PORTE VII. Les habitations collectives Hakka du Fujian et du Guangdong en Chine du Sud : une grande entreprise de terre et de bois.
Avant-propos
Fig. 180 – Quartier d’habitations « monolithiques » à 5 niveaux en bordure des rizières, Fujian, Chine. |
Du Ier au 4 novembre 1985, s’est tenu à Pékin un symposium international sur la construction en terre crue, réunissant quelque cent soixante participants originaires pour la plupart d’Extrême-Orient (141). A la suite de la réunion qui fera date dans l’histoire de la Société d’architecture de Chine qui en prit l’initiative, les organisateurs proposèrent aux congressistes différents séjours d’étude dans le pays, dont l’un prévoyait la visite des habitations Hakka à la limite entre les provinces du Guangdong et du Fujian. Ce fut l’occasion pour l’auteur d’effectuer une visite inédite dans le district de Yongding, province du Fujian, une région alors inaccessible aux visiteurs étrangers, et d’y découvrir les formidables constructions en pisé édifiées par les Hakka, une ethnie dont la langue, les coutumes et les habitudes alimentaires diffèrent du reste de la population chinoise. En 2008, le site des tulou du Fujian, habitations en terre de plusieurs étages, était inscrit sur la Liste du Patrimoine mondial (142).
Introduction
Fig. 181 – Façade principale d’une vaste ferme-château. Cours et bâtiments s’allongent de part et d’autre de l’axe central de la composition, Fujian. |
Les provinces du Fujian et du Guangdong recèlent d’extraordinaires édifices uniques au monde : les habitations collectives de la communauté Hakka, de formidables constructions en pisé de terre. Les Hakka, population originaire du nord de la Chine, migrèrent vers le sud durant la dynastie des Song du sud aux XIIème et XIIIème siècles, quand le nord de la Chine était occupé par les tribus d’Asie centrale (143).Aujourd’hui, de nombreux Hakka vivent à Taïwan, Hong Kong, Singapour, en Malaisie et Thaïlande, au Nord-Bornéo, à Sarawak et même en Jamaïque. La structure fortement clanique de cette société s’exprime par de monumentales constructions de forme quadrangulaire ou circulaire. A côté de ces habitations d’une hauteur stupéfiante – plus de 15 mètres –, s’allongent de vastes fermes-châteaux à un ou deux niveaux, allant jusqu’à occuper quatre ou cinq hectares. Elles s’organisent autour d’une suite de cours et de galeries, suivant un plan axial. Dans certains cas, la façade principale s’inspire de l’architecture portugaise, le port de Macao n’étant pas fort éloigné. En Chine, pour désigner toute construction majeure, s’utilise l’expression « Une grande entreprise de terre et de bois ». Rien ne l’illustre mieux que les maisons colossales Hakka, alors menacées, aujourd’hui inscrites sur la Liste du Patrimoine mondial. Dans les années 1980, on en construisait encore, mais à plus petite échelle, avec l’aide des Hakka établis à Taïwan et soucieux de la terre de leurs ancêtres. Le savoir-faire se perd et la région n’est plus interdite aux visiteurs étrangers. Les routes ont été réparées, entraînant l’arrivée de touristes peu regardants, mais aussi des parpaings de ciment, condamnant à moyen terme le patrimoine architectural Hakka. Malgré tout, les autorités chinoises veillent. A l’heure où la Chine considère que son essor économique doit passer par l’édification de centres urbains à l’occidentale, elle semble redécouvrir les procédés de construction millénaires, parfaitement adaptés aux ressources locales comme au milieu ambiant (144).
Liu Dunzhen : les premières missions de reconnaissance.
