Au-delà des images troublantes – Des pratiques artistiques de Stephan Balleux
Stephan Balleux présente en ce moment au Musée d’Ixelles, La peinture et son double, une exposition qui rassemble un large éventail de ses œuvres, illustrant les 10 dernières années de son parcours artistique. Dans le choix des toiles se dessine une indéniable cohérence ainsi que le récit de la relation de l’artiste à la peinture – un rapport presque obsessionnel mais aussi trouble et troublant pour les spectateurs de ses toiles car il y met en scène des univers qui déstabilisent notre perception. La sélection des œuvres témoigne également de ses recherches au travers de divers médiums pour rendre compte d’une pratique de ce que l’on pourrait résumer sous le terme de ‘peinture étendue’. Car la peinture est l’épicentre de toute la démarche de Stephan Balleux ; questionnée, capturée, métamorphosée sous la forme d’un ‘blob’ qui hante la plupart de ses toiles depuis plusieurs années, elle est l’objet même du discours et des représentations – signe sans cesse réaffirmé et minutieusement déconstruit pour tenter d’en comprendre l’essence.
L’exposition présentée au Musée d’Ixelles reflète ainsi la cohérence rhizomique et étrange du travail de Balleux ; tout s’inscrit minutieusement dans le sillage des variations picturales (thématiques et stylistiques), engendrant un dialogue fascinant qui évolue dans le temps et au travers de ses différents projets. Depuis Paintingpainting (débuté en 2004) jusqu’à Sui Generis (2008) ou encore Spectrum (2010), chaque étape est l’occasion de provoquer de nouvelles questions, d’étendre le champ d’investigation. Au sein de l’espace investi aujourd’hui (celui du Musée), le dialogue entre les œuvres se tisse de façon inattendue, mettant en lumière de nouvelles structures, de nouveaux sens.
Au centre de l’exposition, mais cachée derrière un mur, The Portrait (2007) (1) A l’instar des processus décrits par la théoricienne, cette pratique n’est jamais simple ou directe chez Balleux ; les images sont retravaillées, réinvesties et parfois englouties par l’origine du monde – la peinture. La peinture est ainsi partout – dans l’hommage aux maîtres (dont Memling), mais aussi dans la reproduction en miroir et infinie d’élèves une apparence identitique qui, inlassablement, dessinent sagement en classe (A Lesson : Right Hand, 2012) . Elle est bien évidemment aussi dans cette forme indépendante, reconnaissable et insaisissable, le ‘blob’ (un magma pictural qui trouve ses origines dans un film de série B The Blob avec Steve Mc Queen en 1958) qui finit par s’inviter dans presque chaque toile, perturbant la perception, déstabilisant les codes et les représentations. Le ‘blob’ est ce qui marque la réappropriation de chaque image empruntée ; elle flotte au-dessus du lit d’une chambre d’hôtel, prend les contours d’un chien (Thank God, 2007) ( , ceux d’un monstre menaçant, défigure les visages (comme dans David, 2010) (Fig.4) s’empare même d’un corps sculpté (Sinking/Raising, 2007) (Fig.5), ou devient le décor d’une scène qui semble dès lors hors du temps et même du monde (Trouble, 2007 et The Forest #2, 2010) (Fig. 6 & Fig. 7). Mais le trouble s’expose au-delà de cette forme pour s’insinuer dans une série de variations ; dans d’autres chambres, ce n’est plus la forme qui menace, mais un tigre de Tasmanie (Hold everything dear #10).
