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Peinture - Epoque contemporaine - Belgique - Histoire de l'art Jean-Pierre Maury La revue Mesures art international et la mouvance construite
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Reporticle : 163 Version : 1 Rédaction : 01/01/2008 Publication : 16/02/2016

Note de la rédaction

Ce reporticle est extrait d’un Bulletin de la Classe des Beaux-Arts de l’Académie royale de Belgique (2008, 6e série, t. 19, pp. 63-81).

La revue Mesures art international et la mouvance construite

Fig. 1 – Couverture du n°1 de la revue, Léon Wuidar.
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Fig. 1 – Couverture du n°1 de la revue, Léon Wuidar.

La revue dont il est question porte pour nom MESURES art international, son objet était la « Mouvance construite ». Je me dois donc successivement de vous exposer l'historique de cette publication et de préciser ce qu'est cette « Mouvance construite ». L'origine de cette publication remonte à plus de vingt ans, c’est en novembre 1987 que les Éditions Heads end Legs, animées par Jean-Pierre Husquinet, publièrent un portfolio, tiré à 30 exemplaires, intitulé « Constructivistes Belges ». Ce portfolio contenait une œuvre de chacun des artistes suivants : Marcel-Louis Baugniet, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Jean-Pierre Maury, Victor Noël, Luc Peire et Léon Wuidar, il était préfacé par Fré Ilgen et fut présenté à la Galerie Excentric à Liège. C'est ainsi que fut créé un contact déterminant entre des artistes qui certes se connaissaient déjà, mais n'avaient pas songé auparavant à fédérer leurs efforts. En effet, moins de deux mois plus tard, le 23 janvier 1988, six des protagonistes de « Constructivistes Belges », auxquels s'était joint Jean-Jacques Bauweraerts fondèrent la revue MESURES art international. À ce stade de l'exposé, il est indispensable de préciser que le terme « Mesures » n'a servi qu'à intituler une revue et que, jamais, les fondateurs de ladite revue ne se sont considérés comme les membres d'un groupe, « groupe » au sens où existèrent des groupes d'artistes aux pratiques délibérément convergentes, les nôtres demeuraient autonomes.

Fig. 2 – Couverture du n°3 de la revue, Léon Wuidar et Jean-Pierre Husquinet.
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Fig. 2 – Couverture du n°3 de la revue, Léon Wuidar et Jean-Pierre Husquinet.

Mise donc en œuvre par un collectif de peintre, qui comprenait Marcel-Louis Baugniet, Jean-Jacques Bauweraerts, Jo Delahaut, Jean-Pierre Husquinet, Victor Noël, Léon Wuidar et moi-même, sans équipe rédactionnelle permanente, « MESURES » n'entendait pas être simplement une revue de plus sur le marché déjà étendu des publications relatives à l’art, mais voulait être une revue autre et singulière, vouée à rendre compte de la vivacité et de la verdeur de l'art d'esprit construit, se refusant à être le reflet du regard des commentateurs habituels de l'art, mais revendiquant d'être le champ d'action de praticiens convaincus que, désormais, il était capital de joindre à l'exercice de leur savoir-faire la pratique d'un faire-savoir indispensable et attendu. Ainsi « MESURES » allait devenir le lieu de rencontre des constructeurs, des acteurs de la mouvance construite, et allait donc ouvrir ses pages à ceux qui, partout dans le monde, œuvraient animés par l'esprit de structure, qu'ils soient artistes, animateurs de lieux ou de publications, organisateurs d'événements, collectionneurs, etc. Très vite, l’équipe singulière, représentative de toutes les générations ayant œuvré dans la mouvance construite, s'organisa, la collégialité serait la règle, et se partagea la tâche selon les disponibilités, les envies et les compétences de chacun. Delahaut avait proposé comme titre « ARTNET », mais c'est le titre « MESURES », trouvé par Wuidar qui fut retenu, convaincu de l'utilité d'une ouverture marquée sur l'étranger, je suggérai d'y joindre « art international », Wuidar conçut la couverture ainsi que le logo de la publication et se chargerait de la mise en page, Husquinet allait superviser tous les problèmes techniques et assurer l'impression de la sérigraphie originale insérée dans chaque exemplaire, pour ma part je me chargeai de rédiger les éditoriaux et de mettre en forme l’agenda illustré qui allait annoncer gratuitement toutes les expositions relatives à l'art d'esprit construit.