Fig. 183 – Confection de briques crues sur la digue séparant deux rizières. La terre argileuse contenant des brins de racine est directement prélevée dans la rizière. |
Liu Dunzhen, l’un des premiers architectes à s’être intéressé à l’architecture traditionnelle, écrit en 1957: « Ce n’est qu’en utilisant ce qui existe et en l’améliorant avec les moyens les plus économiques et les plus simples, que l’on pourra satisfaire les besoins d’ordre matériel et intellectuel qui augmentent chaque jour dans les campagnes » (145). En 1985, on ne parlait plus de démanteler les habitats du Shanxi et du Henan. On les modernisait en installant l’eau courante et l’électricité ; les qualités inhérentes à ces logements – frais en été, chauds en hiver – restaient intactes. A cette époque, Philippe Paquet, journaliste spécialisé et envoyé spécial, notait : « Défendre le droit à la terre en se penchant sur la condition paysanne, c’est aussi défendre le droit à la construction en terre crue, quand on sait qu’elle est présente dans presque toutes les provinces de Chine. L’art de bâtir traditionnel retrouverait-il peu à peu ses lettres de noblesse dans l’Empire du Milieu ? » (146)
Fig. 184 – Construction d’épais murs en pisé, utilisant savoir-faire, techniques et matériaux traditionnels. |
Il convient ici de faire une observation sémantique sur les termes « architecture » et « architecture de terre » dans le contexte chinois. Dans le mot jianzhu signifiant architecture, certains voient en zhu le terme employé pour le procédé de battage de la terre. L’histoire de l’architecture chinoise est en effet indissociable de celle des procédés de mise en œuvre de la terre. Rien ne l’illustre mieux que les habitations annulaires Hakka, où les techniques du pisé et du bois s’unissent pour le meilleur d’une architecture d’exception (148).
De Canton au cœur de l’habitat Hakka
Fig. 185 – Habitations quadrangulaires fortifiées avec cours, étagées à flanc de colline. Un village sans véritables rues ou places. |
Pour arriver à Yongding (149), objectif final de nos investigations, il y a lieu de prendre un bimoteur des lignes intérieures chinoises au départ de Canton vers l’aéroport militaire de Xin Ning, situé à quelque 360 km au nord-est de Canton. De là il faut se rendre par la route vers Meixian (150) distante d’une soixantaine de kilomètres. Vient ensuite un parcours d’environ 200 km sur des pistes sinueuses. La ville de Yongding ne sera atteinte qu’après six heures de route, après avoir franchi la frontière entre les provinces de Guangdong et de Fujian (151). Dès les premiers kilomètres de la route de Xin Ning à Meixian, apparaissent les magnifiques fermes-châteaux décrites par Liu Dunzhen. Dans un paysage légèrement vallonné, où les champs de riz s’étendent de digue en digue, de vastes habitations collectives s’étagent à flanc de colline.
Commence alors un exercice complexe de repérage des typologies. A côté de constructions du type « habitation à corps parallèles verticaux », il y a la ferme de la famille Pan, édifiée il y a une soixantaine d’années, du type « habitation à bâtiments successifs et ailes latérales perpendiculaires », et celle de la famille Nan Hu, bâtie il y a cent ans et du type mixte à un seul niveau. Toutes les deux furent l’objet d’une visite au pas de course, le temps de procéder à un rapide relevé photographique et de confirmer ce que Liu Dunzhen écrit à leur sujet.
Fig. 186 – Façade principale d’une habitation à corps parallèles dont les entrées se situent entre les murs pignons. |
Le type d’habitation à corps parallèles verticaux serait le plus fréquent parmi les habitations Hakka du Guangdong (152) Bien que l’ensemble ait un plan « rectangulaire horizontal », la partie intérieure est formée de rangées de bâtiments « rectangulaires verticaux » à un étage. Entre ces bâtiments, se trouvent des séries de cours, celle du centre étant plus large. Le tout est disposé symétriquement par rapport à l’axe central. La façade principale se compose d’une suite de pignons entre lesquels prennent place les entrées qui débouchent sur des cours intérieures dont seule celle située derrière la porte centrale est de forme carrée. De grandes salles de réception ou de réunion entourent les premières cours, tandis que les cuisines et des pièces à fonctions variées sont réparties le long des cours arrière. Au fond de celles-ci, s’élève l’escalier qui permet d’accéder aux chambres de l’étage. Ce type d’habitation serait ainsi des plus simples par son plan et son aspect extérieur.
