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Illustration - - - - Lara de Merode Entre mythologie et botanique Dieux et héros dans les herbarii médiévaux
Amateur
Reporticle : 238 Version : 1 Rédaction : 21/07/2018 Publication : 29/01/2019

Note de l’auteur

Je remercie Madame Jacqueline Leclercq-Marx pour ses conseils avisés lors des recherches qui ont aidé à la rédaction de cet article. Je la remercie également, ainsi que Messieurs Didier Martens et Baudouin Van den Abeele, pour leur relecture et leurs remarques judicieuses.

Introduction

Fig. 1 – Vulcain, Pluton, Bacchus et Mercure. Mont–Cassin, Bibliothèque abbatiale, Cod. Casin. 132, 1023.
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Fig. 1 – Vulcain, Pluton, Bacchus et Mercure, 1023.

« Les dieux prétendus des païens furent jadis des hommes, à ce qu’on rapporte, qui commencèrent après leur mort, en raison de la vie qu’ils avaient menée ou de leur mérites propres, à être honorés parmi les leurs » (1). En écrivant ces mots au VIe siècle, Isidore de Séville (ca. 560 - ca. 636) s’inscrit dans une conception évhémériste des dieux et des mythes de l’Antiquité : ceux-ci auraient été des hommes illustres dont les glorieuses actions leur auraient valu d’être élevés au rang des dieux par les païens. Développé dès la fin du IVe siècle avant notre ère par le philosophe Evhémère (IVe-IIIe siècle av. J.C.), l’évhémérisme trouva un terreau fertile chez les premiers chrétiens, puis chez leurs successeurs, qui l’exploitèrent notamment à des fins d’évangélisation (2). Ceci permit la conservation des récits et de la connaissance des personnages mythiques au sein de la culture chrétienne. Comme l’ont montré les travaux d’Erwin Panofsky et de Fritz Saxl ainsi que ceux de Jean Seznec, les images des divinités de l’Antiquité ont « survécu » durant tout le Moyen Âge en faisant l’objet de transformations significatives et de diverses interprétations (3). Un exemple frappant est celui de Vulcain, Pluton, Bacchus et Mercure rendus méconnaissables dans un manuscrit du XIe siècle contenant le De Rerum Naturis de Raban Maur (ca. 780-856 ; (fig. 01) (4). Ces auteurs ont notamment insisté sur la présence de représentations mythologiques non seulement dans des encyclopédies, mais aussi dans des traités d’astronomie. Les dieux antiques avaient en effet été associés à des constellations dès l’époque homérique, puis à des astres vers la fin de la République romaine (5). Les sciences au sens large ont donc constitué un des vecteurs de la transmission du savoir mythologique de l’Antiquité au Moyen Âge, celle-ci opérant non seulement dans le registre cognitif, mais aussi au travers de traditions iconographiques. La présence des dieux antiques occupe ainsi une place assurée dans l’imaginaire médiéval.

Notre propos est d’exposer ici comment, du Moyen Âge jusqu’à la Renaissance, les herbiers ont également véhiculé une tradition iconographique empreinte de mythologie, située à la frontière entre érudition et savoir populaire (6). Celle-ci n’a pas échappé aux phénomènes d’interprétation et de transformation des motifs antiques liés à une perte progressive de la connaissance des formes classiques et au développement de nouvelles interprétations médiévales. Cet article se propose d’aborder la spécificité de ces représentations ainsi que leur évolution à l’aide de textes qui peuvent y être rattachés, principalement l’Herbarius du Pseudo-Apulée et l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien dont l’auteur du premier texte s’inspira en partie.

Suite au relevé des représentations de divinités antiques dans des herbiers du Moyen Âge (fig. 02) (7), principalement dans l’Herbarius du Pseudo-Apulée, plusieurs éléments sont apparus dont un servira de structure à cette étude : l’emplacement, soit au sein du texte, soit en pleine page, souvent en frontispice (8), des représentations. Ces localisations traduisent les multiples rôles associés aux divinités : découvreur de simples/personnage éponyme d’une plante ou fondateur de l’art médical. Conservons toutefois à l’esprit que cette distinction typologique est aussi méthodologique et que, dans certains cas, la frontière entre les deux types peut être ténue.

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    Premier type : les fondateurs de l’art médical

    Le premier type iconographique correspond aux divinités représentées en tant qu’illustres fondateurs de la discipline médicale et pharmacologique, voire des différentes écoles ou sectes médicales (9). Ces représentations sont relativement rares et concernent principalement Apollon, Esculape et Chiron. Elles véhiculent souvent la conception évhémériste telle qu’on la rencontre chez Isidore. Traditionnellement, Apollon est présenté comme le fondateur de l’art médical et même parfois de l’école méthodique basée sur les charmes et les remèdes. Esculape, son fils, aurait créé l’école empirique reposant sur l’expérience tandis qu’Hippocrate, son descendant, aurait fondé l’école logique dont la pratique se serait appuyée sur un système théorique structuré (10). La nature divine d’Esculape est cependant parfois déjà nuancée chez les médecins de l’Antiquité. D’après Celse par exemple, Esculape aurait été le plus ancien médecin qui, pour avoir ouvert la voie de l’art médical, fut reçu parmi les immortels (11). Finalement, dans la tradition antique, Chiron est connu pour avoir été le précepteur de dieux et de héros (12) comme Esculape (13), Achille, Médéios (14) ou encore Jason, auxquels il aurait enseigné non seulement la piété, le bien et l’art de guérir les blessures, mais aussi le secret de différentes plantes médicinales, savoir qu’il aurait lui-même acquis de sa mère Philyra (15). Par ailleurs, Isidore de Séville le présente comme un habile chirurgien et un célèbre vétérinaire, fonction qui expliquerait la représentation hybride de cet homme illustre (16).

    Fig. 3 – Chiron entouré de six médecins. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Med. Gr. 1, f. 2v, VIe siècle.
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    Fig. 3 – Chiron entouré de six médecins, VIe siècle.

    Le célébrissime « Dioscoride de Vienne », daté du début du VIe siècle, contient le traité de Dioscoride sous sa forme grecque alphabétique (Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Med. Gr. 1, f. 2v) (17). On y trouve également la plus ancienne représentation connue de divinités antiques dans un herbier (18). Un groupe d’auteurs apparaît, en frontispice, engagés dans une discussion érudite. Fréquente dans l’Antiquité et rappelant notamment les représentations d’Agrimensores, il s’agit d’un portrait de type collectif. Le fait de représenter des auteurs dans les manuscrits médicaux constitue une pratique déjà ancienne (19). Le centaure Chiron, dont le corps hybride de centaure est très nettement perceptible, est mis en valeur. Il préside cette assemblée composée de six savants (fig. 03). Ceux-ci sont le chirurgien Machaon, le peintre Pamphilos et le médecin Xenogrates (20) à gauche ; le philosophe et astronome Nigros, Herakleides (21), disciple d’Aristote, et le médecin Mantias (22) à droite.

    Comme nous le retrouvons chez l’auteur de l’Introductio sive medicus (23) , Chiron aurait enseigné aux hommes des remèdes avant que les dieux n’aient fondé l’art médical : « Les Grecs attribuent l’invention des arts à des enfants des dieux, ou à des êtres proches d’eux, auxquels les dieux ont, les premiers, fait part de tout art quel qu’il soit. Il en va donc de même en particulier pour la médecine, qu’Asclépios, dit-on, apprit d’abord de son père Apollon, puis transmit aux hommes – c’est pourquoi il passe pour avoir été son inventeur. Avant Asclépios, il n’existait pas encore d’art médical parmi les hommes, mais les anciens possédaient une expérience des remèdes et des plantes, tels ceux que, chez les Grecs, connaissaient le centaure Chiron et les héros qui reçurent son enseignement, et tous ceux que l’on fait remonter à Aristée, Mélampous et Polyeidos » (24). Ainsi, Chiron serait le représentant d’une forme de médecine populaire basée sur les plantes et les remèdes tirés de l’expérience. Il est en quelque sorte le fondateur de la botanique pharmaceutique avant que naisse l’art médical. C’est ce qui explique sa représentation qui se rattache aux portraits d’auteurs (25). Notons par ailleurs que Machaon (26) est aussi un personnage mythique puisqu’il serait non seulement le fils d’Esculape, mais aussi l’un des héros dissimulés dans le cheval de Troie ! Il aurait appris à traiter les plaies et à prescrire des médicaments (27). Néanmoins, sa nature légendaire n’est pas mise en évidence et il est représenté comme un auteur parmi les autres.

    Fig. 4 – Assemblée de médecins célèbres. Esculape apparaît dans le coin supérieur gauche. Paris, BnF, Italien 1108, f. 7v, XVe siècle.
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    Fig. 4 – Assemblée de médecins célèbres Esculape apparaît dans le coin supérieur gauche, XVe siècle.

