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Itzana Dobbelaere
Le sawari du shamisen : une illustration de l’esthétique des sons « impurs » dans la musique japonaise
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Notes
Notes
Numéro | Note |
1 | La transcription des mots japonais suit la version modifiée du système Hepburn de romanisation. Les macrons, ne sont pas mis pour les mots courants (exemple Tokyo et non Tôkyô). Les noms communs sont mis en italique. En ce qui concerne les noms propres, le prénom précède le nom de famille. |
2 | Le terme impur utilisé dans le titre est mis entre guillemets car il est utilisé par les musiciens lors des interviews. J’ai donc choisi de garder ce terme pour décrire les timbres instrumentaux du shamisen et du biwa. |
3 | Tomoyasu Taguti, un acousticien japonais, a publié plusieurs recherches sur le sawari (2001, 2004, 2005, 2008). Il a ainsi réalisé des études acoustiques détaillées, qu’il ne relie cependant à aucune dimension culturelle et musicale. En 2001 et 2004, il a mené des recherches sur des biwa en comparant le mécanisme du sawari sur le sillet : sans le sawari puis en rabotant de plus en plus le sillet (trois étapes différentes). Il a également réalisé une modélisation numérique du mécanisme (2004 et 2008). |
4 | Dans son article « Plucked instruments in Asia » (2010), Shigeru Yoshikawa présente une analyse acoustique des instruments à cordes pincées asiatiques. Il s’attarde sur les différents bois utilisés et leurs conséquences acoustiques ainsi que sur l’effet du sawari sur le biwa et le shamisen (son fonctionnement ainsi que ses conséquences acoustiques). |
5 | Lorraine Sakata, dans son article « The Comparative Analysis of Sawari on the Shamisen » (1966), compare à l’aide de spectrogrammes six shamisens différents et elle collecte l’opinion d’un musicien professionnel sur le sawari produit par chaque instrument. |
6 | Les enregistrements n’ont pas été réalisés dans une chambre sourde et, à ce titre, sont discutables. Toutefois, leurs analyses permettent d’illustrer les propos et de donner une visualisation des effets du sawari sur le timbre de l’instrument. |
7 | Tokumaru (Yosihiko), L’aspect mélodique de la musique de syamisen, Paris, Peeters, Collection « Ethnomusicologie », 2000, p. 18. |
8 | C’est en tout cas la thèse la plus répandue dans les articles et livres lus (voir bibliographie). Les musiciens interviewés se rallient à cette hypothèse. |
9 | Traduction trouvée dans Tokumaru (Yosihiko), L’aspect mélodique de la musique de syamisen, p. 7. |
10 | Le terme est surtout utilisé de manière honorifique : ces « moines » n’avaient pas forcément de lien avec la religion. |
11 | Naoyuki (Suda), Kazuo (Daijo), Rausch (Anthony), The Birth of Tsugaru Shamisen Music : the Origin and Development of a Japanese Folk Performing Art, Aomori, Aomori University Press, 1998, p. 166. |
12 | Komoda (Haruko), de Ferranti (Hugh), « Biwa », dans Laurence Libin (éd.), The Grove Dictionary of Musical Instruments, Londres, Macmillan Press, 2014, 2ème édition, vol. 1, p. 345-348. |
13 | Komoda (Haruko), de Ferranti (Hugh), « Biwa », p. 345-348. Les dates concernant le môsôbiwa diffèrent dans la littérature. J’ai retenu ici les informations trouvées dans le Grove Dictionary of Musical Instruments. |
14 | Abbott (Kyle), Shamisen of Japan : The definitive Guide to the Tsugaru Shamisen, s.l., CreateSpace Independent Publishing Platform, 2011, p. 47-54. |
15 | Johnson (Henry), The Shamisen : Tradition and Diversity, Leiden Boston, Brill, 2010, p. 38. |
16 | Ces spectrogrammes ont été réalisés dans Praat, un logiciel d’analyse phonétique développé par Paul Boersma et David Weenink (http://www.fon.hum.uva.nl/praat/). Les bornes de fréquences [view range] sont de 40 Hz à 7000 Hz. Le seuil d’intensité [dynamic range] est de 60 dB. Les deux premières lignes au-dessus des spectrogrammes montrent le son en stéréo (amplitude en dB sur l’axe vertical et le temps en ms sur l’axe horizontal). Les sons ont été enregistrés avec un ZoomH4 sur le futozao shamisen du musicien Hideaki Tsuji. Cet instrument étant muni d’un système d’azuma sawari, il a été possible d’enregistrer la même corde sans système de sawari et avec un sawari ajusté de manière considérée comme satisfaisante par le musicien. |