Les habitations du type « bâtiments successifs et ailes latérales perpendiculaires » adoptent également une disposition symétrique par rapport à un axe central (153). Une caractéristique de ces vastes demeures collectives est la présence d’un bâtiment de forme arrondie sur la partie arrière en général surélevée. En suivant l’axe principal, se succèdent le bassin à poissons circulaire, une aire rectangulaire utilisée à l’occasion pour faire sécher les céréales, la porte d’entrée, une première cour entourée de salles de réception, une deuxième cour et enfin le bâtiment principal à étages et la cour centrale : le logement du père de famille. En cas de nécessité, il sert de refuge pour les femmes et les enfants et de cache pour les objets précieux. Les aires latérales ainsi que celle du fond de forme arrondie, contiennent les pièces à usage divers : habitation, remise, latrines, poulailler, porcherie, etc.
Parmi ce type d’habitations Liu Dunzhen cite également de grands ensembles à plusieurs étages, comme il s’en rencontre dans la commune de Fushi dans le Yongding. Les constructions, qu’elles appartiennent aux types « bâtiments successifs » ou « aux ailes latérales », s’élèvent d’autant plus que l’ensemble est profond, soit en terrain plat soit à flanc de colline. « De cette disposition étagée, écrit Liu Dunzhen, découle l’impression de puissance et de beauté de ces habitations ». Il ajoute : « Elles présentent comme caractéristiques importantes une composition harmonieuse des toits xieshan – toit à quatre pentes en bas et deux au-dessus – et des toits xuanshan – toit à deux pentes en saillie sur les pignons – ainsi que l’utilisation du pisé pour des bâtiments à quatre ou cinq étages » (154).
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Le site des tulou Hakka : habitat annulaire.
Quelques minutes plus tard, nous sommes rejoints par une délégation de la police locale qui nous ouvrira le chemin vers la maison de la famille Zhang, l’une des mieux conservées des anciennes habitations annulaires Hakka. Ce qui frappe au premier abord, c’est l’aspect massif de la façade extérieure quasi aveugle, dont le mur en pisé est en partie protégé par un large débord de toiture situé à près de 12 m de haut. A part la porte d’entrée principale, seules quelques ouvertures dont certaines entourées d’un bord blanc, apparaissent au sommet des murs. Ҫa et là, des fissures verticales ont été réparées au fil du temps à l’aide de briques crues ou cuites. En certains endroits, l’enduit d’origine reste encore accroché au pisé. L’aspect extérieur devait être d’un ocre léger, « chapeauté » par le gris clair d’une ceinture de petites tuiles.
Les pieds entre les nattes de séchage du riz, nous sommes frappés par la monumentalité de cet édifice aux allures de forteresse, d’où commencent à sortir femmes et enfants, les plus vieux et les plus jeunes. En plus de raisons défensives, la forme ronde aurait été créée pour se protéger des typhons et de l’ardeur du soleil. L’époque de son apparition est inconnue, mais les exemples existants seraient légèrement postérieurs aux vastes habitations quadrangulaires. La plupart de celles-ci encore visibles auraient été construites entre 1485 et 1785. On signale l’existence de murs en ruine d’une hauteur de 18 m. Les plus vastes offraient un diamètre de 70 m. Toutes ces caractéristiques ont de quoi surprendre ; il s’agit bien d’une architecture unique au monde, qui témoigne des capacités de création des maîtres d’œuvre Hakka au sein de la société d’autrefois. Pénétrant par la porte principale et nous frayant un chemin parmi les badauds qui engorgent le porche, voilà que s’offre à nos yeux un spectacle inattendu. Nous débouchons sur une place encombrée d’abris de tout genre et bordée de logements « pourtournants ». Un quartier de ville se serait-il lové en pleine campagne ? Ce pourrait l’être, grâce à l’unité et l’harmonie qui se dégagent aussi bien du plan que de l’élévation. Sur trois étages, une galerie élevée sur une structure en bois donne accès aux divers logements dont les pièces sont construites en anneau et prennent appui sur le mur d’enceinte (156).
