Saint Jean du couvent des Carmes de Paris qui demandèrent à Huret de dessiner et graver un frontispice mettant en scène Louis XIV . Dans la partie haute de la composition, des angelots tiennent une guirlande à laquelle est suspendu un médaillon représentant Louis XIII. Vêtu de son manteau fleurdelisé et muni de ses insignes royaux, le roi enfant est assis sur un trône à gauche de la composition. Secondé par le Zèle religieux et la Prudence, il reçoit les armoiries des princes alliés sous l’œil vigilant de la Victoire, de l’Éternité et de la Magnificence pendant que Mars, Hercule, Apollon, la Justice et l’Ange divin terrassent les ennemis de la France dans la partie droite de la composition. La partie inférieure du frontispice est quant à elle dédiée aux positions de thèse, présentées par Neptune3 images | Diaporama |
L’enfant-roi, privilège des très fières nourrices et gouvernantes
Anne d’Autriche et le cardinal Mazarin limitant l’accès à la personne du Dauphin (103), la proximité de l’enfant royal relevait du privilège (104). Seules la gouvernante et la nourrice du jeune Louis bénéficiaient d’une telle largesse. Considérant cet enfant comme un véritable faire-valoir, celles-ci ont désiré se faire représenter en sa compagnie. La première nourrice, Elisabeth Ancel, s’est fait portraiturer une fois avec le Dauphin et la seconde, Perette Ancelin (105), à deux reprises.
Conservé au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon (106) , le portrait d’Elisabeth Ancel par Charles et Henri Beaubrun est sans aucun doute le meilleur exemple de représentation de ce privilège. Cette huile sur toile montre le Dauphin joufflu solidement emmailloté dans les bras de sa nourrice. Vêtue d’une robe jaune à broderies d’argent, elle laisse fièrement dépasser un sein nu (107), faisant de cette œuvre l’unique représentation de roi allaité dans l’iconographie royale du xviie siècle (108). La nourrice exprime un air satisfait qui indique que c’est elle, le personnage principal du tableau : cette œuvre n’est pas un portrait officiel du futur roi mais bien celui de la nourrice la plus chanceuse de France (109).
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Une estampe de Lasne (110), il porte également son sceptre. Les deux protagonistes regardent le spectateur, comme dans l’œuvre précédente. Le regard de la nourrice est cependant moins satisfait que dans l’huile sur toile des Beaubrun , ce qui ne signifie pas pour autant que le Dauphin est le personnage principal de cette image. C’est ici la nourrice qui est au centre de la composition. Perette Ancelin, restée plus longtemps au service du jeune Louis, fut représentée une seconde fois en compagnie du futur roi, en amazone sur un cheval, dans une estampe conservée à la Bibliothèque nationale de France . Le jeune Louis, vêtu d’un manteau et d’une pèlerine en hermine, porte dans la main gauche un oiseau (111), un des animaux de compagnie les plus familiers dans l’iconographie de Louis XIV enfant. Sa nourrice, qui semble porter la même robe que dans l’estampe précédente, tient l’enfant d’un geste protecteur. Comme dans l’estampe de Lasne , la nourrice est au centre de la composition, place qu’elle doit néanmoins cette fois partager avec le Dauphin. Cependant, c’est la seule à regarder le spectateur, attirant ainsi le regard et l’attention sur sa propre personne.