17 | Étant donné que les conditions d’enregistrement étaient bonnes, nous supposons qu’elles ne sont pas dues aux circonstances d’enregistrement. |
18 | Hideaki Tsuji est un guitariste professionnel ayant étudié au Conservatoire de Lyon et de Strasbourg. Il joue également du shamisen qu’il a appris avec le maître Toshinori Kyogoku. Aujourd’hui, il est établi en France à Strasbourg où il enseigne la guitare et le shamisen. J’ai pu le rencontrer à Bruxelles lors d’un concert de shamisen dans le cadre du Living Room Festival organisé par Muziekpublique le 3 mai 2015 à Ixelles et lors du workshop sur le shamisen qu’il a organisé le 4 mai 2015. L’interview s’est déroulé en français et en japonais. |
19 | Nous soulignons. |
20 | Les réglages sont identiques aux spectrogrammes précédents. Les sons ont été enregistrés sur le futozao shamisen de la musicienne Yumiko Nakamura. La deuxième corde est accordée sur fa♯ (369 Hz) et la troisième sur si (493 Hz). Le shamisen est muni d’un système d’azuma sawari sur la première corde. |
21 | J’ai interviewé Karl Hedlund et Tom Heyda via un forum consacré au shamisen : http://bachido.com/community/forum. Le 30 avril 2015, j’ai posté sur le forum des questions relatives au sawari (quand est-il utilisé, comment, qu’est-ce qu’un bon sawari ?). Karl Hedlund qui joue du shamisen depuis trois ans, a répondu le jour-même et Tom Heyda, un musicien anglais, le 6 mai 2015. Les échanges se sont déroulés en anglais. |
22 | Lors d’entretiens avec des musiciens, j’ai pu remarquer que le chevalet est un élément ayant une grande influence sur le timbre du shamisen et sur l’effet du sawari. Ainsi, non satisfaite du son du sawari, une musicienne déclare : « Le timbre et le sawari dépendent aussi beaucoup du chevalet, c’est un élément très important. On change de chevalet en fonction du son qu’on veut obtenir » (Aki Sato). Il semblerait que plus la taille du chevalet augmente, moins l’effet du sawari est prononcé. |
23 | Aki Sato est une musicienne japonaise (koto, shamisen) établie en Belgique que j’ai pu enregistrer et interviewer le 30 septembre 2014 à Bruxelles. Venant d’une famille de musiciens, elle joue de la musique depuis l’âge de six ans. Aujourd’hui, elle enseigne la musique japonaise et donne des concerts en Belgique. L’entretien s’est déroulé en japonais. |
24 | Yumiko Nakamura a commencé à étudier le shamisen en 2005 à Tokyo. Elle a particulièrement travaillé la technique instrumentale et l’accompagnement des chanteurs de tsugaru Minyo (chansons traditionnelles du nord du Japon). Elle s’est installée à Paris depuis Juillet 2009. Depuis l’été 2010, elle joue dans un groupe de tsugaru Minyo « Hana-Akari » en duo avec Gentiane G. Elle enseigne également le shamisen. Nous l’avons rencontrée à Paris le 13 mai 2015. L’entretien s’est déroulé en français et en japonais. |
25 | Tokumaru (Yoshihiko), « Le timbre dans la musique japonaise », p. 97. |
26 | En ce qui concerne le biwa, étant donné que le sawari est appliqué à toutes les cordes, on remarque une utilisation différente. En effet, il n’est pas utilisé pour l’accordage et il n’est pas réglable. Cependant, le musicien a la possibilité de modifier l’inclinaison et l’arrondi des frettes afin d’avoir un sawari à son goût (mais qui, une fois modifié, ne change plus). De plus, le degré de sawari dépend du type de mécanisme et par extension du type de biwa. Par exemple, le satsuma biwa possède un sawari plus prononcé. Tout comme pour le shamisen, on retrouve une recherche de timbre attachée à certains répertoires et instruments. Pour ce qui est de la technique de jeu, le musicien appuie sur la corde entre les frettes de manière à créer un vibrato qui va de pair avec la résonance du sawari. Vu que le sawari s’applique sur toutes les frettes et toutes les cordes, les sons s’éteignent moins vite que pour le shamisen et afin d’éviter une saturation, parfois les musiciens laissent résonner les sons ou posent leur main sur la surface de la corde afin de mettre fin à la résonance (Informations recueillies par entretien avec la musicienne Yoko Hiraoka). |