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La galerie, comme une bonne partie de la structure en bois, est à l’abri de la pluie par un large débord de la toiture et aussi en certains endroits, par des porte-à-faux qui à l’occasion peuvent servir d’aire de séchage pour les plantes ou les vêtements. Sous l’auvent, se trouve un espace de remise ou grenier directement accessible depuis le bas de la galerie. La cour centrale accueille la porcherie, le poulailler, les latrines, le puits, les étables, le tout disposé en anneaux concentriques, à 40 cm sous le niveau du trottoir qui court au pied de l’édifice. Toutes les eaux usées sont menées à l’extérieur par des conduits souterrains. Le maximum a été fait pour limiter le manque d’hygiène propre à une habitation fortifiée.
Fig. 196 – Ruelle circulaire donnant sur les cuisines privatives ouvertes à toute heure du jour et de la nuit. |
Quant au plan, deux axes perpendiculaires le coupent en quatre parties. La construction de la maison Zhang a été entreprise au milieu du XVIIème siècle, par quatre frères désireux d’abriter leur famille au sein d’un même ensemble divisé en quatre ailes possédant chacune sa propre cage d’escalier. L’habitation compte cinq niveaux : le rez-de-chaussée, les trois étages et le niveau sous combles. L’axe principal passe par la porte d’entrée, la salle de réception et celle des ancêtres, tandis que l’axe secondaire passe par les portes latérales, quand elles existent. Au rez-de-chaussée, se trouvent les accès aux escaliers et quantité de cuisines. Il semble qu’il y ait autant de cuisines que de familles (300 personnes). Elles fonctionnent continuellement, ce qui témoigne de l’importance des habitudes alimentaires Hakka comme de la qualité des espaces qui les concernent. Une communauté d’hommes et de femmes vit ici en parfaite harmonie avec le milieu environnant dans un édifice entièrement tourné sur lui-même, mais ouvert à tous les voisins d’en face ou d’à côté (157). Pas d’impasses, ni de ruelles étroites, pas de vis-à-vis, ni d’horizon bouché, chacun communie avec un seul et unique espace vital, la « Grand-Place » de la maison-village. Le plan comme la structure ne correspondent-ils pas à l’économie naturelle d’un village et dans ce cas-ci, au statut exceptionnel des Hakka au cours des siècles précédents ? Témoins d’un système d’organisation familiale de la société féodale, ces maisons représentent une merveilleuse synthèse des conditions naturelles de la région, un « immeuble à appartements » où tout le monde se connaît grâce aux vertus de l’« apparentement » (158).
Habitations quadrangulaires à Fushi dans le Yongding.
A quelques kilomètres de la maison Zhang se situe le vieux village de Fushi, dont les toitures s’élèvent à hauteur des nouvelles constructions édifiées en dur sur un flanc de la vallée. En contrebas, c’est tout un groupe d’immeubles tours qui prennent de l’altitude sur quatre ou cinq niveaux. Une telle concentration de puissantes constructions en pisé, ajoutée au jeu de langage des toitures, a de quoi ravir le plus indifférent des « chercheurs d’or sans fard », en l’occurrence le pisé des architectures vernaculaires. Des habitations quadrangulaires rivalisent avec des ensembles complexes à disposition étagée, tous disséminés au gré d’un tissu rural sans axes particuliers.
