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- - - Serge Lemoine Vasarely, une histoire Reporticle publié à l’occasion de l’exposition Vasarely, hommage présentée au Musée communal d’Ixelles
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Reporticle : 79 Version : 1 Rédaction : 01/12/2013 Publication : 02/01/2014

Vasarely, une histoire

Interview de Claire Leblanc et de Serge Lemoine au Musée communal d'Ixelles et à l'Université libre de Bruxelles.

Vasarely aura connu la gloire. Puis l’oubli. Un oubli quasi total qui a suivi sa mort en 1997, mais dont l’effet avait déjà commencé longtemps auparavant à se manifester. Le balancier est ensuite reparti dans l’autre sens, plus lentement. Aujourd’hui, c’est-à-dire depuis quelques années, Vasarely voit son oeuvre à nouveau considéré avec faveur et l’artiste lui-même regardé pour ce qu’il est, un grand peintre de la deuxième moitié du xxe siècle, un maître de l’abstraction géométrique et un chef de file pourvu d’un véritable ascendant. Pareil chemin, de l’ascension au faîte puis à l’abîme, suivi d’une lente remontée, mérite d’en rappeler les principales étapes, de les commenter et de tenter d’en tirer quelques leçons. Les faits sont connus. Ils ont contribué à fonder sa légende. Victor Vasarely vient de loin à tous les sens du terme. Il est hongrois, né à Pécs en 1908, c’est-à-dire au début du XXe siècle. Il a fait des études artistiques à Budapest en 1928-1929 dans une école que venait de fonder Sandor Bortnyik (1) sur le modèle du Bauhaus de Dessau, le Mühely (2), où il acquiert toutes les bases historiques, esthétiques et techniques qui lui permettront plus tard de concevoir et de développer ses différentes activités et son œuvre d’artiste. Contrairement à de nombreux Hongrois (3), il ne choisit pas de se rendre ensuite à Berlin, mais décide de s’installer à Paris en 1930. Il y restera, obtenant la nationalité française en 1959. Il se consacrera au graphisme publicitaire, travaille pour les agences Havas, Draeger et Devambez, ouvre son propre atelier, engage des collaborateurs et poursuit cette activité qui lui assure aisance et liberté jusqu’en 1956. Vasarely l’a lui-même déclaré : l’enseignement qu’il a reçu au Mühely, l’activité qu’il a exercée à Paris dans la publicité et toutes les expérimentations qu’il a menées à cette occasion ont été déterminants dans son orientation future d’artiste.

Fig. 1 – Victor Vasarely, Tampico, 1953. Galerie Lahumière.
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Fig. 1 – Victor Vasarely, Tampico, 1953. Galerie Lahumière.
Fig. 2 – Victor Vasarely, Darjeeling, 1952, Mumok.
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Fig. 2 – Victor Vasarely, Darjeeling, 1952, Mumok.