donne le ton ; c’est l’idée du double, de l’alter-égo (le peintre peint), reprise au Dorian Gray d’Oscar Wilde (mais aussi à l’adapatation cinématographique d’Albert Lewin en 1945), d’une peinture impossible à représenter – celle qui sublimera non pas la réalité, mais la nature morale du personnage et sa décrépitude, sa longue et inéluctable chute. Cette image empruntée à d’autres discours artistiques (la littérature et le cinéma) ouvre la boîte jamais refermée de l’intertextualité qui permet, comme le souligne Angela Della Vache, « thematic contrasts, iconographic similarities, and historiographic commentaries ».A y regarder de plus près, au-delà de cette unité autour de la peinture, se cache en réalité un ensemble de pistes et de choix, de gestes posés par l’artiste qui explore tous les médiums pour en revenir, inlassablement, à son objet d’étude. Il n’est ainsi pas anodin de constater que l’œuvre la plus ancienne de cette exposition soit, non pas une peinture, mais bien une vidéo élaborée en 2004 – le Paintshape. Mettant en scène une palette modélisée, la caméra tourne lentement autour d’une forme flottante, étrange, mais cette fois en couleur – le ‘blob’ trouverait-il ses racines dans cette œuvre emblématique? Tout est une question de variables retravaillées - la forme (qui apparaît à plusieurs endroits de l’œuvre, sous des aspects légèrement différents), sa couleur (multicolore au départ, parfois même dans des teintes très soutenues, puis le passage au noir, gris, blanc par la suite) son support (de la vidéo, mais aussi de la sculpture avant de devenir pictural). Le Paintshape va bien évidemment de pair avec Make Shape #2 (2008) (Fig.8) – dans laquelle un adolescent tient la forme dans ses mains, renvoyant aux interrogations infinies que suscite la forme/la peinture aux yeux du jeune homme mais aussi de l’artiste.
Pourtant, si tout semble le fruit d’une ligne presque claire, certaines ruptures s’imposent dans ces éléments récurrents, créant des espaces d’air, de nouvelles perspectives dans un travail toujours en mouvement. Etrangement (et cruellement tant l’œuvre est marquante) absent de la sélection d’œuvres (mais présente dans le catalogue), Spectrum (2011-2012) (Fig. 9) en représentait une des clés. Au sein de l’exposition, c’est sans nul doute le double Panorama (2014) qui s’approprie ce rôle. Barrant la perspective qui permettrait aux visiteurs d’embrasser l’ensemble des œuvres accrochées aux murs du rez-de-chaussée, ce panorama (deux toiles monumentales installées en miroir au milieu de la pièce) frappe la perception. De par leur grandeur, qui englobe le corps et le regard ; de par leur envers révélé (on voit la toile, mais aussi son artificialité et ses limites, le cadre) ; par leur contenu dépourvu du ‘blob’ et composé de lieux vides, de fenêtres, d’escaliers, de portes qui disent le silence et l’absence. L’idée d’envahissement est toujours présente, mais à l’échelle du musée – c’est le panorama qui s’impose comme élément perturbateur à la fois de la vision et des sensations, renvoyant encore une fois à la peinture cette fois au travers du biais des panoramas du XIXème siècle, connus eux aussi pour susciter le dérèglement des sens en confrontant illusion et perception réelle. Dans cette double perspective ouverte (là où le panorama traditionnel offre souvent un cercle fermé), le spectateur est décalé car « le rapport spatial de ce dernier se modifie complètement : le cadre vole en éclats, le regard se promène à l’intérieur même de l’image, au cœur de l’action. Piégé par le changement de modes de perception, il se sent mal à l’aise parce qu’il a perdu le sens de la vision spectatorielle ordinaire ». (2)