    Les portraits collectifs subsistent durant le Moyen Âge. Esculape apparaît au verso du folio 7 d’un manuscrit italien du XVe siècle, réalisé en Italie du Nord et aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de France. Il est entouré d’une série de médecins illustres de l’Antiquité et du Moyen Âge arabe et occidental (fig. 04) : (sens horlogique en partant d’Esculape, situé dans le coin supérieur gauche) Hippocrate, Avicenne, Razhès, Aristote, Galien, Macer, Albert le Grand, Dioscoride, Mésué et Sérapion. Ce manuscrit serait le plus ancien représentant d’une famille de six codices contenant le texte d’Ibn Butlân (28), le Taqwîm al-sihha, d’abord traduit en latin durant le troisième quart du XIIIe siècle sous le titre de Tacuinum sanitatis (29), et ensuite remanié en italien dans la seconde moitié du XVe siècle, probablement par Giovanni Cadamosto qui en fit le Libro de componere herbe et fructi (30). Esculape apparaît à son tour comme un illustre auteur. Rien ne permettrait de l’identifier s’il n’était pas nommé. Comme les autres, il est vêtu à la mode du temps, sans distinction temporelle, géographique ou culturelle.

    Il existe donc deux représentations de dieux dans des portraits collectifs. Elles se trouvent dans des manuscrits contenant d’une part le traité de Dioscoride et d’autre part le Libro de componere herbe et fructi. La première date de la fin de l’Antiquité et la seconde de la fin du Moyen Âge. Elles se démarquent donc non seulement par la tradition textuelle mais aussi par l’époque à laquelle elles se rattachent. Les portraits d’auteurs figurés seuls ou à deux en train de discuter sont toutefois plus fréquents au Moyen Âge que les portraits collectifs (31). Ils concernent les autres représentations que nous allons aborder et qui ne mettent en scène qu’un nombre restreint de personnages, allant de un à trois maximum. Quand ils sont à plusieurs, ils interagissent de manière active. S’ils sont seuls, leur iconographie se rattache à celle d’autres personnages comme les empereurs ou le Christ ! Notons finalement que ces images se trouvent toutes dans l’Herbarius du Pseudo-Apulée.

    Fig. 5 – Chiron, Centaurus Magister Sapientiae. Kassel, Landesbibliothek, 2° MS phys. et Hist. nat. 10, fol. 38v, première moitié du IXe siècle.
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    Fig. 5 – Chiron, Centaurus Magister Sapientiae, première moitié du IXe siècle.
    Fig. 6 – Hippocrate, YPGS et YPOGRAS. Kassel, Landesbibliothek, 2° MS phys. et Hist. nat. 10, fol. 39r, première moitié du IXe siècle.
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    Fig. 6 – Hippocrate, YPGS et YPOGRAS, première moitié du IXe siècle.

    Dans un herbier conservé à Kassel, le 2° MS phys. et Hist. nat. 10, constitué de 40 folios et daté de la première moitié du IXe siècle (32), Chiron est figuré sur le folio 38v brandissant une plante dans chaque main, probablement la grande et la petite centaurée (fig. 05). Sur le folio suivant, Hippocrate, figuré de trois quarts dans un paysage naturel, semble lui faire face et s’adresser à lui (fig. 06). Cette façon de le représenter diverge fortement des conventions habituelles du portrait d’auteur et rappelle plutôt les représentations de rhizotomistes cueillant des végétaux en pleine nature (33). Il tient un bâton de la main gauche, ce qui constitue peut-être une référence à son autorité savante (34), mais qui pourrait aussi être le bâton de marche des rhizotomistes. Hippocrate ne tient d’ailleurs pas de livre ni de rouleau et aucun attribut ne l’associe à une quelconque production littéraire. Cette composition donne le sentiment qu’Hippocrate et Chiron entretiennent un dialogue. Cela est d’autant plus vraisemblable qu’aux folios 1v et 2r, deux autres personnages, probablement des auteurs, comme le suggère leur attribut commun, le livre, se font également face dans une attitude qui suggère très nettement un dialogue. Ces deux personnages, peut-être Marcus Agrippa (35) et Antonius Musa (36), sont tous deux placés au sein d’une construction antiquisante et d’influence méditerranéenne. La disposition de ces deux miniatures face à face ainsi que les gestes qu’ils esquissent nous font comprendre qu’ils sont en pleine discussion. De la même façon, le sol figuré dans les représentations de Chiron et d’Hippocrate est également identique, ce qui accentue le lien entre eux. En revanche, le cadre qui enserre Hippocrate nuit à cette liaison bien qu’il soit rompu par sa main qui déborde du cadre. Nous verrons plus loin que l’association de ces deux personnages et leur disposition peuvent rapprocher cette composition de représentations de Chiron face à Esculape. Selon Minta Collins, le fait de figurer Hippocrate face à Chiron pourrait traduire la volonté de mettre en évidence une certaine hiérarchie et une transmission savante depuis Apollon jusqu’à Hippocrate (37). Cela correspondrait à l’affirmation d’Isidore de Séville disant qu’Hippocrate était un descendant d’Esculape et qu’il développa l’art médical fondé par celui-ci et par son père, Apollon (38).

    Fig. 7 – Escolapius Plato Centaurus. Londres, British Library, Cotton MS Vitellius C III, f. 19r, troisième quart du IXe siècle.
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    Fig. 7 – Escolapius Plato Centaurus, troisième quart du IXe siècle.

    Une représentation en frontispice de Chiron, d’Esculape et du Pseudo-Apulée, l’auteur de l’Herbarius (fig. 07) se trouve au folio 19r d’un manuscrit conservé à la British Library (Cotton MS. Vitellius C. III (39) ). Ce dernier contient la traduction en vieil anglais de l’Herbarius du Pseudo-Apulée (40). Sous la miniature, les noms des trois personnages sont inscrits en latin. Sur le folio suivant, dans un médaillon, figure un autre texte latin expliquant l’illustration : [h]erbariu[m] / apul[ei] plat[onic]i / quod ac[ce]pit ab e/scolapio: et [al] ch[i]rone / centauro: magisro / achillis: (41). Il s’agit donc de la représentation d’Apulée recevant l’Herbarius d’Esculape et de Chiron. Achille est également nommé, bien qu’il n’apparaisse pas dans l’illustration. Cette miniature constitue un unicum et une telle scène représente symboliquement la transmission du savoir médical de Chiron et d’Esculape, les illustres fondateurs de la médecine et de la botanique pharmaceutique, à l’humanité (42). Elle permet également d’assurer l’autorité scientifique du texte par l’évocation d’illustres personnages (43). Cette illustration serait la fusion en une image de figures habituellement séparées, comme l’indiquerait la bordure jaune encadrant les figures d’Esculape et de Chiron (44). En outre, les inscriptions latines se distinguent du reste du manuscrit rédigé en vieil anglais et elles suggèrent la copie d’un modèle classique qui accompagnait peut-être le ou les modèles iconographiques. Cette hypothèse expliquerait également la fidélité vis-à-vis de la représentation des dieux par rapport à leur iconographie antique (45). Esculape est en effet fidèle aux conventions classiques : il figure sous les traits d’un homme mature et barbu, vêtu d’une toge dénudant son épaule droite. Il ne tient cependant pas son habituel caducée, mais celui-ci est peut-être sous-entendu par les serpents entremêlés à ses pieds (46). L’iconographie de Chiron présente une même filiation avec la tradition antique. Il brandit un rameau et une peau de bête pend de son épaule. Cette apparence rappelle par ailleurs les représentations astrales de la constellation du Centaure (47). Dans ce cas-ci, le rameau qu’il tient n’est pas forcément la centaurée, plante qui lui est étroitement associée, comme nous le verrons (48). En fusionnant en une image ces trois figures inspirées de la tradition antique, l’enlumineur réalise une représentation ingénieuse, tant par la composition que par le style, tout en restant relativement fidèle au modèle iconographique ancien dont il tire son inspiration. Seule la figure d’Apulée semble comporter une erreur : selon Maria Amalia D’Aronco, l’enlumineur aurait mal compris le modèle pour la figure d’Apulée, qui devait être tête couverte à la manière des prêtres de l’Antiquité, et il aurait ainsi habillé celui-ci d’un vêtement féminin (49). Nous verrons que la confusion suscitée par les vêtements antiques de certaines figures a donné lieu à des représentations parfois cocasses dans certains herbiers. Cette miniature unique rassemble donc en une image le portrait de Chiron face à un auteur, comme celle de Chiron face à Hippocrate, et le portrait de Chiron face à Esculape au sein du texte de l’Herbarius, telle celle que nous verrons dans la seconde partie de ce travail.

    Fig. 8 – Apollon, Deus medicina. Kassel, Landesbibliothek, 2° MS phys. et Hist. nat. 10, f. 39v, première moitié du IXe siècle.
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    Fig. 8 – Apollon, Deus medicina, première moitié du IXe siècle.
    Fig. 9 – Apollo Medicus. Verceil, Bibliothèque capitulaire, ms 202, f. 90v, Xe siècle.
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    Fig. 9 – Apollo Medicus, Xe siècle.