, quant à elle, représente Perette Ancelin assise sur une chaise tenant de ses deux mains le roi enfant, vêtu d’une pèlerine en hermine et de son manteau fleurdelisé, et qui se tient désormais debout. Dans une variante de celle-ci3 images | Diaporama |
Comme mentionné ci-dessus, la gouvernante des deux enfants royaux (112), Françoise de Souvré, marquise de Lansac, eut elle aussi l’occasion de se faire représenter avec le jeune Louis. Dans une huile sur toile , elle désigne l’enfant qui entoure son frère d’un geste protecteur. Ceux-ci sont assis sur un trône surmonté d’un globe fleurdelisé et de l’emblème du soleil. Ce trône, tout comme le cordon de l’ordre du Saint-Esprit ou encore les fleurs de lys réfèrent clairement à la fonction du jeune roi. La date d’exécution est quant à elle sujet à discussion. La marquise de Lansac fut au service de la Cour de la naissance du Dauphin jusqu’au dix juin 1643, date où elle fut remplacée par Marie-Catherine de La Rochefoucauld, marquise de Sennecey. Cet élément chronologique porte donc à croire que cette œuvre a dû être peinte avant cette date (113). Pourtant, sur le cartouche porté par deux amours en haut à droite de la composition, une inscription précise la chose suivante : « Madame de Sowere / marqwise de Lansac a eu / l’honeure destre gowernante / de Louis XIIII et de Philippe / Dorléan son freire / huniqe (114) ». La mention de « Philippe Dorléan », titre que Philippe d’Anjou ne reçut qu’en 1660 à la mort de Gaston d’Orléans, indique que le tableau ne peut être antérieur à 1660. Il s’agirait donc en conséquence d’une représentation du roi enfant alors que celui-ci est adulte (115). La figure solaire décorant la partie supérieure du trône où siègent les enfants corroborent cette thèse, la symbolique solaire liée à Louis XIV n’étant apparue que sous la Fronde (116). Il est dès lors très probable que cette toile soit une commande de Charlotte de La Mothe-Houdancourt, petite-fille de la marquise et fière gouvernante des enfants et petits-enfants de Louis XIV, pour commémorer cette succession de hautes charges dans la famille (117). Ici encore, l’enfant roi servirait donc de faire-valoir (118).
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Conclusion
Le recours aux images étant un élément-clé du pouvoir monarchique du Grand Siècle, une imagerie royale que l’on peut qualifier de triple s’est mise en place. Celle-ci se compose de trois catégories principales : l’imagerie religieuse, l’imagerie laïque, héroïque et antiquisante (119), et le portrait de cour. En plus de confirmer le statut politique et religieux du jeune Louis XIV, l’imagerie royale organise la légitimation des commanditaires de ces œuvres.
Dès sa naissance, les représentations du Dauphin dépassent les enjeux traditionnellement attachés à la succession dynastique en illustrant l’événement comme un miracle, conséquence directe de la piété des souverains. Les adaptations iconographiques du vœu de Louis XIII et de la Nativité dans les commandes officielles et non-officielles rappellent cette intercession divine qui légitime religieusement le règne du futur Louis XIV et de ses parents tout en annonçant la monarchie absolue de droit divin. Dépassant l’imagerie religieuse, cet événement est également consacré politiquement par l’utilisation fréquente de figures allégoriques personnifiant la France et les Vertus ainsi que par la représentation de souverains de la dynastie.
C’est cependant sous la régence d’Anne d’Autriche que l’utilisation politique de l’image de l’enfant-roi connut son apogée. Dans un souci de légitimer son statut, la régente a réinterprété les thèmes traditionnels de translatio imperii et du vœu de Louis XIII pour asseoir son pouvoir. Parallèlement, celle-ci s’est fait représenter en compagnie de son fils dans des scènes intimes excluant la personne de Louis XIII. Autour d’elle, les hauts dignitaires du royaume se sont aussi approprié l’image du jeune roi, à commencer par Mazarin. Véritable faire-valoir, l’enfant leur a permis de légitimer leur rôle et d’asseoir leurs futures charges dans le cas des propositions de thèses. Finalement, les nourrices et gouvernantes du jeune Louis XIV ont également rappelé leur privilège de côtoyer l’enfant-roi au travers de différentes représentations, contemporaines ou non.
La question de l’utilisation de l’image du jeune Louis à des fins de légitimation politique et religieuse en appelle une autre. La représentation du corps politique et générique du roi dans le corps physique et individuel d’un jeune enfant est un sujet qui mérite d’être davantage étudié (120).