27 | Nous nous attarderons sur le kuchi jamisen parce que le sawari ne concerne ici que la première corde, et non pas toutes comme sur le biwa. Pour cette raison, il peut servir d’indicateur de pertinence culturelle. |
28 | Ainsi, sur cet instrument, les syllabes utilisées visent à distinguer les sons produits par les cordes à vide des autres. Par exemple, la hauteur occidentale si est indiquée par la syllabe ten lorsqu’elle est produite par la troisième corde à vide tandis qu’elle sera désignée par le son ton lorsqu’elle est obtenue par pression sur la deuxième corde. En outre, le kuchi shôga 口唱歌 différencie également les sons en fonction de leur technique de jeu. Toujours avec l’exemple du si, produit par la troisième corde à vide, l’appellation ten s’applique lorsque la corde est frappée vers le bas avec le plectre ; en revanche lorsqu’elle est pincée vers le haut ou avec le doigt, on l’appelle ren (Tokumaru (Yoshihiko), « Le timbre dans la musique japonaise », p. 94). |
29 | Sachant que le sawari est davantage présent sur les cordes à vide, on voit ici que le timbre du shamisen est plus important que la hauteur des notes. Par contre, les syllabes correspondant aux sons de la première corde, pour laquelle le sawari sera plus prononcé, sont les mêmes que celles de la deuxième corde. Le degré de sawari n’est donc pas pris en compte dans le système parlé. |
30 | Sève (Bernard), L’instrument de musique : une étude philosophique, Paris, Seuil, Collection « L’ordre philosophique », 2013, p. 28-30. |
31 | À ce propos, voir l’article de Groemer (Gerald), « Singing the News : Yomiuri in Japan during the Edo and Meiji Periods », Journal of Asiatic Studies, vol. 54, n°1, 1994, p. 233-261. |
32 | Yoshikawa (Shigeru), « Plucked Instruments in Asia », p. 193. |
33 | Suda (Naoyuki), Kazuo (Daijo), Rausch (Anthony), The Birth of Tsugaru Shamisen Music : the Origin and Development of a Japanese Folk Performing Art, p. 143-144. |
34 | Suda (Naoyuki), Kazuo (Daijo), Rausch (Anthony), The Birth of Tsugaru Shamisen Music : the Origin and Development of a Japanese Folk Performing Art, p. 166. |
35 | Harich-Schneider (Eta), « The last Remnants of a Mendicant Musician’s Guild : The Goze in Nothern Honshu (Japan) », Journal of the International Folk Music Council, vol. 11, 1959, p. 56. |
36 | Suda (Naoyuki), Kazuo (Daijo), Rausch (Anthony), The Birth of Tsugaru Shamisen Music : the Origin and Development of a Japanese Folk Performing Art, p. 149. |
37 | Suda (Naoyuki), Kazuo (Daijo), Rausch (Anthony), The Birth of Tsugaru Shamisen Music : the Origin and Development of a Japanese Folk Performing Art, p. 152. |
38 | Venue de Chine, cette approche a été adoptée par les Japonais et a été systématisée aux XIIe et XIIIe siècles. La musique y est expliquée, écoutée et vue en relation avec d’autres éléments avec lesquelles elle constitue un tout. Des notes sont associées à des directions cardinales, des saisons, des sentiments, des couleurs, des chiffres, des vertus, des saveurs, des parties du corps, etc. Dans ce réseau symbolique, la musique est le médiateur qui unit le Ciel et la Terre et elle possède des pouvoirs de régulation sociale (Tamba (Akira), La théorie et l’esthétique musicale japonaises du 8e à la fin du 19e siècle, Paris, Publications orientalistes de France, 1992, p. 19-21). |