Au-delà de cette évidence du sujet et de la question du support, le travail de Balleux se comprend, s’appréhende aussi (et peut-être plus encore) au travers de sa technique complexe mais rendue invisible ; l’étrangeté naît aussi de ces surfaces planes, d’où sont exclues les touches picturales et toute impression de matière. « On payerait cher pour savoir ce qui se passe dans la tête d’un artiste » expliquait Henri-George Clouzot au début de son chef d’œuvre, Le Mystère Picasso (1956) ; pour parvenir à aborder le mystère d’un des plus grands peintres du siècle, Clouzot conçut un dispositif technique en transparence qui lui permettait de filmer toutes les étapes de fabrication d’une toile. Mais Clouzot ne révèla finalement rien ; il suivit les mouvements pour recréer le fil de la pensée devant le spectateur mais sans pouvoir expliquer ce qui se passait réellement dans l’esprit de Picasso. Au-delà de la vision du processus dans son ensemble, et non plus dans sa finalité, déconstruisant toutes les étapes (et les sujets) qui devraient en principe rester invisibles, le film de Clouzot dépasse l’aspect fantasmatique de la pratique artistique. Il éclaire en réalité notre perception sur le temps de l’élaboration technique d’une œuvre, renvoyant à ce qu’en disait André Bazin ; « Ce que révèle Le Mystère Picasso, ce n’est pas ce qu’on savait déjà, la durée de la création, mais que cette durée peut être partie intégrante de l’œuvre même, une dimension supplémentaire bêtement ignorée au stade de la finition ». (3)
La question est donc posée : l’observation extérieure des œuvres exposées suffit-elle à rendre compte de l’univers complexe et extrêmement élaboré du travail de Stephan Balleux? La création elle-même et ses aspects techniques peuvent-ils être révélateurs de caractéristiques illustrant les contextes (culturel, historique, économique) dans lequel il évolue, au même titre que l’analyse de ses œuvres finies ? Pour permettre cette étude, l’observation de l’artiste au travail, dans son atelier lors de la conception de deux de ses œuvres (dont l’une figure dans l’exposition - Hold Everything Dear #2), se révèle cruciale ; elle donne l’occasion de déconstruire toutes les étapes de création, révélant l’importance de ses choix en termes de techniques et de matériaux. Cette révélation technique permet également de comprendre à quel point Balleux s’inscrit dans son époque, dans un continuum d’images, tissant des liens ténus entre tous les supports pour en revenir, inlassablement à l’objet de toute son attention.
Peintures, sculptures, vidéos, toutes les œuvres de Stephan Balleux sont donc le résultat d’un processus de fabrication complexe et acquis de manière progressive, au fur et à mesure d’expérimentations de techniques qui lui sont propres et qui, pour certaines, sont imperceptibles lorsqu’on se confronte à l’œuvre aboutie et exposée. Pour exemple, la toile Hold Everything Dear #2, dans laquelle figure le fameux ‘blob’ flottant au-dessus du lit d’une chambre d’hôtel ; l’observation du processus de fabrication in extenso est révélateur du rapport que l’artiste entretient avec un ensemble étendu de supports qui restent au final, cachés et à révéler sous la surface de la peinture. Derrière ces processus artistiques, l’idée prégnante d’un syncrétisme de fabrication, mêlant tout à la fois peinture, dessin, sculpture, photographie et image numérique pour ne laisser finalement apparaître que la toile et instituer la peinture comme origine et finalité apparentes du projet.
Dans le cas de Hold Everything Dear #2, le travail débute à partir de la photographie d’une chambre qu’il trouve dans un magazine de décoration acheté en seconde main. Il photographie à son tour l’image en numérique pour la transférer sur son ordinateur. En parallèle, afin de créer son ‘blob’, il réutilise des photographies d’une statuette abstraite noire composée d’un noyau d’argile recouvert d’épaisses couches de peinture à l’huile noire; statue qu’il avait réalisée en 2007 pour une précédente œuvre. Il détoure l’image de la sculpture et, à la manière d’un collage, la superpose informatiquement sur la représentation de la chambre, aboutissant donc à une nouvelle image à l’aspect étrange et dérangeant. Pour d’autres œuvres, comme dans les portraits en noir et blanc de la série They shoot horses don’t they, Balleux se réapproprie des photographies de visages en les défigurant par des volutes abstraites similaires à la forme flottante de Hold Everything Dear #2 réalisées par l’application d’épaisses couches de peinture. Il photographie ensuite le résultat afin de retoucher informatiquement les intensités et les nuances de la nouvelle représentation. En fin de processus, Balleux imprime la nouvelle composition qui lui sert alors de modèle pour la reproduire à l’identique et de manière hyperréaliste sur la toile.