    Dans le manuscrit de Kassel contenant les représentations de Chiron et d’Hippocrate vues plus haut, nous trouvons également celles d’Apollon et d’Esculape. Cette fois, ce n’est plus chez les auteurs qu’il faut rechercher l’origine de leur iconographie mais chez des figures plus illustres encore, à savoir les empereurs et le Christ lui-même. Apollon (fig. 08) est représenté au folio 39v, trônant sur un épais coussin impérial, placé sous une arcade et muni d’un bâton, attribut commun du pouvoir (50). Cette représentation est comparable à une autre miniature illustrant les Etymologies d’Isidore de Séville dans un manuscrit du IXe (Verceil, Bibliothèque capitulaire, ms 202, f. 91v (fig. 09)). Apollon siège de manière semblable sous un arc et est encadré par l’inscription Apollo Medicus. Elle illustre précisément le texte d’Isidore où Apollon est qualifié de fondateur de l’art médical : Medicinae autem artis auctor ac repertor apud Graecos perhibetur Apollo (51) . A ce titre, il est compréhensible que l’on ait voulu le représenter dans une composition qui rappelle celles réservées aux images d’empereurs. Il porte un manteau rouge qui rappelle la chlamyde impériale de couleur pourpre. Son visage est encadré d’une forme qui suggère un nimbe rectangulaire (52), évoquant certains nimbes perlés figurés dans des mosaïques byzantines. Ce motif perlé rappelle aussi les couronnes impériales byzantines ornées de pendillia. Ainsi, la miniature du manuscrit de Kassel et celle du manuscrit de Verceil nous livrent une représentation similaire de l’Apollo medicus (53). Selon Minta Collins, le décor dans lequel figure l’Apollon du manuscrit de Kassel rapproche également cette image des portraits d’empereurs ou d’évangélistes de la période carolingienne, plus particulièrement de ceux du règne de Charles le Chauve, notamment en ce qui concerne certains motifs architecturaux (54) (fig. 10). Elle insiste sur les couleurs dominantes qui sont le rouge, le bleu et le jaune, comme dans le Codex Aureus de Saint-Emmeran (Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 14000, IXe siècle). Nous y retrouvons la même attitude que celle de l’Apollon du manuscrit de Kassel, bien que ce dernier ne possède pas les attributs du pouvoir impérial. Seuls son bâton, son apparence âgée et le décor dans lequel il prend place illustrent son autorité. Sur la base du style de ces enluminures, on estime que ce manuscrit 2° Phys. et Hist. Nat. 10 fut conçu à l’époque carolingienne, ce qui expliquerait les références stylistiques antiques et méditerranéennes (55).

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      Fig. 11 – Esculape, Scolapius Medicus Mag[nus]. Kassel, Landesbibliothek, 2° MS phys. et Hist. nat. 10, f. 1r, première moitié du IXe siècle.
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      Fig. 11 – Esculape, Scolapius Medicus Mag[nus], première moitié du IXe siècle.

      Esculape, le fils d’Apollon, apparaît au recto du premier folio (fig. 11). Il est ici représenté jeune, barbu, les cheveux bruns et courts. Il se détache sur trois cercles superposés et colorés. Le cercle supérieur vert comporte l’inscription : Scolapius medicus mag[nus]. En dessous, mais se superposant au premier cercle, se trouve un second cercle, de couleur rouge et orné de motifs dorés et bleus clairs. Le troisième cercle, au bas de la composition, est le plus grand et se superpose au précédent. Il est bleu, orné d’un motif circulaire rouge et d’éléments végétaux. De ce troisième cercle se détache un petit podium sur lequel reposent les pieds d’Esculape et qui évoque le souppedion, c’est-à-dire le marchepied sur lequel sont parfois figurés le Christ debout, les empereurs byzantins ou encore la famille impériale. Le grand cercle bleu sert de siège à Esculape et les deux cercles supérieurs, plus petits, font office de dossier. Il tient un rouleau dans la main droite où est inscrit le mot MEDICINA. Sa main gauche repose sur son bâton caractéristique, autour duquel se love un serpent. Il est vêtu à l’antique de vêtements blancs et dorés aux drapés esquissés par d’épais traits foncés. Il porte par–dessus celle-ci une longue écharpe dans les tons orangés ainsi que des sandales laissant entrevoir ses orteils. Il s’agit d’une composition ingénieuse où un effet de circularité se dégage très nettement grâce aux trois cercles superposés. Leur taille différente produit un effet de dilatation vers le bas. On retrouve l’écho de ces trois cercles au niveau des drapés qui marquent les épaules, les genoux et le ventre d’Esculape, ce qui en augmente encore davantage l’effet circulaire, cependant atténué par la verticalité de l’écharpe et du bâton. Une diagonale ascendante se construit en commençant par le rotulus déroulé et se poursuit dans l’écartement des bras du personnage. Cela rompt de la même façon la circularité de la composition. Cette illustration, de même que celle d’Apollon, se rattache au style méditerranéen, comme le montrent la frontalité du personnage, son regard fixe et une intense corporalité suscitée par le rendu des drapés et les jeux d’ombres et de lumières créant des modelés marqués.

      Cette représentation d’Esculape est tout à fait originale. En effet, l’emboîtement de sphères sur lesquelles il siège constitue probablement un emprunt à l’iconographie du Christ en majesté (56), majestas domini, assimilant ainsi Esculape à la figure du Christ médecin, un thème populaire au Moyen Âge (57). Au début de la chrétienté, le Christ est dans certains cas présenté comme le « nouvel Esculape » (58) car, par le sacrifice de son corps, il put guérir l’âme des hommes. Cependant, ce type du Christ médecin n’a pas été conservé dans l’iconographie du Moyen Âge. La plus ancienne représentation connue est la gravure d’un livre publié par l’éditeur bruxellois Thomas van der Noot en 1510 (59). Par ailleurs, les représentations du Christ en majesté présentent généralement le Christ assis de face, bénissant de la main droite, et le Livre des Evangiles reposant dans sa main gauche. Esculape tient, quant à lui, un rotulus dans la main droite, ce qui suggère l’ancienneté de ce personnage illustre. Ainsi, bien qu’empruntant des éléments iconographiques au Christ en majesté, cette représentation d’Esculape demeure relativement fidèle à l’iconographie antique du dieu. Il s’agit d’une représentation pour le moins étonnante, traduisant la survie d’une divinité antique au Moyen Âge, tant d’un point de vue cognitif que d’un point de vue formel. Cependant, le contexte de l’image, un livre contenant un texte à caractère médical, et le contexte de création de ce livre, le Moyen Âge chrétien, ont induit un emprunt iconographique à l’une des représentations les plus illustres de cette période, le Christ en majesté, une image visiblement jugée adéquate pour représenter l’un des fondateurs de l’art médical ! Nous sommes donc loin de la perception d’Esculape comme celle d’un démon du paganisme, telle qu’elle a parfois existé au début de l’ère chrétienne (60).

      Conclusion sur les dieux apparaissant comme d’illustres fondateurs de l’art médical

      Il apparaît donc que les dieux présentés en tant qu’illustres fondateurs de l’art médical, au même rang qu’Hippocrate, sont plutôt rares et que leur iconographie varie. Deux représentations présentent des dieux au sein de portraits collectifs, celle du Dioscoride de Vienne et celle du Libro de componere herbe et fructi. Les autres, toutes situées dans des manuscrits contenant le traité de l’Herbarius, se rattachent à des traditions imagées stables et définies comme celles des auteurs seuls ou dialoguant à deux et, dans le cas du manuscrit de Kassel, à celles des empereurs et du Christ en majesté. Le seul point commun à toutes ces images réside dans le fait qu’il s’agit toujours de représentations en pleine page, souvent des frontispices. Par ailleurs, ces divinités sont mises en relation avec la médecine de manière générale et ne sont pas véritablement associées à une plante particulière. Ces représentations servent de références intellectuelles destinées à asseoir l’autorité des écrits qu’elles illustrent (61) et constituent également une forme d’hommage envers ces « savants » de l’Antiquité. Fidèle à la tradition selon laquelle ce serait Apollon, Esculape et Hippocrate qui auraient jeté les bases de la médecine et des différentes écoles, il n’y a rien d’étonnant à ce que ce soit eux qui figurent parmi ce premier type. Chiron s’y ajoute et est même davantage mis en évidence, peut-être en raison du « contexte végétal » des herbiers et de son rôle dans la transmission de la connaissance des remèdes à base de plantes, avant que l’art médical ne soit transmis aux hommes par Apollon et Esculape.