Fig. 3 – Couverture du n°6 de la revue, Léon Wuidar et Jean-Jacques Bauwaerts.
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Fig. 3 – Couverture du n°6 de la revue, Léon Wuidar et Jean-Jacques Bauwaerts.
Fig. 4 – Tiré à part inséré dans le n° 1 de la revue, Sol Le Witt.
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Fig. 4 – Tiré à part inséré dans le n° 1 de la revue, Sol Le Witt.

Ainsi donc les caractéristiques techniques et matérielles de la revue furent-elles rapidement établies, elle se présenterait sous une farde rigide sérigraphiée, le format de celle-ci serait de 32 par 24 centimètres, elle comporterait 32 pages (40 à partir du n°3), elle serait illustrée en noir et blanc et tirée à 250 exemplaires numérotés. Outre cela il fut d'emblée décidé qu'une sérigraphie originale non signée serait insérée dans chaque exemplaire, les auteurs de ces sérigraphies furent, dans l'ordre : Sol Le Witt, César Domela, Jo Delahaut, Marcel-Louis Baugniet, François Morellet et Luc Peire ; une seconde sérigraphie originale, partagée et cosignée par les éditeurs fut insérée dans le tirage exceptionnel de 25 exemplaires supplémentaires du n°6 de la revue, ces exemplaires furent numérotés de I à XXV et constituent à ce jour l'ultime livraison de la revue, le tiré à part exceptionnel portant les signatures de J.-J Bauweraerts, J .-P. Husquinet, J.-P. Maury, V. Noël et L. Wuidar. Pour être complet quant à la description des différentes livraisons de la revue, il convient de préciser que des variantes de couleur distinguent les couvertures sérigraphiées de motif identique de deux en deux livraisons, pour les deux premières les couvertures sont de L. Wuidar, les troisième et quatrième sont de J.-P. Husquinet, enfin les deux dernières sont de J.-J Bauweraerts. Ajoutons même que trois bulletins d'abonnement furent imprimés, les premières pages de ceux-ci furent respectivement créées par L. Wuidar, J. -P. Husquinet et J.-J Bauweraerts. Le premier numéro de la revue allait sortir en juin 1988. Pour mener à bien ce projet, nous prîmes l'habitude de nous réunir chez Delahaut. Durant un peu plus de trois ans, les choix de publications comme les orientations de diffusion et les activités et actions labellisées « MESURES » furent décidées dans l'enthousiasme cimenté tant par l'estime et l'amitié que par le sentiment de l'utilité et de la pertinence de l'aventure, ancrant ainsi l’aventure de « MESURES » dans la préoccupation de stimulation constante de la mouvance construite internationale qui allait être sa marque.

En effet, présentant des œuvres originales, des artistes, des textes inédits, des notices biographiques, un agenda illustré se voulant en quelque sorte les annales des manifestations de la mouvance construite, des informations sur l'actualité des manifestations et des publications dédiées, partout dans le monde, à l'art d'esprit construit, ouverte, dans la même perspective, aux problèmes de l’architecture et de l'urbanisme, s'offrant à être le lieu d'éventuelles polémiques, les animateurs de la revue « MESURES » pensaient bien contribuer au labeur incessant des constructeurs. Comme il fut à l'époque décidé que la revue serait diffusée par abonnement, c'est-à-dire précisément par souscription à deux numéros, il a fallu pour en assurer une bonne diffusion, au-delà des carnets d'adresses de chacun, se déplacer et être activement présent, en Belgique et à l'étranger, à l'occasion de foires, d'expositions internationales ou de colloques consacrés à l'art construit où des petits stands furent gracieusement mis à notre disposition dans notre quête de souscripteurs. Ces voyages et les contacts qu’ils ont engendré ont contribué à la vérification de l'intuition à l'origine de l'aventure « MESURES » : en effet, il s'est bel et bien confirmé que l'art d'esprit construit était non seulement bien vivant, mais en plein renouveau et qu'il abordait des problématiques de nature fondamentale avec une totale liberté, affranchie d'un formalisme de surface dont d'aucuns avaient pu lui faire grief. C'est ainsi que, générés par l'existence même de la revue, les contacts nombreux développés par ses animateurs les conduisaient à la réconfortante certitude que, partout, des individualités s'investissaient profondément dans la poursuite d'une recherche dont résultaient des œuvres passionnantes et variées, témoignant tant de la force injectée déjà par les illustres devanciers que du renouveau qu’un sang neuf amène.