Cet exemple permet de mettre en place un certain nombre de constantes dans le processus de fabrication des œuvres, notamment dans celui des peintures. Presque systématiquement, les mêmes étapes sont développées: le choix d’une image de base, l’ajout d’éléments (par collage informatique ou par application de peinture) qui lui permettent de se réapproprier la représentation initiale en lui donnant un aspect dérangeant, puis la reproduction de l’image modifiée sur la toile (à l’huile, à l’aquarelle ou au pastel). Cet ensemble répété de procédés aujourd’hui maîtrisés par l’artiste est le fruit de nombreuses expérimentations. Comme le souligne Alfred Gell dans son ouvrage L’art et ses agents, une théorie anthropologique, l’ensemble de l’œuvre d’un artiste agit comme une lignée dont chaque œuvre est «l’ancêtre et la descendante d’une autre» (4). Ainsi, au-delà d’une simple intuition comme celle développée au début de cet article, de réelles connexions ainsi qu’un réseau extrêmement complexe et organique, peuvent être établis entre les œuvres de Stephan Balleux qui, selon l’artiste lui-même, sont systématiquement conçues comme une réponse donnée aux œuvres qui les ont précédées.
Hold Everything Dear #2 (2012) est ainsi liée à l’œuvre originale Hold Everything Dear 001
, réalisée au fusain et pastel en 2009, détruite par le feu, et que l’artiste a, cette fois, reproduite à l’huile. En 2010, Balleux réalise une sculpture en céramique du lit représenté dans Hold Everything Dear #2 et qui porte un titre similaire aux œuvres à l’huile et au fusain. Quant à l’utilisation de la céramique, elle n’est pas non plus le fruit du hasard, puisque, cette année-là, Balleux participe à une résidence d’artistes au Centre Européen de la Céramique aux Pays-Bas. C’est donc à cette période qu’émergent ses sculptures de céramique qui prennent généralement la forme de masses ‘gluantes’ qui rappellent fortement les formes abstraites qu’il intègre dans ses œuvres peintes. D’autre part, cette masse flottante au centre de Hold Everything Dear #2 provient initialement de la fabrication de l’œuvre The Midsummer Marriage (Fig.11), réalisée en 2007 (et qui trouvera une variation en 2009 dans The Midsummer Marriage #2) (Fig.12), pour laquelle Stephan Balleux a fabriqué une petite statuette de dix centimètres de hauteur faite d’épaisses couches de peinture disposées sur un noyau de terre qu’il a prise en photo pour ensuite la manipuler informatiquement et aboutir à la forme qu’il dessine au pastel dans un format de plus de quatre mètres de longueur sur deux mètres de hauteur.Cette pratique, propre à l’artiste, qui consiste en l’application d’épaisses couches de peinture à l’huile sur les photographies en obstruant les visages ou certaines parties de la représentation, donnant cet aspect inconfortable et mystérieux à l’œuvre, débute lorsqu’il crée la série Cipher en 2007, avec notamment l’exemple dans l’exposition de The Portrait. Cette pratique prend elle-même sa source dans la série d’œuvres Paintingpainting réalisée principalement en couleur, à partir de 2005, dans laquelle il joue avec l’aspect organique, volumineux et gluant de la peinture à l’huile à reproduire «à plat» sur une toile. Nous retrouvons enfin ce jeu avec la matière picturale dans les vidéos qu’il réalise sans caméra, sur son ordinateur, à partir de couches de peinture qu’il applique sur papier et numérise afin d’être manipulées informatiquement. L’exemple le plus frappant pour illustrer cette technique est l’œuvre Franky (2007) (Fig.13), qui trompe le spectateur en intégrant un portrait vidéo aux côtés de trois autres portraits à l’aquarelle. Ceux-ci sont évidemment modifiés par ces formes organiques abstraites initialement faites de couches de peinture. En reliant les œuvres entre elles par leur aspect technique, il est ainsi possible de confirmer que la peinture est la référence constante et systématique de l’œuvre de Stephan Balleux, et ce, même lorsqu’il utilise d’autres techniques. En effet, si la plupart de ses œuvres sont des toiles peintes, même ses sculptures et ses vidéos à l’aspect organique sont inspirées de la matière picturale. Par ailleurs, au sein d’un même processus de fabrication d’une œuvre (notamment pour Hold Everything Dear #2), cette référence à la peinture revient de façon systématique à différentes étapes de la création.