Fig. 198 – Aire de séchage du riz sur nattes, proche d’une habitation plus récente encore recouverte d’un enduit imperméable blanc. |
Quittant la ville haute, nous descendons vers les rizières où nous avançons en file indienne sur d’étroites digues, nous souciant plus de l’endroit où il fallait mettre le pied que du ciel qui passait d’un bleu éclatant à un gris plus que foncé. La pluie se mit à tomber violemment et nous vivons avec un grand bonheur le brusque changement des lumières et couleurs. Les maisons tenaient quelque chose du caméléon : elles se rapprochaient de la terre environnante en prenant la couleur du sol, la plupart ayant perdu l’enduit extérieur. Sur les aires de séchage du riz, on enroulait les nattes pour les mettre à l’abri le long des murs de la demeure, protégés par le toit en surplomb. Une fois le soleil revenu, il n’y avait plus qu’à les dérouler. Technique ingénieuse pour tirer parti de la moindre éclaircie. Faire un état des lieux quand il pleut est toujours riche d’enseignement (159). Monter à bord d’une goutte d’eau et la suivre jusqu’à l’égout, en passant par les impasses comme les avenues, c’est comprendre le milieu qu’elle épargne ou qu’elle n’épargne pas quand elle change de lit. La pluie cessa rapidement. La file des éclaireurs qui avait trouvé refuge dans un immeuble abandonné, se recomposa pour atteindre les centres de Fushi-bas par des sentiers plutôt que des ruelles. Chaque tour presque aveugle paraît sécréter un univers en soi. Les façades percées de rangées de fines ouvertures de type meurtrière semblent relever davantage d’un univers carcéral que de celui d’un village pittoresque, à la différence près que les portes d’entrée sont largement ouvertes sur de vastes cours. Un peu à l’écart, nous visitons l’une d’entre elles, organisée autour d’un puits de lumière, cette fois de plan carré. L’habitation donne sur l’espace quadrangulaire central, autour duquel se rencontrent toutes les activités propres à la vie d’un clan. Dans ce cas, la « terre » n’est pas ronde ; il lui manque l’enchantement des formes circulaires. On s’y sent à l’étroit : les rayons sont « en quarantaine » aux quatre coins de la « terre ». Peut-être ne s’agit-il là que d’une impression passagère, due à l’exiguïté du puits !
Fig. 200 – Habitation tournée vers l’espace central occupé par diverses constructions à usage multiple. |
Fig. 201 – Ferme-château à deux niveaux isolée parmi les rizières : une composition centrale fort élaborée. |
« Du fait de l’absence de matériaux de construction comme la brique cuite et la pierre, les habitations sont principalement construites en terre damée. Elles peuvent atteindre six à sept niveaux et occuper une aire au sol de 40 000 à 50 000 m2. Certaines d’entre elles ont entre trois cents et cinq cents ans d’âge ; ce sont les plus hautes et les plus vastes habitations en terre de Chine. Parmi ces dernières : l’habitation de la famille Shen construite en 1736 dans la brigade de Shangyang de la commune de Guopo. On l’appelle une construction yijing. A propos de l’évolution des techniques, dès que les conditions économiques le permirent, on utilisa la brique cuite ou le béton armé, ce qui se révéla très cher. En effet une maison d’un étage coûte 9 000 yuans (environ 2 900 USD ; en 1985), tandis qu’une construction identique en terre ne coûte que 4 000 yuans (1 300 USD) et possède une isolation bien supérieure. On constatera que les nouvelles constructions, édifiées suivant une politique extrémiste du « tout en dur » étaient bien souvent loin de signifier un confort accru pour leurs habitants » (161).
A l’issue de ce séjour éclair dans une région alors interdite aux touristes étrangers, il serait prétentieux de tirer toutes les leçons de l’architecture d’une communauté parvenue à garantir sa sécurité dans un nouvel environnement physique et humain, au prix d’incessants travaux face à une nature parfois ingrate. « Sans enquête à l’échelle nationale, tout travail est sans fondement. Ce n’est pas seulement un espoir, mais aussi un appel », écrit Liu Dunzhen en 1957 (162). Trois décennies après, la tenue à Pékin d’un symposium international sur l’architecture de terre illustre le revirement d’une politique sacrifiant tout aux habitats en dur.
Philippe Paquet ajoute : « A l’heure où la Chine, comme la plupart des pays en développement, considère que son essor économique doit passer par l’édification de centres urbains à l’occidentale, elle découvre que son peuple expérimente depuis des siècles, voire des millénaires, des procédés de construction parfaitement adaptés aux ressources locales et au milieu ambiant ». L’art de bâtir traditionnel retrouve sa raison d’être. En témoignent de nombreux articles parus dans la revue de la Société d’architecture de Chine. Encore faut-il passer des paroles aux actes et encourager sur le terrain toute initiative visant à l’amélioration des modes vernaculaires, laissant même libre cours à toute recherche esthétique. Ceci reste l’affaire d’architectes novateurs, pour autant qu’on leur laisse la parole !