Ses premiers contacts réels avec le milieu artistique parisien datent de la fin de la guerre. A cette époque, Vasarely tâtonne en se livrant à des essais à partir du cubisme, de l’impressionnisme, du futurisme et du surréalisme. Il participe en 1944 à Paris à la fondation de la galerie Denise René. Il y expose pour la première fois ses études graphiques comportant beaucoup d’effets optiques à partir des rayures du zèbre et du damier d’un jeu d’échecs, ainsi que ses travaux publicitaires qui lui valent un poème de Jacques Prévert, Imaginoires, publié à cette occasion. Son engagement dans l’abstraction se produit en 1947. Vasarely a 39 ans. Il expose sur le champ au Salon des Réalités Nouvelles, qui venait d’être créé et auquel il restera fidèle. Peu original à ses débuts à l’instar de ses contemporains Nicolas Schöffer, Jean Dewasne, Edgar Pillet ou encore Serge Poliakoff, Vasarely va définir son style tout d’abord marqué par l’observation de la réalité : il privilégie les formes biomorphiques, les contours nets, les aplats, un espace à deux dimensions et un petit nombre de couleurs dans sa première période intitulée Belle-Isle, dont est issu le tableau Tampico (fig. 01) de la présente exposition. Il abandonne la touche et les effets de matière et met au point sa technique, précise, impersonnelle. Echappant à l’influence de Magnelli et de Domela, ignorant la leçon de Mondrian, n’ayant pas encore pris la mesure d’Herbin, Vasarely entame bientôt un deuxième cycle de peintures intitulées Denfert où s’enchaînent les formes souples et tendues complétées de combinaisons colorées raffinées dont témoigne le tableau Darjeeling. (fig. 02) Viennent ensuite, mais en réalité les choses sont quasiment simultanées et se recoupent les unes les autres, les périodes dites Gordes et Cristal où s’affirme son style, davantage fondé sur les verticales, les horizontales et les obliques à 45°, les surfaces bien délimitées, les couleurs ramenées à une dominante et à des variations, une facture neutre, une surface mate. Vasarely affirme un parti, celui de la verticalité, la verticalité du plan assimilé au mur, la verticalité de la composition. Comme le montre le tableau Siris, ces œuvres s’imposent par leur équilibre, leur clarté et leur monumentalité. Vasarely est devenu le principal artiste des nouvelles générations au sein de la galerie Denise René, où il expose personnellement, ainsi que dans des expositions de groupe qui y sont montrées dans ses locaux ou à l’extérieur, comme celle devenue un manifeste par son titre, la liste des participants et les lieux où elle s’est tenue : Klar Form, en 1951, montrée à Copenhague, Stockholm et Helsinki, à Oslo et à Liège l’année suivante. En 1953, Vasarely peint Hommage à Malevitch, qui marque un nouveau tournant dans son évolution : les formes y sont simplifiées, leur arrangement rigoureux, les couleurs réduites au blanc, au noir et au gris et la composition en forme de diptyque ramenée à un rapport entre des figures géométriques qui se répondent à partir du losange et du carré et des contrastes entre le noir et le blanc. La tension entre les horizontales et verticales et les obliques, les décalages entre les éléments, l’opposition des axes, l’intensité des foyers de chacun des deux volets, le mouvement généré par la rotation des formes qui restent en équilibre ne ressemblent à rien dans la production artistique de l’époque : ce tableau dont le titre est déjà un programme annonce tous ses travaux futurs, ceux qui vont consacrer Vasarely comme le précurseur de l’art cinétique. Le peintre, qui se présente comme un plasticien, se concentre alors sur l’usage du noir et blanc, il privilégie la ligne, abandonne toute forme de composition classique, élimine le motif, occupe la surface dans sa totalité, joue de la régularité et des césures. Les formules sont élaborées, les expérimentations s’enchaînent, les supports les plus variés sont utilisés, aux côtés de la toile et du panneau de bois, le verre, le Plexiglas, le métal, et en même temps que la peinture, la sérigraphie et l’agrandissement photographique. Vasarely invente un nouveau langage, il crée de nouvelles images dans lesquelles priment les structures et les rythmes et desquelles émanent entre l’œuvre elle-même et l’œil de celle ou de celui qui la regarde des vibrations. Il s’agit d’un phénomène d’optique, bien connu et déjà existant dans les ouvrages scientifiques et les publications concernant la Gestalttheorie (4) et dans les œuvres artistiques fondées sur les contrastes et les croisements, comme le montrent les gravures sur bois de Jozef Peeters et de Karel Maes par exemple, ou encore les exercices pratiqués au cours préparatoire du Bauhaus. Vasarely va tout particulièrement rechercher cet effet, comme le montre le tableau Mindoro 2. L’œuvre de grand format frappe par son aspect frontal et sa verticalité. Elle est constituée d’un réseau de lignes horizontales noires et blanches parallèles et plus ou moins larges et d’une série de lignes obliques de même nature tracées à la périphérie et qui les croisent, de façon à dégager un centre blanc en forme de losange et d’occuper les angles noirs d’éléments très fragmentés. Les contrastes, les croisements de ligne, les angles aigus opposés engendrent des vibrations optiques.

