Musiques contemporaines et musiques populaires
La première moitié du XXe siècle vit la diffusion en masse de la musique s’accélérer comme jamais auparavant. On vit alors s’accroître les distances qui séparèrent d’une part musiques « légères » – à grande diffusion – et d’autre part « musique savante » – au public d’initiés. Que des compositeurs tels que Schoenberg, Stravinsky ou Varèse explorèrent les langages extra-tonaux renforça ce phénomène.
En ce début de XXIe siècle, qui vit l’essor des nouvelles technologies accompagner la mondialisation, l’articulation entre musiques « sérieuses » et musiques « populaires » se pose en d’autres termes que ceux qui se présentaient à Rossini lorsqu’il insérait un air populaire suisse dans son ouverture de Guillaume Tell. La question de la couleur locale ou du pittoresque est actuellement largement dépassée alors que celle de l’utilisation structurante des musiques populaires comme composante du processus de création – tel que l’avait initié Bartok – devient primordiale.
Dans un entretien qu’il a accordé à Isabelle Françaix en novembre 2012, Jean-Marie Rens aborde le dialogue musiques savantes / musiques populaires en ces termes : « Dans notre société polyculturelle, le paysage musical s’est affranchi de nombreux tabous. Comment des esthétiques autrefois dites « légères », tels que le jazz, le pop ou le rock, peuvent-elles contaminer la musique « sérieuse » ou « savante » ? Ces qualificatifs paraissent désuets à notre époque, mais ils ont paralysé bien des compositeurs dès le milieu du XXe siècle et favorisé le divorce toujours épineux de la musique contemporaine et de l’auditeur. Je me suis moi-même autocensuré à mes débuts. J’assume pleinement aujourd’hui les allers retours entre les esthétiques, pourvu qu’une œuvre soit réfléchie, travaillée et offre de multiples lectures (…). Je suis boulézien dans l’âme et en particulier au niveau de la complexité de la pensée. Mais cette complexité, si grande soit-elle, ne doit jamais reléguer la perception de l’auditeur au second plan. Aujourd’hui, dans mon travail de compositeur, cette complexité côtoie diverses esthétiques. Par exemple, je ne crains absolument plus que ma musique témoigne des réminiscences de mon passé musical, celui du rock et du jazz qui peuvent s’y intégrer avec pertinence : Genesis, Pat Mehetny, Keith Jarrett…
Jean-Marie Rens développe ces propos dans la présente vidéo en commentant des œuvres récentes, essentiellement Traces, pour flûtes et électronique (2006, pièce couronnée par un Octave de la musique 2012) et Trois petits poèmes lettristes pour double chœur mixte (sur des poèmes d’Arnould Massart, 2000).