      Deuxième type : les dieux qui découvrent des plantes et transmettent un savoir

      Le deuxième type de représentations se différencie du premier non seulement par l’emplacement des divinités directement au sein du texte – principalement dans l’Herbarius – mais aussi par la relation que celles-ci entretiennent avec une plante bien précise. Le texte suit l’habitude antique d’associer des plantes et des dieux (62). L’influence des auteurs de l’Antiquité, notamment de Pline, est ici perceptible. Son livre XXV sur les plantes bienfaisantes abonde en références mythologiques de ce type. Ces associations entre le dieu et la plante s’expliquent généralement par le fait que ce sont des dieux qui ont découvert ces plantes et ont transmis les secrets de leurs vertus aux êtres humains, parfois par l’intermédiaire d’autres personnages mythiques. Cependant, l’auteur de l’Herbarius ne reprend que quelques-unes de ces découvertes mythiques et il semble que, les siècles passant, l’explication du lien unissant un dieu et une plante se soit transformée et simplifiée. Cette évolution s’accompagne d’une perte de la connaissance formelle de ces divinités païennes.

      Avant d’entamer l’analyse de ces représentations, mentionnons trois points importants. Premièrement, Chiron et Esculape font également partie de ce deuxième type. La typologie que je propose est donc relativement perméable ; la représentation d’un dieu en tant que fondateur de l’art médical ne constitue en rien un frein à sa présence en tant que découvreur de simples. Cela implique que des influences iconographiques ont pu se produire d’un type à l’autre. Deuxièmement, ce second type réunit généralement des divinités au sein d’un même traité, l’Herbarius du Pseudo-Apulée (63). Il forme donc un cycle illustré que l’on retrouve de manière relativement stable dans plusieurs manuscrits souvent apparentés mais d’époques différentes. Le traité de l’Herbarius a vraisemblablement été rédigé au IVe siècle ap. J.C. et il connut un grand succès tout au long du Moyen Âge. Parfois illustré, il reprend 131 plantes pour lesquelles il donne à chaque fois une liste de synonymes dans différentes langues, les endroits où on peut les récolter et les maux qu’elles peuvent soigner. De multiples considérations magiques accompagnent ces notices botanico-thérapeutiques. Le texte est anonyme mais il fut attribué à Apulée de Madaure, le célèbre écrivain et philosophe du IIe siècle de notre ère bien qu’il n’en soit probablement pas l’auteur (64). De ce dernier, on sait peu de chose, notamment qu’il n’était sans doute pas un médecin (65) et qu’il semble s’être inscrit dans une tradition païenne légèrement teintée de christianisme (66). Troisièmement, Esculape apparaît également dans le De herba vettonica liber, texte qui précède bien souvent l’Herbarius et que l’on a souvent inclus dans le « Complexe de l’Herbarius » (67) . C’est avec lui que nous commencerons l’analyse de ce second « type ».

      Esculape découvrant la bétoine

      Dans au moins trois manuscrits, Esculape apparaît découvrant la bétoine (herba vettonica - Betonica officinalis L., 1753) dans le De herba vettonica liber, traité qui serait une lettre du célèbre médecin d’Auguste, Antonius Musa, adressée au général Marcus Agrippa (68). On y trouve 47 remèdes tirés des vertus thérapeutiques de la bétoine. Ce texte est presque toujours associé à l’Herbarius du Pseudo-Apulée. Il débute par une prière adressée à la bétoine, dans laquelle Esculape et Chiron sont mentionnés : « Herbe bétoine, toi qui as été découverte la première par Esculape et par le centaure Chiron, sois favorable à mes prières. Je t’implore, herbe puissante, par celui qui a donné l’ordre que tu sois créée et que tu serves à une foule de remèdes ; veuille aider à composer les 47 remèdes que voici » (69). En-dehors de la découverte que fit Esculape de cette plante, rien ne suggère véritablement une relation particulière entre celle-ci et le dieu. Ainsi, la référence à Esculape, de même qu’à Chiron – qui n’est d’ailleurs pas représenté –, résultent peut-être de la volonté de l’auteur de souligner l’origine « divine », ou du moins des plus illustres, de cette plante de façon à mettre en valeur son efficacité. Il est intéressant de souligner le fait que durant la période médiévale, la bétoine, de même que la rue et l’armoise, dont nous parlerons plus loin, furent souvent considérées comme des plantes magiques (70). La référence à Esculape constitue sans doute également une forme d’hommage à ce glorieux personnage.

      Fig. 12 – Esculape découvrant la bétoine. Paris, BnF, Lat. 6862, f. 18v, fin du IXe siècle.
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      Fig. 12 – Esculape découvrant la bétoine, fin du IXe siècle.
      Fig. 13 – Esculape découvrant la bétoine. Florence, Biblioteca Laurenziana, Plut. 73.16, f. 20r, XIIIe siècle.
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      Fig. 13 – Esculape découvrant la bétoine, XIIIe siècle.

      D’un point de vue formel, l’Antiquité gréco-romaine représentait généralement Esculape de manière très simple, sous la forme d’un homme d’âge mûr, barbu et muni de son bâton autour duquel se love un serpent. Cette pauvreté plastique serait liée au fait que son culte ne se développa que tardivement, après que la plupart des scènes narratives aient été fixées iconographiquement à l’époque archaïque (71). Il n’existe donc a priori pas de représentation d’Esculape découvrant la bétoine dans l’Antiquité. La plus ancienne représentation conservée (72) de ce type se trouve dans un manuscrit carolingien (Paris, BnF, Lat. 6862, f. 18v (fig. 12)) (73) qu’Augusto Beccaria date de la fin du IXe siècle ou du tout début du Xe siècle (74). Esculape, vêtu à la mode médiévale, est figuré tel un jeune homme récoltant, dans un panier, la bétoine qu’il vient de découvrir au détour d’un chemin. Il est accompagné d’une inscription explicative : Scolapius qui vetonicam invenit. L’iconographie d’Esculape ne se rattache pas du tout à la tradition antique (75). Cette représentation pourrait donc constituer une addition plastique carolingienne au texte de l’Antiquité tardive. Cette miniature peut être associée à deux autres représentations d’Esculape du XIIIe siècle, également dans le De herba vettonica liber (Florence, Biblioteca Laurenziana, Plut. 73.16 (76), f. 20r (fig. 13) ; Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. 93 (77), f.13v (fig. 14)). Ici, Esculape est aussi représenté tel un jeune cueilleur de simples portant une bêche posée sur l’épaule gauche et un panier suspendu au bras gauche également. Il est vêtu humblement d’une courte tunique et ne porte pas de chaussures. Il tient des tiges de bétoine dans la main droite. Face à lui se trouve une grande bétoine qu’il regarde.

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        Fig. 15 – Precatio Terrae. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. 93, f. 9r, XIIIe siècle
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        Fig. 15 – Precatio Terrae, XIIIe siècle.

        Ces deux manuscrits apparentés auraient peut-être été copiés à partir d’un même modèle (78) dont l’archétype remonterait au Ve siècle (79) à moins qu’ils constituent le résultat d’un lent processus de fusion d’images provenant de sources différentes (80). La deuxième hypothèse expliquerait pourquoi ces manuscrits contiennent certaines figures mythologiques fidèles à la tradition iconographique antique, comme celles de la Precatio Terrae (81) (Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73.16, f. 13v et Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73.16, f. 13v (fig. 15)), ainsi que d’autres qui s’en écartent largement, comme celle d’Esculape abordée ici ou encore celles de Diane ou de Mercure que nous verrons plus loin. Dans les Plut. 73.16 et Cod. 93, l’illustration de la Precatio Terrae présente les personnifications de la Terre et de l’Océan. Les attributs de la Terre sont une corne d’abondance et un serpent, tandis que l’Océan tient une rame et un trident et est flanqué d’un monstre marin (82). Un manuscrit de la Yale Medical Library de Yale (Manuscript 18, f. 5v), daté des environs de 1400, propose une version originale de cette iconographie (fig. 16). Outre qu’elle semble mélanger l’illustration de la Precatio Terrae et de la Precatio omnium herbarum, figurant un personnage masculin esquissant un geste de prière, cette image révèle la méconnaissance des motifs de l’Antiquité dont fait preuve l’enlumineur du début du XVe siècle: la personnification de la Terre apparaît sous les traits d’un personnage soutenant une sorte de pot de fleur. L’Océan n’est quant à lui plus muni que d’une houe et d’une pelle! L’adaptation qu’il a choisie s’accorde au demeurant bien au contexte d’un traité sur les plantes.

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          Bien que l’Herbarius du Pseudo-Apulée suive le De herba vettonica liber dans le manuscrit Lat. 6862 de la BnF et que des divinités soient mentionnées dans le texte (83), il n’y pas d’autres dieux représentés, ni aucune autre scène à caractère mythologique, contrairement aux manuscrits Plut. 73.16 et Cod. 93. Ainsi, si ces miniatures sont apparentées, nous pourrions imaginer qu’il existait une autre représentation d’Esculape de ce type, soit antérieure au Lat. 6862 du IXe siècle, soit contemporaine de celui-ci et contenant d’autres représentations de dieux antiques qui servirent de modèles aux images des manuscrits Plut. 73.16 et Cod. 93.