Vasarely a trouvé sa forme, son style, son répertoire, un univers qu’il va développer, enrichir au fur et à mesure de son évolution et des nouvelles périodes dans lesquelles il va s’engager jusqu’au « Folklore Planétaire » de la fin. Dans le même temps, accompagnant ses tableaux de nombreuses publications, il forge sa théorie en s’appuyant sur les connaissances scientifiques qu’il a acquises et en voulant faire, dans une vision à la fois lyrique et marquée par l’utopie, que son art corresponde à la physique et à l’astronomie et qu’il soit une représentation de l’univers. Ses œuvres sont originales et tranchent avec celles de ses contemporains appartenant à la même famille, Dewasne, Mortensen, Baertling et pour la sculpture Jacobsen et Lardera, sa position est unique, son autorité réelle. Il exerce alors un grand pouvoir qui se manifeste dès 1955 avec l’organisation de l’exposition Le Mouvement à la galerie Denise René, dont il a beaucoup contribué à définir l’orientation, passés les tâtonnements des premières années après son ouverture. Il réunit à cette occasion de jeunes artistes venus d’horizons différents, Yaacov Agam, Pol Bury, Jesús Rafael Soto et Jean Tinguely avec Robert Jacobsen, des œuvres de Calder et de Marcel Duchamp dont la Rotative Demi sphère de 1925, avec l’aide du jeune critique d’art suédois Pontus Hulten, le peintre et cinéaste américain Robert Breer réalisant un film sur le tout. A cette occasion, Vasarely publie son texte Notes pour un manifeste dans lequel il résume ses idées et annonce son programme : « L’avenir nous réserve le bonheur en la nouvelle beauté plastique mouvante et émouvante » (5). L’exposition est discrète, elle suscite des commentaires contradictoires (6), mais elle deviendra un événement mondial a posteriori, quand le cinétisme se sera développé à partir de 1960 en France, en Europe et dans les Amériques, puis imposé comme courant artistique majeur parcourant tout le XXe siècle, comme l’a montré en 2013 l’exposition Dynamo à Paris (7).

A son tour, Vasarely exerce de l’influence sur les artistes de la nouvelle génération tels que Günter Fruhtrunk, Luc Peire, Jo Delahaut, ainsi que sur les Sud-Américains qui ont vu son exposition au musée des Beaux-Arts de Buenos Aires en 1958 et qui arrivent en France par la suite, Julio Le Parc, Francisco Sobrino, Horacio Garcia Rossi, Hugo Demarco, Horacio Garcia Miranda. Il les reçoit, comme François et Vera Molnar, les recommande, comme Luís Tomasello (8), les encourage comme il l’a fait avec les fondateurs du Groupe de recherche d’art visuel, s’occupe de les faire connaître en permettant à François Morellet d’obtenir sa première exposition personnelle à l’étranger, en 1960 à Bruxelles, où il se rend et à l’occasion de laquelle il publie son texte « Ce que devrait être la critique d’art » (9).

Les succès vont aller en s’amplifiant à partir de 1960, marqués par des œuvres telles que R. Cassiopée qui sont devenues des icônes tant les formes y sont simplifiées, les principes clairs et l’effet obtenu par ces oppositions binaires et leur inversion magistrale. En 1962, Vasarely revient à la couleur. Il élabore à partir de l’œuvre d’Auguste Herbin et de son alphabet plastique son propre « Alphabet plastique », en reprenant le même terme et en mettant au point une méthode de combinaison de formes et de couleurs, qui lui permet de répondre à tous les cas de figure. Le tableau Calota MC en est un exemple où alternent des carrés, des losanges, des cercles de couleurs inscrits dans des carrés de couleurs différentes et contrastées. Tous les journaux, les critiques d’art, les revues, à commencer par Quadrum, publiée à Bruxelles, qui lui donne en 1956 la couverture de son premier numéro, lui consacrent des articles attentifs. Les expositions personnelles dans les lieux les plus reconnus de l’époque se succèdent : Hanovre en 1963 à la prestigieuse Kestner Gesellschaft, Paris au musée des Arts décoratifs la même année, La Haye au Gemeentemuseum en 1964, suivi de Düsseldorf à la Kunsthalle et de Berne à la Kunsthalle, dirigée par Harald Szeemann, Amsterdam au Stedelijk Museum en 1967. Il se trouve invité à Kassel dès la Documenta II en 1959, il est présent dans plusieurs salles à la Documenta III en 1964, encore à la suivante en 1969, qui marque l’apogée de l’art cinétique avec une sélection très importante d’artistes opérée par Werner Spies, qui publie à cette occasion dans le catalogue son texte Op Art und Kinetik. Vasarely figure dans de nombreuses expositions collectives avec ses oeuvres originales, mais aussi avec ses éditions qu’il multiplie à l’infini, mettant ainsi en pratique ses idées sur la démocratisation de l’art. En 1965, Vasarely est représenté par 6 oeuvres dans l’exposition The Responsive Eye, organisée au Museum of Modern Art à New York par William C. Seitz et à l’élaboration de laquelle il a participé à Paris avec Denise René. La même année, il est bien entendu présent dans l’exposition Licht und Bewegung organisée à la Kunsthalle de Berne par Harald Szeemann et encore en 1967 au musée d’Art moderne de la ville de Paris avec des œuvres incluant pour la première fois la lumière artificielle dans l’exposition Lumière et mouvement dont Frank Popper est le commissaire. La dernière des grandes expositions de la décennie, qui a lieu en 1968 à Buffalo à l’Albright Knox Art Gallery, intitulée Plus by Minus : Today’s Half-Century, où se côtoient artistes européens et américains, le voit figurer avec 5 oeuvres. Il marque de nouvelles générations, Jeffrey Steele et Bridget Riley à Londres, Ryszard Winiarski à Varsovie. Vasarely se manifeste en même temps dans tous les domaines et en particulier dans celui de l’architecture. Depuis la construction de la Cité universitaire de Caracas en 1954, où il a été invité par l’architecte Carlos Raul Villanueva (10) et porté par la conception de la synthèse des arts, il a signé le manifeste du groupe Espace en 1951, Vasarely accepte de nombreuses commandes pour des bâtiments publics à Essen, Montpellier, Montréal pour le Pavillon français à l’occasion de l’Exposition universelle, à Grenoble à l’occasion des Jeux Olympiques d’hiver de 1968, à Paris dans de nombreux endroits et notamment en 1967 à la Faculté des Sciences de Jussieu, en 1971 dans le hall de la gare Montparnasse et la même année pour la façade de la station de radiophonie RTL.