    2 images Diaporama

    À la fin de 1988 eut lieu, sur une proposition de Michel Clerbois, l'exposition « Identification III » à la Salle Allende à l'Université Libre de Bruxelles, à l'occasion de cette exposition de Jean-Jacques Beauweraerts et de moi-même, trois revues, consacrée à la mouvance construite et fondées par des plasticiens, étaient présentée au public, « Constructivist Forum » (1), « MESURES art international » et « PRO », cette présentation était accompagnée d'un accrochage d'œuvres des fondateurs des trois revues. L'année suivante, chez Robert Premsela à Amsterdam, les revues «MESURES » et « PRO », étaient présentées conjointement, là encore en même temps que quelques œuvres des fondateurs.

    C'est de cette façon que se sont notablement développées les relations privilégiées qu'entretenaient déjà certains des fondateurs de « MESURES » avec la Fondation PRO, celle-ci, sous l'impulsion de son infatigable président Fré Ilgen (2), œuvrait dans le même sens que nous. Les contacts que nous avons eus nous ont fondés à élargir nos activités et à ainsi ponctuellement organiser des événements, sous le label de « MESURES », tels la partie belge de la tournée en Europe de Charles Biederman, initiative de la Fondation PRO, ou la série des quatre expositions intitulées « Carte Blanche à Mesures », qui se sont tenues à la Galerie Cogeime à Bruxelles, grâce à la bienveillance agissante d'Ivan Lechien qui nous accorda sa confiance (3).

    Fig. 7 – Tiré à part inséré dans le n° 4 de la revue, Marcel-Louis Baugniet.
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    Fig. 7 – Tiré à part inséré dans le n° 4 de la revue, Marcel-Louis Baugniet.

    C'est de toutes ces activités, brièvement évoquées ci-dessus, activités de la revue en tant que telle et activités en marge de celle-ci, mais ayant eut lieu sous son nom, que les expositions « Aspects Actuels de la Mouvance Construite Internationale » (4) ont voulu témoigner en en réunissant tous les protagonistes en 1993 et 1994. Ces expositions, dont Fré Ilgen et moi-même assurèrent la coordination, furent une initiative des « Amis des Musées de Verviers ».

    Fig. 8 – Tiré à part inséré dans le n° 5 de la revue, François Morellet.
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    Fig. 8 – Tiré à part inséré dans le n° 5 de la revue, François Morellet.

    Enfin, en 2004, à l'invitation de Dominique Szymusiak, Conservatrice du musée départemental Matisse, une présentation de la revue eut lieu au Cateau-Cambrésis au Musée Matisse. Cette manifestation était un modeste contrepoint à l'exposition consacrée à la revue « Vouloir » qui, à Lille autour de 1925, fut, à l'initiative d'artistes aussi, le lieu d'émergence d'une modernité novatrice et radicale. La présentation de « MESURES » et de nombreux documents fut l'occasion d'un accrochage montrant les œuvres d'un certain nombre d'artistes impliqués dans l'aventure de la revue (5) De 1988 à 1994, six numéros de la revue ont été publiés, il ne fut jamais dit du sixième qu'il serait le dernier. Trois des sept protagonistes de l'aventure sont décédés. À ce jour, nul ne sait si « Mesures » renaîtra, ni sous quelle forme. Une revue « papier », des DVD, une présence sur le Web, des activités événementielles liées à son propos, tout est possible, rien n'est annoncé! Sans préjuger donc de l'avenir, le passé de la revue peut être retrouvé, bien illustré, sur le site suivant : http://mesures.monsite-orange.fr/

    Il me faut maintenant préciser ce qu'est cette « Mouvance construite », largement évoquée dans les lignes qui précèdent. C'est vers 1984 que j'ai forgé l'expression « Mouvance construite », celle-ci a été reprise ensuite, en Belgique et en France, tant par de nombreux journalistes que par de nombreux dirigeants de galerie dans les titres qu’ils donnaient à leurs expositions. L'avant-propos que j'avais rédigé pour le catalogue Aspects Actuels de la Mouvance Construite Internationale édité par les « Amis des Musées de Verviers » en 1993 contient une explication détaillée de ce concept que je reprendrai ici.