          Dans le même manuscrit conservé à la bibliothèque de Yale, le folio 6r, illustrant le De herba vettonica liber, livre une représentation (fig. 17) peut-être basée sur celle d’Esculape découvrant la bétoine des manuscrits Plut. 73.16 et Cod. 93. On y aperçoit un personnage lisant un livre tout en donnant des instructions à une autre figure qui coupe une tige de bétoine. La scène d’Esculape découvrant la bétoine aurait été transformée en une représentation plus traditionnelle de la fin du XIVe siècle, dans laquelle un médecin donne des instructions à un aide ou à un élève. La plante ressemble d’ailleurs fort à la bétoine que découvre Esculape dans les deux manuscrits du XIIIe siècle.

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            Diane et les armoises

            Après avoir abordé Esculape dans le De herba vettonica liber, penchons-nous sur les autres représentations qui enrichissent ce deuxième groupe et qui figurent toutes dans le traité de l’Herbarius.

            L’exemple de Diane et des armoises est particulièrement représentatif de l’évolution qui a pu se produire autour de la relation entre une divinité, une plante, sa signification et sa représentation. Dans son Histoire Naturelle, Pline l’Ancien aborde les plantes qui portent le nom d’un roi et écrit dans un passage sur les armoises que : « Des femmes elles aussi ont ambitionné cette gloire. Parmi elles Artémise, femme de Mausole, adopta la plante appelée auparavant parthénis. Certains pensent qu’elle tient son nom d’Artémis Ilithyie, car elle est un remède spécifique des maladies des femmes » (84). Pline fait donc référence à la Reine de Carie et de Rhodes, Artémise, épouse de Mausole, tout en nuançant clairement la confusion existant entre cette reine et la déesse Artémis Ilithyie. Celle-ci correspond à une divinité syncrétique réunissant Artémis ou Diane, déesse lunaire associée à la chasse et à la chasteté, et Ilithyie – Lucine chez les Romains – un génie féminin qui présidait aux accouchements (85). Ce rapprochement entre les deux personnages se justifie par le rôle d’Artémis au moment de la naissance de son jumeau, Apollon : née la première, elle aurait d’emblée aidé sa mère, Léto, à accoucher de celui-ci (86).

            Fig. 18 – Diane, Chiron et les armoises. Londres, British Library, Sloane 1975, f. 17v, fin du XIIe siècle.
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            Fig. 18 – Diane, Chiron et les armoises, fin du XIIe siècle.

            Bien que l’Herbarius soit en bonne partie tributaire de Pline, il semble que la confusion entre Diane/Artémis et Artémise n’ait pas pu être évitée et c’est ainsi qu’on y lit : « C’est, dit-on, Diane qui a découvert ces trois armoises et qui a transmis leurs pouvoirs et leurs remèdes au centaure Chiron, le premier à mettre au point une médication à partir de ces plantes. Il a donc nommé ces plantes artemisia, armoise, d’après le nom de Diane » (87). Cette erreur semble être devenue la règle puisqu’on la retrouve chez d’autres auteurs médiévaux comme Isidore de Séville et Albert le Grand qui cite ce dernier (88). Associé à ce texte, se trouve la représentation de Diane remettant à Chiron trois armoises (fig. 18). Dans les exemplaires les plus tardifs, Chiron tend une étoffe destinée à recevoir délicatement les plantes que lui offre la déesse (89). Ainsi, les plantes représentent ici le savoir qui les concerne. La transmission de la connaissance se traduit par la représentation d’un don végétal.

            Les trois armoises dont parle l’auteur de l’Herbarius sont Artemisia monoclonos (« armoise à tige simple » ; Artemisia arborescens L. ou Artemisia vulgaris L. (90) ), Artemisia tagantes (« armoise tragante » ; Tanacetum vulgare L., la tanaisie) et Artemisia leptophyllos (« armoise à feuilles minces » ; Artemisia campestris L. (91) ou Artemisia pontica L. (92) ). Il ne nous appartient pas de juger de l’efficacité des remèdes préconisés dans l’Herbarius, bien qu’il semble qu’une relative cohérence s’en dégage parfois (93). Cependant, deux remèdes attirent particulièrement notre attention, car ils se réfèrent de manière étroite à la déesse Artémis. Le premier concerne les deux premières sortes d’armoises. Elles faciliteraient les voyages, soulageraient les douleurs aux pieds et éloigneraient les mauvais esprits et le mauvais œil : « Avec de l’armoise, si un voyageur en porte avec lui, dans sa main, il ne ressentira pas la fatigue du voyage. Elle met aussi en fuite les mauvais esprits et, placée dans la maison, elle protège des maléfices. Elle écarte le mauvais œil » et « Pour le mal aux pieds. L’armoise broyée mélangée avec de l’axonge, application sur les pieds, fera disparaître la douleur » (94). Chez Pline, la notion de déplacement est associée à celle de la protection contre le soleil : « ceux qui portent sur eux de l’armoise n’ont rien à craindre des substances nocives ni d’aucune bête, ni même du soleil » (95). Dans le même ordre d’idées, la plante serait particulièrement efficace lorsqu’elle est cueillie ou utilisée de nuit : le suc de l’artemisia aurait « le plus de force quand il est recueilli à la pleine lune » (96). L’auteur du Carmen de viribus herbarum insiste sur le fait qu’il faut cueillir la plante avant le lever du soleil (97). Ces vertus seraient à l’image de la déesse dont la fonction lunaire lui a parfois valu d’être représentée sous la forme d’un char tiré par des bœufs (98). Ainsi, les armoises facilitent les voyages et les déplacements nocturnes, tout comme cette divinité se déplace la nuit sur son char lunaire.

            Le second usage des armoises qui nous intéresse est celui exploitant ses propriétés emménagogues (99) et abortives, aussi utilisées pour accélérer les accouchements et faire sortir l’arrière-faix (100). Nous avons vu plus haut qu’Artémis, confondue avec Ilithyie, présidait aux accouchements en raison du mythe de sa naissance et de celle de son jumeau. Ce patronage semble être encore connu au Moyen Âge puisque dans le Premier mythographe du Vatican, rédigé vers le XIIe siècle, on lit : « On dit que Diane à peine née aida sa mère, comme sage-femme, à accoucher d’Apollon. C’est pourquoi, bien que Diane soit une vierge, elle est invoquée par les parturientes. Elle est en effet Junon, Diane, Proserpine. […] Diane, disons-nous, naquit la première, la raison en est la suivante : on sait que la nuit exista la première et que la lune, c’est-à-dire Diane, est l’ornement de la nuit ; le jour vient après, produit par le soleil, qui est Apollon » (101). Les propriétés « féminines » des artemisia ne sont pourtant pas reprises dans l’Herbarius (102) bien qu’elles aient été explicitées chez Pline : « certains pensent qu’elle [l’artemisia] tient son nom d’Artémis Ilithyie, car elle est un remède spécifique des maladies des femmes » (103). Il ajoute que « L’armoise pilée introduite dans un pessaire fait avec de l’huile d’iris, une figue ou de la myrrhe, est un bon remède pour la matrice ; sa racine, en boisson, la vide tellement qu’elle en expulse les fœtus morts. La décoction de ses rameaux, employée en bain de siège, fait venir les règles et sortir l’arrière-faix ; une drachme de ses feuilles en potion agit de la même façon. Celles-ci sont, en outre, bonnes pour tous ces usages, en application sur le bas-ventre avec de la farine d’orge » (104). Plusieurs siècles plus tard, Barthélemy l’Anglais écrit à propos de l’artemisia qu’elle est mater herbarum dicta, qu’elle « provoque les règles » et qu’elle « nettoie et renforce la matrice » (105). Les différents noms donnés aux armoises dans l’Antiquité font aussi référence à ces propriétés et au lien avec Artémis (106).

            Fig. 19 – Homme zodiacal. Cambridge, Fitzwilliam Museum 167, f. 35v, deuxième moitié du XVe siècle.
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            Fig. 19 – Homme zodiacal, deuxième moitié du XVe siècle.

            Par ailleurs, lorsqu’on se penche sur quelques conceptions astro-botaniques dans l’Antiquité, qui ont été brillamment présentées par Guy Ducourthial, on constate que les armoises sont placées sous le patronage du signe du Scorpion (107). Or, le Scorpion règne également sur la zone du pubis dans les mélothésies zodiacales comme l’illustrent les multiples représentations de l’homme astronomique (fig. 19). Reste à trouver un lien entre le scorpion et la déesse Artémis. Celui-ci réside dans les étoiles puisqu’Artémis aurait créé le scorpion pour châtier Orion après qu’il eut attenté à sa précieuse chasteté (108). Le Scorpion est ainsi un signe nocturne étroitement lié à la déesse Artémis, sa créatrice ! On ne peut qu’être admiratif devant la complexité des liens et les forces symboliques des systèmes philosophico-médicaux qui ont été élaborés au cours du temps !