Dans le courant de cette période, Vasarely cumule les prix et distinctions, conséquences de son incessante activité et de son omniprésence : en 1964 le prix Guggenheim à New York, l’année suivante le Grand Prix de la VIIIe Biennale de São Paulo, en 1967 à Pittsburgh le prix du Carnegie Institute. Il publie ses écrits, des livres paraissent dont ceux que lui consacre à partir de 1965 Marcel Joray aux éditions du Griffon, en quatre tomes, une entreprise sans précédent, exceptée celle de Zervos aux Cahiers d’Art dédiée à Picasso, pour un artiste vivant. Ses idées sont reprises dans tous les medias, dans la publicité dont on se rappelle qu’il vient lui-même, à la télévision, dans les magazines de mode, dans l’architecture, comme le montrent les bâtiments de la Grande Motte édifiés par Jean Balladur. Ses œuvres sont présentes partout dans les villes au revers des panneaux publicitaires, pillées, vulgarisées à satiété. Son succès est total, absolu. Vasarely est le pape de l’« Op art ». Mais il ne s’arrête pas là. Il va édifier lui-même les lieux qu’il veut voir consacrés à son œuvre, afin d’en assurer le rayonnement permanent et la pérennité. En 1970, il inaugure le musée Vasarely qu’il a installé dans le château de Gordes, village qu’il a découvert à la fin des années 1940 et où il réside en dehors de la région parisienne. Il poursuit dans cette voie en créant à Aix-en-Provence, au Jas de Bouffan, sa propre fondation qui sera inaugurée en 1976 et où il montre dans une architecture qu’il a conçue 42 intégrations architecturales réalisées à une échelle monumentale, comme un accomplissement de son oeuvre. La même année, le musée Vasarely ouvre à Pècs, sa ville natale. C’est au tour enfin du musée Vasarely au château Zichy d’être inauguré à Budapest en 1987. Quel autre artiste a su organiser de son vivant sa propre gloire ?

Une telle activité, on peut dire un tel activisme, une telle volonté de puissance n’ont pas été sans générer d’autres conséquences. Dans son œuvre d’abord, où ses tableaux violemment colorés, emportés par les principes mêmes de leur élaboration, exploitent les ressources de la perspective, renouent avec le clair-obscur, jouent sur la profondeur, les gonflements, le roulis, sans retenue ni contrôle et tombent dans la démesure. Dans ses théories où sa « Cité polychrome du bonheur » reste empreinte de naïveté, témoigne d’une réelle faiblesse sur le plan artistique et n’est pas loin de rejoindre les utopies totalitaires. Emporté par sa logique, grisé par son succès, Vasarely perd son sens critique. Dans le même temps, il est devenu une célébrité, un personnage officiel fréquentant Georges Pompidou et son épouse, protégé par Jacques Chirac, reçu par François Mitterrand (11). Il sera bien entendu l’auteur du portrait « cinétique » de Georges Pompidou ornant le hall du Centre Pompidou à Paris. Vasarely a vu son ascension dans les années 1969 largement due à la vogue de l’art lumino-cinétique. Il en a été l’un des protagonistes et l’une des références, l’une des victimes aussi dans la mesure où son art a été vulgarisé à l’excès. Vasarely est devenu à la mode et, en même temps que l’art cinétique, il va pâtir de son déclin dans les années 1970 (12). Ses théories étaient fondées sur la reproduction et la multiplication, son art va souffrir de se voir trop reproduit et se trouver ainsi dévalorisé. Quant à ses œuvres de la fin et à leur surexploitation, elles ont nui à l’appréciation de ses périodes antérieures. C’est l’ensemble qui, petit à petit, se retrouve sans considération. Vasarely meurt en 1997, mais dans le monde de l’art, il avait cessé d’être une figure majeure. Il n’est plus représenté dans les grandes expositions internationales organisées dans les années 1980 et 1990, même si des rétrospectives de son œuvre continuent d’être montrées à Venise, à Lausanne, à Ludwigshafen l’année même de sa disparition. Il n’est pas oublié. Il n’est plus regardé. Le marché de l’art le néglige. Le musée de Gordes est fermé. La Fondation Vasarely, éclaboussée par le scandale puis abandonnée, tombe en ruine. Les collectionneurs, institutions publiques et galeries sont troublés par le climat juridique procédurier et incertain entourant à ce jour encore certaines de ses œuvres. Après la célébrité, l’absence d’intérêt, l’indifférence, parfois le rejet.