    Fig. 9 – Tiré à part inséré dans le n° 6 de la revue, Luc Peire.
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    Fig. 9 – Tiré à part inséré dans le n° 6 de la revue, Luc Peire.

    Pour ce faire, il parait important de décrire les limites du sujet et, d'emblée, il peut apparaître comme un paradoxe de vouloir trouver une limite à ce que l'on a nommé une mouvance, c'est à dire une chose en mouvement, essentiellement fluctuante. Il faut donc tenter d'expliquer en premier la signification de l'expression « mouvance construite » : c'est en fait une commodité de langage destinée à englober en une formule ramassée une diversité et un foisonnement d'aventures, successives ou contemporaines, relatives à une partie de l’histoire de l'art. Cette partie de l'histoire de l’art est elle-même une partie de l'histoire de l'abstraction. Celle-ci est née au début du siècle, en même temps à Munich, avec Kandinsky, à Moscou, avec Larionov, à Paris, avec Delaunay, Picabia, Kupka... L'abstraction en peinture, et en sculpture, a pris diverses voies, celles qui concernaient les fondateurs de « MESURES » et bon nombre de leurs collègues ont porté des noms divers : « le suprématisme », « le néo-plasticisme », « le constructivisme », « l’abstraction froide », « l'art concret », « le minimal art » et même « l'art conceptuel », cette liste est, bien sûr, loin d'être exhaustive. Se sont trouvés concernés, dans cette perspective aussi, des mouvements variés tels que « Blok », en Pologne, « De Stijl », aux Pays-Bas, « Cercle et Carré », « Abstraction-Création » en France, etc., la liste n'est pas complète non plus, tant s'en faut.

    C'est cette variété d'aventures, unies par une familiarité à expliquer, qui constitue la mouvance construite ; ce à quoi elle se réfère couvre quasiment la totalité du XXe siècle. En effet, depuis quasiment le début de celui-ci existe une expression artistique plastique fondée sur une mise en œuvre de surfaces ou de volumes libérés de toute évocation et de toute suggestion d'image anecdotique, la forme régulée y a sa place dans la pureté et dans l'intensité, à ceci se joint l'économie des moyens et la simplicité des structures. Ce qui précède est la très sommaire description matérielle des éléments d'une convergence envisagée le plus largement. Cette convergence unit en une familiarité de fait des mouvements et des hommes que séparent et opposent même, parfois, les nuances affirmées de leurs singularités. C'est pour ne privilégier aucune de ses singularités, et en fait pour affirmer la diversité et la richesse de ces constructeurs, de ceux qui composent et réfutent la pratique bavarde de l'art, qu’a été choisie l’expression « mouvance construite », elle témoigne et de l'appartenance d'individus singuliers et de l'activité elle-même, toujours patiemment développée et toujours en évolution, elle qualifie une pratique désormais indiscutablement historique, mais aussi indéniablement actuelle, d'une verdeur que montre la diversité des approches et des résultats constatés.

    Fig. 10 – Tiré à part inséré dans le n° 6 spécial de la revue, J.-J. Bauweraerts, J.-P. Husquinet, J.-P. Maury, V. Noël, L. Wuidar.
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    Fig. 10 – Tiré à part inséré dans le n° 6 spécial de la revue, J.-J. Bauweraerts, J.-P. Husquinet, J.-P. Maury, V. Noël, L. Wuidar.