            Fig. 20 – Diane, Chiron et les armoises. Florence, Biblioteca Medicea Laureziana, Plut. 73. 41, f. 23r, première moitié du IXe siècle. Reproduction tirée de l’ouvrage de Minta Collins, Medieval Herbals. The illustrative tradition, Londres, The British Library, 2000, p. 171, pl. XIV.
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            Fig. 20 – Diane, Chiron et les armoises, première moitié du IXe siècle.

            Malgré cette étroite et ancienne relation, il est étonnant de constater que l’Herbarius ne mentionne pas les « vertus féminines » des armoises. La présence de Diane s’y justifie autrement : la déesse a découvert leurs vertus, les a transmises à Chiron qui les a ensuite confiées aux êtres humains et a nommé ces plantes en hommage à la déesse. Le temps passant, il est possible que la connaissance du lien unissant Artémis et les armoises se soit effacé et qu’on se soit contenté de la simple explication de la découverte de ces plantes pour justifier leur nom. C’est en tout cas ce que pourrait suggérer l’évolution iconographique de la scène de Diane offrant les armoises à Chiron. Dans le plus ancien exemplaire (Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Ms Plut. 73. 41, f. 23r (fig. 20)), Chiron et Diane sont représentés dans une composition qui, certes, ne correspond à aucune scène habituelle de l’Antiquité, mais sous une forme individuelle relativement fidèle à la tradition : Chiron tient le gourdin typique des centaures et Diane est revêtue de son habituel chiton court. On remarque d’ailleurs l’évocation des plis de sa tunique au niveau de la taille, typique du vêtement antique de la déesse. Ce trait se retrouve dans un exemplaire italien du XIIe siècle (Londres, British Library, Harley 5294, f. 14r (fig. 21)) qui serait basé sur le manuscrit Plut. 73.41 (109).

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              Dans trois manuscrits plus ou moins contemporains réalisés en Angleterre ou dans le nord de la France à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle (Londres, British Library, Harley 1585 (110), f. 22r ; Oxford, Bodleian Library, Ashmole 1462 (111), f. 18r ; Londres, British Library, Sloane 1975 (112), f. 17v), Diane s’éloigne de ses représentations antiques. Elle est soumise à la mode du temps et porte une coiffe médiévale. Son chiton court à l’antique a été quant à lui remplacé par une longue robe blanche marquée d’élégants drapés (fig. 18-22-23).

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                Fig. 24 – Diane, Chiron et les armoises. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. 93, f. 32v, XIIIe siècle.
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                Fig. 24 – Diane, Chiron et les armoises, XIIIe siècle.

                L’oubli des formes antiques atteint son apogée dans deux manuscrits du XIIIe siècle déjà abordés plus haut à propos d’Esculape (Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73. 16, f. 44v ; Vienne, Österreichische Nationalbilbiothek, Cod. 93, f. 32v). La scène reste globalement identique, mais en y regardant de plus près, on observe de significatives modifications. Diane porte bien une tunique courte. Cependant, celle-ci a peut-être induit l’enlumineur en erreur : copiant un modèle plus ancien et ne connaissant visiblement pas cette déesse, ni son iconographie, il a peut-être cru que cet habit court devait être celui d’un personnage masculin (113) et a donc affirmé son caractère viril en le représentant sous les traits d’un homme barbu, portant vraisemblablement un chapeau et dont l’allure générale évoque davantage un paysan que l’antique déesse Artémis (fig. 24).

                Une tradition iconographique revue et corrigée à la Renaissance
                Fig. 25 – Frontispice de l’Histoire des plantes de Rembert Dodoens figurant la reine Artémise et les rois Gentius, Lysimaque et Mithridate. Rembert Dodoens, Histoire des plantes : en laquelle est contenue la description entière des herbes, c'est–à–dire leurs espèces, forme, noms, tempérament, vertus & opérations, non seulement de celles qui croissent en ce païs, mais aussi des autres estrangères qui viennent en usage de médecine, de l'impr. de Jean Loë, Anvers, 1557.
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                Fig. 25 – Frontispice figurant la reine Artémise et les rois Gentius, Lysimaque et Mithridate de l’Histoire des plantes de Rembert Dodoens publié à l'impr. de Jean Loë à Anvers en 1557.

                Les représentations mythiques au sein des herbiers semblent disparaître avec le développement de nouvelles compilations, dès les XIIe et XIIIe siècles, en partie inspirées de textes venus d’Orient (114). Cependant, la représentation de Diane et Chiron réapparaît dans le frontispice de l’édition de 1557 de l’Histoire des Plantes de Rembert Dodoens (fig. 25). Apollon et Esculape apparaissent au sommet de l’image tandis que dans le registre médian, à droite, une femme couronnée, derrière laquelle se trouve un satyre, est associée à l’inscription « Arthemisia ». Bien que l’iconographie découle de celle de Chiron et de Diane dans l’Herbarius, force est de constater qu’il ne s’agit ici pas ici de la déesse, mais bien de la reine Arthémise dont parlait Pline l’Ancien (115). En effet, outre le fait qu’elle est couronnée, les trois autres personnages, figurés au même niveau qu’elle, sont les rois Gentius et Mithridate à gauche et le roi Lysimaque à droite. Gentius, Lysimaque et Arthémise sont mentionnés par Pline dans trois chapitres consécutifs (116). Gentius aurait donné son nom à la gentiane et Lysimaque à la plante aux pétales jaunes qui porte son nom. Mithridate, quant à lui, ne tient pas une plante, mais un pot à onguent faisant référence au célèbre antipoison qu’il avait fait confectionner, motivé par la peur d’être empoisonné. Ainsi, si l’iconographie dérive peut-être de la représentation de Diane et Chiron dans les herbiers médiévaux, l’esprit humaniste, caractérisé par une volonté de retour aux textes d’origine, corrige l’illustration en changeant Artémis en Artémise. Dans le chapitre sur l’armoise, Dodoens explique le nom de cette plante en citant effectivement Pline et il ne fait nulle référence à Chiron (117). La source textuelle et la source iconographique diffèrent donc, ce qui ne les empêche pas de se mélanger pour offrir une nouvelle version de cette scène.

                Chiron et les centaurées

                Fig. 26 – Chiron tenant la grande centaurée. Londres, British Library, Harley 1585, f. 29r, deuxième moitié du XIIe siècle.
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                Fig. 26 – Chiron tenant la grande centaurée, deuxième moitié du XIIe siècle.
                Fig. 27 – Chiron tenant la grande centaurée. Londres, British Library, Sloane 1975, f. 23r, fin du XIIe siècle.
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                Fig. 27 – Chiron tenant la grande centaurée, fin du XIIe siècle.

                L’Herbarius contient également une représentation de Chiron associé à la grande et à la petite centaurée : « C’est, dit-on, le centaure Chiron qui a découvert ces plantes et c’est de lui qu’elles tirent leur nom de centaurée » (118). Cependant, on le trouve parfois représenté brandissant la grande centaurée (Londres, British Library, Harley 1585, f. 29r (fig. 26), et Sloane 1975, f. 23r (fig. 27), Oxford, Bodleian Library, Ashmole 1462, f. 23r (fig. 28)), parfois tenant les deux plantes (Vienne, ÖNB, Cod. 93, f. 52r (fig. 29) et Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73.16, f. 68r (fig. 30)). Mylène Pradel-Baquerre souligne le fait que « la grande et la petite centaurées se mêlent quelque peu dans l’Herbier, tant au niveau des soins qu’au niveau des synonymes » (119). C’est donc également le cas d’un point de vue iconographique. Des multiples usages proposés pour les deux centaurées, il en est deux que je retiendrai ici. Le premier est celui indiqué pour confectionner des soins vulnéraires : « 3. Pour les blessures ulcéreuses ou les chancres. La grande centaurée écrasée, en application, empêche la formation d’un œdème. 4. Pour les contusions et les hématomes. Le jus de grande centaurée en friction avec de l’eau est extrêmement efficace. 5. Pour les blessures récentes. La grande centaurée est si efficace pour cicatriser les plaies que les viandes cuites dans son eau ne se détachent pas » (120). Les ulcères ont été associés à Chiron en raison de sa mort : blessé accidentellement par une flèche d’Hercule, trempée dans le sang de l’hydre de Lerne, Chiron développa un ulcère incurable et fort douloureux (121). Pour abréger ses souffrances, Jupiter décida de le placer dans le ciel et créa ainsi la constellation du centaure (122). D’autres plantes associées à Chiron ont été proposées pour soigner les plaies, et plus précisément celles des animaux de trait. Par exemple, la bryone ou vigne noire, également appelée « panacée de Chiron », était réputée soulager le cou à vif des bêtes de somme (123). Cet usage particulier est une probable référence à l’anatomie de Chiron qui, comme l’écrivait Isidore de Séville, aurait été le premier vétérinaire et aurait inventé des remèdes spécifiques pour les animaux de trait (124).