Fig. 3 – Victor Vasarely, Metagalaxie, 1961, Galerie Pascal Lansberg.
Photo Thomas HennocqueClose
Fig. 3 – Victor Vasarely, Metagalaxie, 1961, Galerie Pascal Lansberg.
Fig. 4 – Victor Vasarely, Vegaviv II, 1955, Coll. Fondation Gandur pour l'Art, Genève, Suisse.
Photo S. PointetClose
Fig. 4 – Victor Vasarely, Vegaviv II, 1955, Coll. Fondation Gandur pour l'Art, Genève, Suisse.

L’histoire de l’art est souvent faite de ces retournements, de ces positions au sommet suivies de chutes spectaculaires et les plus grands artistes ont vu leur nom même oublié et leur œuvre disparaître, pensons à Georges de la Tour. Vasarely ne connaîtra pas un tel sort. Sa situation est de nouveau en train de changer. Des amateurs fervents continuent de rechercher ses œuvres, en particulier celles des différentes périodes en noir et blanc, des galeries consacrent un long effort pour le présenter à nouveau, le marché de l’art l’a réintégré et ses meilleurs tableaux sont appréciés dans les ventes publiques, des musées s’intéressent à nouveau à son travail. Vasarely bénéficie de plus du renouveau d’intérêt qui se manifeste pour l’art cinétique après le rejet, puis l’oubli qu’il a connu pendant les deux dernières décennies du XXème siècle. Ce renouveau dû à l’intérêt que portent les nouvelles générations de créateurs tels que Jeppe Hein, Carsten Höller, Philippe Decrauzat, Olafur Eliasson ou Stéphane Dafflon aux formes d’expression centrées sur la perception et les expositions qui en sont les conséquences, l’intérêt apparu depuis 2000 pour les manifestations historiques de cet art et les travaux de jeunes chercheurs qui reprennent le sujet sur de nouveaux frais remettent l’œuvre de Vasarely au premier plan, dans les expositions Beyond Geometry à Los Angeles en 2004, L’œil moteur à Strasbourg en 2005, The Expanded Eye à Zurich l’année suivante, Los Cinéticos à Madrid, suivi de The Optical Nerve à Columbus et de Op Art à Francfort en 2007 (13), de Ghosts in the Machine à New York en 2012, de Dynamo enfin en 2013 au Grand Palais à Paris (14) où les tableaux de Vasarely comme Metagalaxie (Fig. 3 et 4) s’imposent de façon magistrale. Dans le même temps, la Fondation Vasarely renaît, le bâtiment est en cours de restauration, ses activités reprennent (15). C’est dans ce contexte et voulant participer à cet élan qu’est organisée l’exposition Vasarely Hommage au Musée communal d’Ixelles à Bruxelles, en partenariat avec le Museum Haus Konstruktiv de Zurich et du Espoo Museum of Modern Art en Finlande. Non une rétrospective, non un sujet particulier dans son œuvre, mais un choix de tableaux tous abstraits et retenus pour leur seule qualité artistique et, en reprenant les termes de Vasarely, pour leur « beauté plastique ».