Bien que Stephan Balleux touche à de nombreuses disciplines telles que la sculpture, la photographie et les nouveaux médias – la complexité du processus de fabrication le confirme -, le retour constant à la peinture dans l’ensemble de ses œuvres s’explique par l’importance que l’artiste lui accorde par rapport aux autres médiums. Il se définit ainsi lui-même, d’abord et avant tout, comme un peintre plutôt que comme un artiste pluridisciplinaire. Ce choix de statut est à mettre en relation directe avec son parcours artistique et éducatif: Balleux entame des cours de peinture dès l’âge de dix ans, il suit notamment des cours de modèle à douze ans et des cours de peinture monumentale à seize ans. Il poursuit ensuite son apprentissage à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, où il y enseigne d’ailleurs la peinture depuis la rentrée 2013.
Le second élément qui permet d’affirmer la « suprématie » de la peinture pour l’artiste est lié à la vision académique occidentale et traditionnelle qu’il en a. A l’occasion de nombreux entretiens ou interviews, Stephan Balleux a systématiquement souligné l’importance qu’il consacre à la maîtrise technique de cette discipline; plus la méthode est complexe et incompréhensible techniquement, plus il est fasciné. C’est dans cette optique qu’il parle souvent avec admiration d’artistes tels que Rembrandt, Velázquez ou Vermeer dont il n’arrive pas à percer la façon dont ils ont procédé pour obtenir ce qui apparaît sur leurs tableaux. Il parle alors d’une «transcendance de la matière» qu’arrivent à obtenir certains artistes. Cette vision de la peinture comme technique suprême, de par son degré de difficulté, est clairement due à la représentation occidentale que l’on se fait de la peinture et de l’image classique du «peintre génie» au talent inné, qui réalise, comme par magie, des chefs-d’œuvre avec une grande prouesse technique. Quant aux autres supports que Stephan Balleux utilise pour réaliser des œuvres indépendantes (ses sculptures ou ses vidéos), ils peuvent être exploités, comme nous l’avons vu dans Hold Everything Dear #2, non pas comme une finalité, mais comme une étape spécifique du processus de fabrication d’une peinture.
Parallèlement à la peinture, les images en général sont omniprésentes dans le travail de Balleux. Elles interviennent dès la toute première étape du processus de fabrication de ses œuvres peintes puisqu’il choisit des photographies dans des livres de seconde main, pour ensuite se les réapproprier en y intégrant des éléments qui permettent de créer une nouvelle représentation. Cette fascination pour l’image vient notamment de sa mère qui, elle aussi, collectionnait des clichés. Mais elle peut sans aucun doute également s’expliquer par le contexte sociologique et culturel dans lequel l’artiste se situe. En effet, la société occidentale est constamment submergée d’images (publicité, télévision, magazines, livres), généralement attribuées à la culture populaire. C’est la raison pour laquelle l’artiste choisit délibérément des photographies issues de cette culture populaire, comme des photogrammes de séquences de films ou encore d’ouvrages de seconde main des années 50-70 qui peuvent donner un sentiment de familiarité au spectateur. En y ajoutant des éléments emblématiques d’une étrange étrangeté, il tend à perturber ce sentiment de proximité. Ainsi, ce sont ces manipulations d’images «banales» qui donnent aux œuvres de Stephan Balleux cet aspect dérangeant. Récurrente dans une grande partie de son travail, cette étape dans le processus de fabrication est devenue presque essentielle. En dépassant le sujet et en abordant les œuvres de Stephan Balleux du point de vue de leur fabrication, il apparaît de façon limpide que les techniques qu’il utilise fondent son style, sa signature et son univers. Un univers fait de procédés qui, ne transparaissant pas tous au travers de l’œuvre finie et exposée, n’aurait pas pu être appréhendé entièrement sans nous être penchés sur la manière dont l’œuvre était créée. Mais ne nous leurrons pas ; cette révélation technique ‘au-delà du miroir’ ne dévoile, finalement et malgré tout, qu’une partie infime de leur mystère et du trouble occasionné.
Merci à l’artiste pour son temps, sa confiance et ses œuvres inspirantes
Lauren Visse & Muriel Andrin
Université Libre de Bruxelles