39 | Il ne s’agit évidemment pas du seul critère permettant d’obtenir des sons non éclatants. On trouve notamment des techniques de jeu qui influencent le timbre telles que frotter la corde du koto avec le plectre ou placer un ongle sous une de ses cordes tout en jouant afin de créer une surface de contact qui entraîne un son grésillant ; on peut également citer certaines techniques développées par les joueurs de shakuhachi afin d’agrémenter le son initial de souffle dans le but d’augmenter l’expressivité de l’instrument (Dean (Britten), « That “Howling” Music. Japanese Hogaku in Contrast to Western Art Music », Monumenta Nipponica, vol. 40, n°2, 1985, p. 154-155). |
40 | Yoko Hiraoka est une musicienne originaire de Kyoto qui a étudié le shamisen et le koto depuis son enfance. Elle a ensuite appris le biwa auprès de Kyokusui Yamazaki, un des trésors nationaux des arts de la scène. Elle est établie aux États-Unis depuis 1993. Elle enseigne, notamment sur Skype, et joue lors de nombreux concerts depuis plus de trente ans. Nous l’avons interviewée sur Skype le 28 mai 2015. L’interview s’est déroulée en anglais et quelques petites parties en japonais. |
41 | Terminologie recueillie auprès des musiciens Aki Sato et Hideaki Tsuji. |
42 | Voir à ce propos Lieberman (Fredric), « Music in The Tale of Genji », Asian Music, vol. 2, n°1, 1971, p. 39-42. |
43 | Takemitsu (Tôru), « On sawari », p. 201. |
44 | Tokumaru (Yoshihiko), « Le timbre dans la musique japonaise », p. 91. |
45 | Par exemple, le grillon stridule « kata sase suso sase, samusa ga kuruzo » 肩させ 裾させ 寒さが来るぞ (« piquez les épaules, piquez les bas [de kimono], le froid viendra, c’est sûr »), l’hirondelle gazouille « tsuchi kutte mushi kutte shi-bui, shi-bui » 土食って虫食って渋い渋い (« à manger de la terre, à manger des insectes, j’ai la bouche râpeuse, râpeuse »). Il faut savoir que le chants de ces animaux, surtout des oiseaux, font l’objet de croyances et de coutumes qui jouent un rôle important dans la synesthésie sonore (les oiseaux sont vus comme des médiateurs entre le ciel et la terre, des messagers,…) (Kawada (Junzo), La voix : étude d’ethno-linguistique comparative, Paris, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1998, p. 93). |
46 | Kawada (Junzo), La voix : étude d’ethno-linguistique comparative, p. 89-97. |
47 | Sève (Bernard), L’instrument de musique : une étude philosophique, p. 49. |
48 | Pour une démonstration approfondie des relations entre shintoïsme et ma, voir l’article de Pilgrim (Richard B.), « Intervals (“ma”) in Space and Time : Foundations for a Religio-Aesthetic Paradigm in Japan », History of Religions, vol. 25, n°3, 1986, p. 255-277. |
49 | Pilgrim (Richard B.), « Intervals (“ma”) in Space and Time : Foundations for a Religio-Aesthetic Paradigm in Japan », p. 256. |
50 | Shimosaki (Mari), « Philosophy and Aesthetics », in Robert Provine, Yosihiko Tokumaru et Lawrence Witzleben (éds), Garland Encyclopedia of World Music : East Asia : China, Japan and Korea, vol. 7, Londres, Routledge, 2001, p. 554. |
51 | Voir à ce propos l’article de Dean (Britten), « That “Howling” Music. Japanese Hogaku in Contrast to Western Art Music », Monumenta Nipponica, vol. 40, n°2, 1985, p. 147-162. |
52 | Tamba (Akira), « La technique vocale du nô et son esthétique », Cahiers d’ethnomusicologie, vol. 4, 1991, p. 5. |
53 | Pour de plus amples informations, voir les articles suivants : Demoucron (Matthias), Weisser (Stéphanie) & Leman (Marc), « Sculpting the Sound. Timbre-Shapers in Classical Hindustani Chordophones », 2nd CompMusic Workshop, Istanbul, 12-13 juillet 2012, p. 85-92 ; Weisser (Stéphanie) & Demoucron (Matthias), « Shaping the resonance. Sympathetic strings in Hindustani classical instruments », Proceedings of the 163d Acoustical Society of America, 13-18 May, 2012 Hong-Kong, China, Proceedings of Meetings of Acoustics, vol. 15, 2014, p. 1-7 et ; Demoucron (Matthias) & Weisser (Stéphanie), « Bowed strings and sympathy, from violins to indian sarangis », Proceedings of Acoustics 2012 (11th Congrès Français d'Acoustique and 2012 Institute of Acoustics Annual Meeting), 23 - 27 avril 2012, Nantes (France), p. 3594-3598. |