Notes

NuméroNote
1Le peintre hongrois Sandor Bortnyik (1883-1976) est passé au Bauhaus de Weimar en 1923-1924. Il fait partie de l’importante présence en Allemagne des artistes hongrois tels que László Moholy-Nagy, László Peri, Lajos Kassak et de ceux qui ont été au Bauhaus tels que Farkas Molnar, Marcel Breuer, Alfred Forbath, Andor Weininger. Bortnyik a été à cette époque marqué par Theo van Doesburg et Oskar Schlemmer à Weimar, puis par El Lissitzky à Berlin.
2L’école qu’il a fondée à Budapest, “Mühely”, atelier en hongrois, fonctionnera jusqu’en 1938.
3La plupart des artistes hongrois se sont en effet installés en Allemagne, comme beaucoup de photographes, qui constituent dans leur ensemble un des plus extraordinaires apports à l’histoire de la photographie. Quelques-uns cependant choisiront la France, tels qu’André Kertesz et Brassaï.
4Voir sur ce point le livre d’Auguste Herbin L’art non-figuratif non-objectif, Lydia Conti, Paris, 1949 avec les planches didactiques « Planches sur l’expérimentation du prisme » reproduites p. 47-64.
5Le catalogue publié sous forme de dépliant imprimé sur du papier jaune contient également des textes de Roger Bordier et de Pontus Hulten. Les œuvres reproduites aux recto et verso de la feuille sont de Vasarely. Un film abstrait de Robert Breer a également été projeté à cette occasion.
6L’exposition Le Mouvement de la galerie Denise René a été reconstituée quasi à l’identique au Museum Tinguely à Bâle en 2010 à l’occasion de l’exposition Le Mouvement : vom Kino zum Kinetik
7Voir le catalogue Dynamo. Un siècle de lumière et de mouvement 1913-2013, Paris, Grand Palais, 2013 sous ma direction.
8Le 11 février 1959, Vasarely adresse sur son papier à en-tête au Fonds national des Arts à Buenos Aires la lettre suivante : « Je soussigné Victor Vasarely certifie que l’artiste plasticien Luís Tomasello, de nationalité argentine, demeurant à Paris depuis 1956, fait partie de notre groupe artistique. Au bout de nombreux contacts j’ai acquis la certitude que le concept original et la technique très personnelle de Tomasello constituent un apport nouveau pour l’art. Son oeuvre est l’une des plus représentatives de l’avant-garde argentine. » (Paris, Archives Luís Tomasello).
9L’exposition de François Morellet a eu lieu à la galerie Aujourd’hui à Bruxelles au Palais des Beaux-Arts.
10Vasarely réalise trois œuvres monumentales intégrées à l’architecture dans ce vaste complexe architectural, où Laurens, Arp, Calder et Pevsner entre autres sont invités : un mur double face en céramique dans une cour, trois panneaux sur la façade en partie haute d’un des édifices, une grille en métal formant séparation entre deux cours.
11Voir ci-dessous l’entretien avec Julio Le Parc relatant la confidence de Vasarely à son fils Yvaral sur sa situation de personnage célèbre.
12Un premier signe avait déjà été donné dans le fait que le nom de Vasarely n’avait pas été retenu pour participer à l’exposition 60-72 12 ans d’art contemporain en France au Grand Palais à Paris, organisée à la demande du Président de la République française Georges Pompidou par François Mathey.
13Beyond Geometry Experiments in Form, 1940s-70s, Los Angeles, Los Angeles County Museum of Art, 2004, organisée par Lynn Zelevansky ; L’œil moderne, Art optique et cinétique, Strasbourg, musée d’Art moderne et contemporain, 2005, organisée par Emmanuel Guigon et Arnauld Pierre ; The Expanded Eye, Zurich, Kunsthaus Zürich, 2006, organisée par Bice Curiger ; Los Cinéticos, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, 2007, organisée par Osbel Suráez ; The Optic Nerve, Perceptual Art in the 1960s, Columbus, Columbus Museum of Art, 2007 ; Op Art, Francfort, Schirn Kunsthalle, 2007, organisée par Martina Weinhardt et Max Hollein ; Ghosts in the Machine, New York, New Museum, 2012, organisée par Massimiliano Giani et Gary Carrion-Murayari.
14Vasarely se trouvait présent dans six sections de l’exposition Dynamo (cf. supra, note 7) que j’ai organisée avec Domitille d’Orgeval, Marianne Le Pommeré et Matthieu Poirier comme commissaires associés.
15En 2013 a eu lieu l’exposition Victor Vasarely de l’œuvre peint à l’œuvre architecturé à la Fondation Vasarely, dont le commissaire est Jean-Paul Ameline avec un catalogue édité par Hermann, Paris.