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                  Le second remède retenu est celui associé à la vue : « Le jus de petite centaurée instillé dans les yeux guérit les baisses de vision, il est utile d’y ajouter du miel. S’il y a aussi des troubles de la vision, pour retrouver une vision nette, faire cuire une poignée de petite centaurée dans un conge de vin, faire macérer trois jours puis filtrer ; le malade doit boire quotidiennement jusqu’à une hémine du mélange additionné de miel » (125). Cette idée se retrouvait déjà chez Pline pour qui : « la grande centaurée fortifie la vue si on s’en bassine les yeux avec de l’eau, que le suc de la petite centaurée avec du miel dissipe les mouches volantes, les néphélions et l’obscurcissement, et atténue les cicatrices, et que la sidéritis enlève les taies même des bêtes de somme » (126). Au XIIe siècle, chez Barthélemy l’Anglais, nous lisons : « centaurea […] visum clarificat » (127). La grande centaurée dont il est question dans l’Herbarius correspondrait au bleuet (Centaurea centaurium L.) (128), traditionnellement utilisé pour soigner des irritations et gênes oculaires (129) comme l’atteste d’ailleurs l’un de ses noms populaires, « casse-lunette ». Cet usage serait à mettre en relation avec la couleur bleue des capitules, liée à la présence d’anthocyanosides (130), qui rappellerait peut-être les cernes sous les yeux. En herboristerie traditionnelle, l’eau de bleuet est d’ailleurs conseillée pour atténuer les cernes et soulager les « yeux fatigués ». En ce qui concerne l’association avec le centaure Chiron, celle-ci réside peut-être dans un mythe relaté par Apollodore : « Il [Achille] y [à Troie] fut accompagné par Phoenix, fils d’Amyntor. Celui-ci avait été aveuglé par son père sur une dénonciation mensongère de Phthia, la concubine de son père, qui l’accusait d’avoir abusé d’elle. Mais Pélée l’avait emmené chez Chiron pour qu’il lui guérisse les yeux, puis il avait fait de lui le roi des Dolopes » (131). Ce récit atteste donc une prédisposition de Chiron à soigner les troubles oculaires, ce qui explique le lien entre le dieu, la plante et son usage médicinal.

                  Fig. 31 – Chiron tenant la petite centaurée et Esculape. Londres, British Library, Harley 5294, f. 22r, XIIe siècle.
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                  Fig. 31 – Chiron tenant la petite centaurée et Esculape, XIIe siècle.
                  Fig. 32 – Chiron tenant la rue des montagnes et Esculape. Vienne, ÖNB, Cod. 93, f. 114v, XIIIe siècle.
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                  Fig. 32 – Chiron tenant la rue des montagnes et Esculape, XIIIe siècle.

                  D’un point de vue iconographique, Chiron apparaît brandissant la ou les centaurée(s) dans cinq manuscrits. Il diffère de ses représentations avec Diane où il tenait parfois un gourdin, parfois un linge destiné à recevoir les artemisia. Il semble ainsi convenu que c’est le découvreur qui tient les plantes, les offrant parfois à un autre personnage. Ce don matériel symbolise la transmission de connaissances. Dans un manuscrit, le Harley 5294, Chiron tient deux tiges de petite centaurée et les offre cette fois à Esculape, qui semble prêt à les recevoir dans un tissu, comme Chiron lorsqu’il est face à Diane (Londres, British Library, Harley 5294, f. 22r (fig. 31)). Ce couple « Chiron-Esculape » se rencontre à d’autres reprises dans le texte de l’Herbarius, mais en relation avec une autre plante, l’erifion, qui correspondrait à la rue des montagnes (132) (fig. 32). Cette association n’apparaît que dans certains manuscrits, ceux appartenant à la classe b (133) où se trouve la prière suivante : « Rue des montagnes, puisses-tu m’assister, moi qui t’implore, puisse ton pouvoir m’aider volontiers et soigner tout ce pour quoi Esculape et le centaure Chiron, le maître de la médecine, t’ont découverte » (134). Bien que la scène du don de Chiron à Esculape soit fort semblable, les plantes brandies par le centaure ne permettent pas la confusion. Notons par ailleurs que la rue des montagnes (Ruta montana L. ou Ruta chalepensis L.) est parfois aussi préconisée pour les problèmes ophtalmologiques : « Le suc de rue des montagnes est mélangé à du suc de fenouil et du miel, en bassiner les yeux éclaircit la vue » (135). Serait-ce lié à l’association avec Chiron ou, inversement, cela expliquerait-il sa présence ?

                  La scène de Chiron face à Esculape n’est pas sans rappeler celle de Chiron face à Hippocrate dans le manuscrit de Kassel (Kassel, Landesbibliothek, 2° MS phys. et Hist. nat. 10, fol. 38v et 39r, fig. 4 et 5) que nous avions classée dans le premier groupe. Si l’hypothèse selon laquelle cette dernière constituerait une scène de discussion répartie sur deux folios est exacte, pourrions-nous être face à une représentation dérivée ? Nous pouvons également associer ce couple « Chiron-Esculape » au frontispice du manuscrit de la British Library (Londres, British Library, Cotton MS Vitellius C III, f. 19r, fig. 6) où ils sont accompagnés d’un « portrait » du Pseudo-Apulée. Cette comparaison renforce l’hypothèse de Maria Amalia D’Aronco, selon laquelle il s’agirait d’un « collage » (136) associant un portrait d’auteur avec la représentation du couple « Chiron-Esculape » habituellement figurés avec la centaurée ou avec la rue des montagnes.

                  Mercure et le moly

                  Fig. 33 – Homère, Mercure et le moly. British Library, Harley 1585, f. 33v, deuxième moitié du XIIe siècle.
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                  Fig. 33 – Homère, Mercure et le moly, deuxième moitié du XIIe siècle.
                  Fig. 34 – Homère, Mercure et le moly. Londres, British Library, Sloane 1975, f. 27r, fin du XIIe siècle.
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                  Fig. 34 – Homère, Mercure et le moly, fin du XIIe siècle.

                  Il reste encore deux groupes de personnages mythiques dans l’Herbarius. Tous deux se réfèrent aux épopées homériques, ce qui souligne la prégnance de la tradition gréco-romaine dans le texte de l’Herbarius. Il existe une représentation de Mercure, Homère et le moly dans plusieurs manuscrits : Londres, British Library, Harley 1585, f. 33v (fig. 33) ; Londres, British Library, Sloane 1975, f. 27r (fig. 34) ; Oxford, Bodleian Library, Ashmole 1462, f. 26v (fig. 35) ; Florence, Biblioteca Laurenziana, Plut. 73.16, f. 80r (fig. 36) ; Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. 93, f.61v (fig. 37). Homère est figuré comme un auteur, voire comme un instructeur. Face à lui, Mercure brandit le moly. L’illustration se justifie par l’explication suivante : « C’est la plus célèbre des plantes selon Homère et il attribue à Mercure sa découverte et son utilisation contre les maléfices suprêmes, elle a une racine ronde et noire, de la taille de l’oignon » (137). Le texte fait ici référence au célèbre passage de l’Odyssée où Ulysse, arrivé à Aiaié, l’île de Circé, se met en route pour aller délivrer ses compagnons transformés en pourceaux par la sorcière (138). Hermès apparaît alors à Ulysse et lui donne « l’herbe de vie » qui permettra à Ulysse de déjouer les mauvais sorts de Circé (139). Si la célébrité de la plante que Mercure livre à Ulysse est indéniable, son identification pose quant à elle problème (140) puisque dans l’Odyssée, le moly est le nom de la plante qu’utilisent les dieux. La description faite dans le texte de l’Herbarius est très réduite et ne permettrait sans doute pas de déterminer avec exactitude de quelle plante il s’agit. Bon nombre d’auteurs la décrivent comme la plus célèbre des plantes bénéfiques et c’est d’ailleurs la première plante que cite Pline l’Ancien lorsqu’il aborde les plantes salutaires : « La plus célèbre des plantes, au témoignage d’Homère, est celle qu’il croit être appelée moly par les dieux ; il en attribue à Mercure la découverte et l’indication de ses propriétés contre les plus puissants maléfices » (141). Pour avoir protégé Ulysse des maléfices de la magicienne, cette plante a acquis la renommée d’antidote universel. D’ailleurs, Pline la décrit comme le premier remède à utiliser en cas d’empoisonnement (142) et c’est aussi l’usage préconisé dans l’Herbarius.

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                    Fig. 36 – Homère, un archiatre, Mercure et le moly. Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 73.16, f. 80r, XIIIe siècle.
                    Photo The Mackinney Collection of Medieval Medical IllustrationClose
                    Fig. 36 – Homère, un archiatre, Mercure et le moly, XIIIe siècle.
                    Fig. 37 – Homère, un archiatre, Mercure et le moly. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. 93, f. 61v, XIIIe siècle.
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                    Fig. 37 – Homère, un archiatre, Mercure et le moly, XIIIe siècle.