    N'avoir évoqué qu'au plan de sa matérialité convergente une aventure artistique ne fonde que fort peu celle-ci, si un constat d'accord peut s'établir sur ce à quoi ressemble les œuvres de la mouvance construite, un fondement plus fort est à exprimer au-delà du seul formalisme. Tracer des cercles et des carrés n'a, en soi, pas de sens ; ce n'est qu'intégré à une réflexion spirituelle que se crée un langage et que s'impose une nécessité. Détourné de la matérialité anecdotique pour se vouer au plus radical des réalismes, celui qui a choisi comme sujet la structure et l'analyse de celle-ci fait porter son effort sur des valeurs que le temps n'atteint pas. C'est dans ce fait qu'il faut trouver la raison de la pérennité de l'art d'esprit construit, ainsi que dans la constatation, apparemment simpliste, que construire est toujours construire demain. Au-delà donc de la pesante matérialité, la mouvance construite s'ouvre donc vers l'infini de l'esprit et du cœur, tant dans la gratuité et la joie – qui sont les pendants de l'utile –, que dans la rigueur et la ferveur qu'implique le fait de s'adonner au langage le plus simple et le plus clair, celui où il se vérifie que la droite est le plus court chemin vers l'infini et la courbe le plus sûr moyen d'étreindre l'univers. Pour ces raisons, sommairement exposées, la mouvance construite peut affronter la durée, en dépit des éphémères caprices de la mode, avatars de la loi du marché. Certes la mouvance construite dure en ce sens que les œuvres originelles qui l'ont fondée existent toujours, mais aussi elle dure en ce sens que jamais ne s'est tari le souffle des acteurs. Ceux-ci ont renouvelé et remodelé sans cesse le propos et, sans doute parce qu'il est le plus fondamental, le sujet s'est montré, par les œuvres qu'il générait, le plus vivant.

    Fig. 11 – Vue de l'exposition consacrée à la revue au Musée Matisse en 2004, œuvres de F. Ilgen et J.-P. Maury.
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    Fig. 11 – Vue de l'exposition consacrée à la revue au Musée Matisse en 2004, œuvres de F. Ilgen et J.-P. Maury.

    Cependant, la mouvance construite n'a pas été de façon permanente à l'avant-scène de l'activité artistique, il s'en faut de beaucoup, et, si sa pérennité parait assurée pour les raisons évoquées plus haut, son importance circonstancielle a connu des hauts et des bas, alternance de faveur et de désintérêt, qu'il faudra évoquer avant d'en venir aux constatations qui permettent d'évoquer aujourd'hui un renouveau. Les activités humaines s'inscrivent d'une façon générale dans un cadre économique, l'activité artistique ne dément pas cette assertion en tant que l'art s'inscrit dans un marché qui, pour se perpétuer, engendre des nouveaux flux de marchandises qui sont autant d'offres nouvelles pour créer des demandes nouvelles, c'est en se sens qu'il était dit plus haut que les caprices de la mode sont les avatars de la loi du marché.

    Ceci est une composante, elle n'est pas exclusive, le mouvement même des idées, les replis et les abandons ont leur place dans cette réflexion. Il faut bien considérer que la mouvance construite a indéniablement forgé le langage plastique de la civilisation où nous vivons aujourd'hui, il faut voir le mobilier, le design, l'architecture, la typographie, la publicité, l'habillement... – c'est indéniable. Dans cette mesure, les retours à la figuration, ou à ce que Jo Delahaut nommait « des demi-mesures, peintures gestuelles, tachistes ou instinctives », tels qu'on les a connus vers 1926, en 1932, en 1960 et au début des années 80, même s'ils fournissent parfois d'estimables apports, n'apparaissent que comme le signe de temps de repli ou de fatigue, de renoncement ou de facilité, où la séduction parfois réelle ne peut, sur la distance, tenir lieu de conviction.

    Établir des concordances entre les dates évoquées ci-dessus et les événements de l'histoire ne serait pas sans enseignement, mais cet exposé veut se centrer sur l'état actuel et sur les perspectives de la mouvance construite.

    Comme dresser un catalogue d'œuvres nouvelles, catalogue forcément arbitraire, limité et incomplet, ne suffirait pas, il faut mettre en avant la spécificité de nouvelles attitudes qui se développent ainsi que des événements révélateurs récents tels que la naissance de revues, revues consacrées à l'art d'esprit construit, de sites électroniques remarquables et l'organisation de vastes rencontres pluridisciplinaires, partout en Europe et dans le monde, où plasticiens et scientifiques, sociologues et philosophes, proposent à la réflexion du public les perspectives et les attitudes qu'offrent, et impliquent, tant les nouvelles technologies que la nécessité, par exemple, de repenser les espaces urbains.

    Enfin, c'est aussi, et surtout, de l'exercice de la liberté, s'opposant au chaos pour stimuler l'ordre à venir fondé sur la connaissance et la logique, ce en vue d'un approfondissement et d'un enrichissement spirituel de l'homme, s'aidant de l'art pour éclairer le monde, que proviendra le meilleur de ce qu'apportera le nouvel élan acquis.