                    L’iconographique de Mercure suit assez fidèlement le texte de l’Herbarius latin. Seuls Homère et Mercure sont nommés et représentés. En revanche, dans l’Herbarius en vieil anglais, Ulysse et Circé sont tous deux cités, contrairement à Homère : « Concerning this plant, it is said the Mercury gave it to Lord Ulysses when he met Circe, and because of it he did not fear any of her evil deeds » (143). La représentation de Mercure et d’Homère dans l’Herbarius latin est relativement simple elle aussi. Le dieu, souvent nu, est figuré avec des ailes qui lui sortent de la tête et des chevilles, une réminiscence de son pétase et de ses sandales ailées. Les deux exemplaires du XIIIe siècle, déjà évoqués plus haut, présentent, comme nous l’avons vu, des illustrations éloignées des motifs antiques pour Esculape, représenté sous les traits d’un jeune cueilleur de simples, et Diane, figurée sous l’apparence d’un homme barbu. Il en va de même pour Mercure (fig. 36-37) dont les ailes ont été remplacées par de ravissantes petites feuilles ! Il s’agit d’une prise de liberté de la part de l’enlumineur qui, bien que parfaitement adaptée au contexte d’un herbier, n’en demeure pas moins étonnante, quelque peu touchante et traduit à nouveau une méconnaissance des formes de l’Antiquité (144). Notons finalement qu’un personnage, nommé comme étant un archiatre (archiater), a été intégré entre Mercure (mercuri’) et Homère (Omerus auctor). Ainsi, Mercure brandissant le moly est légèrement écarté de la scène centrale où Homère semble livrer une leçon médicale à un médecin. Mercure s’apparente ainsi davantage à la métaphore d’une source d’inspiration comparable à celle du folio 5v du Dioscoride de Vienne dans laquelle un peintre représente une mandragore tenue par la personnification de la Pensée ou de la Réflexion, Epinoia. Il s’agit d’un patronage spirituel correspondant à ce que nous appelons aujourd’hui le « génie créateur » de l’auteur ou de l’artiste (145). Cette tendance à écarter le mythe pour se rapprocher de l’enseignement et de la transmission du savoir expliquerait peut-être pourquoi Ulysse et Circé ne sont pas représentés.

                    Achille, Hector et l’achillée millefeuille

                    Fig. 38 – Achille, Hector et l’achillée millefeuille. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. 93, f. 90v, XIIIe siècle.
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                    Fig. 38 – Achille, Hector et l’achillée millefeuille, XIIIe siècle.

                    Le second groupe « homérique » correspond à la représentation d’Achille et d’Hector en relation avec l’achillée millefeuille (Achillea millefolium L.) (fig. 38) : « C’est Achille qui a découvert cette plante avec laquelle il a soigné ses blessures après avoir été frappé par une arme en fer. C’est pour cette raison qu’on l’appelle Achillea et c’est avec elle, dit-on, qu’il a guéri Télèphe » (146). L’auteur de l’Herbarius s’inspire une fois de plus de Pline qui explique : « Achille aussi, élève de Chiron, découvrit, dit-on, une herbe qui guérit les blessures – appelée pour cela achilléos - et guérit Télèphe. D’autres prétendent qu’il trouva le premier l’utilité de la rouille dans les emplâtres - et c’est pourquoi il est peint faisant tomber de la pointe d’une lance avec son épée la rouille sur la blessure de Télèphe ; d’autres, qu’il a employé les deux remèdes. Quelques-uns nomment aussi cette plante panacès héraclia, d’autres sidéritis, et chez nous millefolium : elle a une tige d’une coudée, est rameuse et couverte depuis le bas de feuilles plus menues que celles du fenouil. […] Toutes sont dites excellentes pour les plaies » (147).

                    Le lien entre les remèdes tirés de cette plante (148) et la figure mythologique est évident et se rapporte à la nature guerrière du héros grec. Il s’agit de remèdes destinés à soigner les plaies ouvertes, surtout celles causées par des objets métalliques comme des armes de combat. Le remède mentionné par Pline associe d’ailleurs l’achillée millefeuille à la rouille, substance issue de la corrosion du fer. Dans l’Herbarius en vieil anglais, nous trouvons également la mention de l’utilisation de l’achillée pour soigner les plaies faites par des outils métalliques (149). D’autres noms étaient attribués à cette plante comme stratiôtike, qui fait aussi référence à la sphère guerrière (150). Des noms populaires actuels donnés à l’achillée millefeuille rappellent encore ce caractère guerrier et son usage vulnéraire, comme « herbe aux militaires » ou « herbe aux coupures ». D’autre part, Guy Ducourthial fait remarquer que le miriofillon, c’est-à-dire le millefolium latin, était associé au signe astrologique du Bélier (151). Or, c’est dans le Bélier que la planète Mars avait son domicile nocturne. Ainsi, l’association guerrière et les propriétés attribuées à cette plante s’expliqueraient aussi en partie par les rapports intimes que la plante entretient avec Arès/Mars, dieu de la Guerre offensive. Nous retrouvons ici les théories médicales faisant appel aux mélothésies zodiacales et planétaires, comme dans le cas de Diane, des armoises, du signe du Scorpion et de la sphère uro-génitale.

                    Nous terminerons ce travail par une question. Aurait-il pu y avoir, dans l’archétype illustré de l’Herbarius, une représentation d’Apollon avec la « plante d’Apollon » (apollinaris, is, f.) : « C’est Apollon, dit-on, qui a trouvé cette plante et l’a donnée à Asclépios ; de là vient le nom de plante d’Apollon qui lui a été attribué » (152). Apollon a fait l’objet d’une représentation dans au moins un herbier, en tant que fondateur de l’art médical. Nous l’avons donc placé dans le premier groupe. Toutefois, comme nous l’avons dit, cette typologie est relativement perméable. Se pourrait-il donc qu’il ait aussi été représenté au sein du texte dans d’autres exemplaires, comme Chiron et Esculape ? Cela n’est pas impossible puisque nous avons vu que certaines représentations semblent s’être perdues et d’autres s’être mélangées au fil du temps comme celles d’Achille et Hector, qu’on ne trouve pas de manière systématique. Ainsi, à part les associations Chiron-centaurée, Diane-armoise, Mercure-moly, la présence d’autres représentations de dieux ou de héros a parfois un caractère aléatoire. Par ailleurs, certaines représentations ont connu des glissements, des modifications comme, par exemple, les représentations de Chiron face à Esculape, tantôt en relation avec la centaurée, tantôt avec la rue et même parfois en frontispice.

                    Conclusion

                    Au terme de cette étude, nous constatons que derrière les diverses représentations se cachent d’anciennes traditions mêlant la botanique, la médecine, la mythologie et l’astrologie. A l’instar du texte, le cycle illustré de l’Herbarius semble également remonter à l’Antiquité tardive (153). Il a sans doute dû contenir des représentations de divinités antiques, tant en frontispice qu’au sein des chapitres sur différentes plantes. Ces images ont survécu grâce à la pratique de la copie, tout en connaissant des transformations, parfois confuses, liées aux contextes religieux et culturels dans lesquels elles ont été reproduites, notamment au niveau de l’habillement. J’ai structuré cette recherche en deux parties basées sur deux types iconographiques différents. Cette distinction, en partie méthodologique, repose également sur la question du statut qui a été attribué aux divinités antiques durant le Moyen Âge. Le premier type montre des dieux figurés en tant que fondateurs de l’art médical, conformément à la tradition évhémériste. Ils empruntent leur iconographie à des personnages illustres tels que les auteurs, voire, dans un cas, les empereurs et le Christ en majesté. Ces emprunts traduisent soit une vision relativement positive de ces dieux, soit une volonté de les rapprocher culturellement du milieu dans lequel sont réalisés ces manuscrits. La question du statut des divinités apparaît aussi dans le deuxième type abordé, à savoir les dieux dont le rôle de découvreurs de plantes et de transmetteurs du savoir les concernant a été valorisé. D’un point de vue iconographique, cela se manifeste par des représentations, au sein du texte de l’Herbarius, de dieux brandissant des plantes qu’ils offrent à d’autres personnages. Ces images se répètent de manuscrit en manuscrit, formant un cycle illustré associé au traité de l’Herbarius. Elles révèlent des dieux qui perdent progressivement leurs attributs d’origine, suivant ainsi une évolution iconographique semblable à celle présentée par Erwin Panofsky, Fritz Saxl et Jean Seznec pour les traités d’astronomie et les encyclopédies. Alors que les formes antiques tendent à se perdre, des interprétations médiévales apparaissent comme une Diane barbue ou un Mercure coiffé et chaussé de feuilles. La connaissance des liens unissant plantes et dieux tend, quant à elle, à se simplifier ; les mythes sont progressivement écartés au profit d’explications d’ordre étymologique associées à une humanisation des dieux païens. Néanmoins, malgré les interprétations, les transformations et certaines licences artistiques dont ils font l’objet, les dieux survivent et traversent le Moyen Âge grâce aux sciences naturelles dont ils continuent de peupler et d’égayer l’imaginaire.

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