    Je veux croire ICI que la mouvance construite, dans ce vaste cadre, paraîtra être au nombre des utiles et potentiels acteurs de ces nécessaires laboratoires d'idées où se bâtit déjà l'humanisme internationaliste culturel par lequel l'homme du XXe siècle échappera à la quotidienneté de l'inéluctable.

    Ceci, en tous cas, me fonde à continuer à peindre... Je vous remercie de votre attention.

    Annexe

    Contenus des différentes livraisons de « MESURES art international »

    • Contenu du n°1 (juin 1988) :
      • Éditorial / Jo DELAHAUT, Pérennité de l'Art Construit / V. et F. MOLNAR, Mesure, géométrie, science de l'art / Walter LEBLANC, texte inédit / Albert RUBENS, trois projets de travail / Jürgen BLUM, « Null Dimension » / Manfred MOHR / Andreas BRANDT / Uwe KUWIAK / 3 aphorismes de François JACQMIN illustrés par Jo DELAHAUT / Agenda / Notices biographiques.
      • Ce numéro était rehaussé d'une sérigraphie originale de Sol LE WITT.

    • Contenu du n°2 (décembre 1988) :
      • Éditorial / César DOMELA, Aperçus de l'art moderne / Aurelie NEMOURS, texte inédit / par Ben DURANT : Marcel-Louis BAUGNIET / Luc PEIRE, Le Groupe « MESURE » / Amédée CORNER / Léon WUIDAR, FTZ, Darmstadt, RFA / Gunther WOLF / Francesco SOTO MESA / Gilbert DECOCK / Agenda / Notices biographiques.
      • Ce numéro était rehaussé d'une sérigraphie originale de César DOMELA.

    • Contenu du n°3 (juin 1989) :
      • Éditorial / Dirk VERHAEGEN, texte inédit / Jean-Pierre MAURY, Premiers prolégomènes à une déclaration sur l'intégralisme / Hommage à MALEVITCH, accompagné d'un texte de Marcel-Louis BAUGNIET / Ben DURANT, La Belgique et l'Est de l'Europe 1914-1928 / Ernest EDMONDS, Vers «Video Constructs» / Agenda / Notices biographiques.
      • Ce numéro était rehaussé d'une sérigraphie originale de Jo DELAHAUT.

    • Contenu du n° 4 (avril 1990) :
      • Éditorial / Nausica PASTRA, Les Analogiques : Méthode et Relation / Hartmut BÖHM, sélection de textes / Charles BEZIE, texte inédit / Ben DURANT Bruxelles-Moscou (1914-1926) / Hommage à Henryk STAZEWSKI / Henri GABRIEL / Antonia LAMBELE / Agenda / Notices biographiques.
      • Ce numéro était rehaussé d'une sérigraphie originale de Marcel - Louis BAUGNIET.

    • Contenu du n°5 (mars 1991) :
      • Éditorial / Fré lLGEN Moscou '90 / Yuri AVVAKUMOV, Architecture de papier / Jean-Pierre MAURY, Détente internationale – Une relecture de l’histoire / Waldo BALART, Le sens constructif de la créativité / Jean-Pierre HUSQUINET, Conception-Évolution / Nic JOOSEN, Plan et encadrement / Jaak Vuylsteke / François MORELLET, Sunset at sea / Carte blanche à « MESURES » / Agenda / Notices biographiques.
      • Ce numéro était rehaussé d'une sérigraphie originale de François MORELLET.

    • Contenu du n° 6 (Février 1994) :
      • Éditorial / Hommage à Jo DELAHAUT / Jaak VUYLSTEKE, Relations Bob VERSCHUEREN texte inédit / Claude DORVAL, le mouvement MADI / Sigurd ROMPZA, Le langage pictural à l'épreuve / Michael KIDNER, texte inédit / Agenda / Notices biographiques.
      • Ce numéro était rehaussé d'une sérigraphie originale de Luc PEIRE.

    • Contenu du n° 6 spécial (Février 1994) :
      • Même contenu que le n° 6, en plus est insérée une sérigraphie originale, partagée et cosignée par J.-J Bauweraerts, J.-P. Husquinet, J.P. Maury, V. Noël et L. Wuidar.