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Sculpture - Epoque contemporaine - Île de Pâques - Archéologie Nicolas Cauwe Un Moai sur le Mercator L'éxpedition de 1934-1935 à l'Île de Paques
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Reporticle : 13 Version : 1 Rédaction : ca. 15/01/2012 Publication : 15/01/2012

Fouilles à l’île de Pâques

Moai « Pou Hakanononga », fin XIIIe siècle, ramené par Henri Lavachery à Bruxelles en 1935, Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire
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Moai « Pou Hakanononga », fin XIIIe s.

Les Musées royaux d’Art et d’Histoire possèdent depuis 1935 une statue colossale de l’île de Pâques, appelée Pou Hakanononga, le dieu des pêcheurs de thon. Des fouilles, financées par la National Geographic Society et les Musées royaux d’Art et d’Histoire, ont été menées dès mars 2001 sur le lieu d’où provient la statue. Ainsi, la plate-forme cultuelle qui la supportait a-t-elle été retrouvée et datée de la fin du XIIIe siècle ou du début du suivant, grâce à la méthode du carbone 14. Pour l’île de Pâques, dont le premier peuplement est actuellement estimé autour de l’an mil, le résultat est appréciable. En réalité, il s’agit ni plus ni moins du plus ancien monument pascuan jamais daté avec certitude.

L’expédition franco-belge de 1934-1935

L’idée de l’expédition franco-belge revient à Paul Rivet (1) (Directeur du Musée d’Ethnographie du Trocadéro (2) ). En 1932, ce dernier avait eu l’occasion de prendre connaissance des travaux d’un linguiste amateur d’origine hongroise, Guillaume de Hevesy, qui signalait les étranges ressemblances entre les signes gravés des tablettes «rongorongo» de l’île de Pâques et l’écriture récemment mise au jour dans la vallée de l’Indus (aujourd’hui, civilisation de l’Indus, entre les 5e et 3e millénaires avant notre ère). Si cette idée paraît totalement fantasque aujourd’hui (au moins 3000 ans séparent la fin de la civilisation de l’Indus du premier peuplement de l’île de Pâques, tandis que la distance géographique est tout aussi importante), début des années 1930, le discours pouvait encore convaincre quelques-uns.

Pour tester l’idée de Guillaume de Hevesy, Rivet voulu se rendre à Braine-le-Comte, où plusieurs tablettes rongorongo de l’île de Pâques étaient conservées au siège belge de la Congrégation de Picpus (3). Henri Lavachery (Conservateur aux Musées royaux d’Art et d’Histoire) fut enchanté de servir d’intermédiaire et prit ainsi connaissance du désir de son hôte d’organiser une expédition. Après bien des tractations administratives, la partie française réussit à réunir les fonds nécessaires, mais le FNRS refusa à Henri Lavachery le financement belge. Ce dernier ne trouvera l’argent qu’une fois les français, partis le 2 mars 1934 de Lorient à bord de l’aviso Rigault de Genouilly (4), déjà en route. Le belge parviendra pourtant à rejoindre in extremis ses collègues français à Lima (5).

La direction archéologique de la mission avait été confiée à Charles Watelin, éminent assyriologue français, et à Henri Lavachery. Alfred Métraux, originaire de Suisse et ethnologue déjà réputé, reçut les études ethnographiques et linguistiques. Mais, à hauteur de la Terre de Feu, loin avant les terres pascuanes, Charles Watelin mourut des suites d’une mauvaise fièvre.

Alfred Métraux et Henri Lavachery furent donc les deux seuls à débarquer à l’île de Pâques, fin juillet 1934. Lavachery renonça à des fouilles, car c’était Watelin qui devait, sur place, lui enseigner le métier.

Arrivée du Mercator au large de l’île de Pâques le 2 janvier 1935, Bruxelles, collection privée
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Arrivée du Mercator au large de l’île de Pâques le 2 janvier 1935

Le voyage du retour avait été organisé par Lavachery. Si la France faisait profiter la mission du premier voyage du Rigault de Genouilly vers ses colonies du Pacifique, la Belgique accepta finalement d’organiser le retour, grâce au Mercator qui devait faire son tour du monde pour la formation des cadets de la marine marchande. Cette année là, le Mercator fit un détour pour passer par l’île de Pâques, au large de laquelle il jeta l’ancre le 2 janvier 1935, alors que Métraux et Lavachery était depuis 5 mois sur l’île.

Le Mercator déposa l’expédition à Hawaï, après être passé par Pitcairn, Tahiti et Les Marquises et avant de poursuivre son voyage vers l’océan Indien, l’Afrique, puis le retour en Europe.

Les résultats scientifiques de cette mission n’ont aucun rapport avec la problématique fantaisiste qui en suscita l’origine. Alfred Métraux fut l’acteur essentiel de ce revirement. S’il accepta de faire partie de la mission, c’est par curiosité pour un monde qu’il ne connaissait pas, nullement pour assurer des thèses un peu sottes. Dès avant son départ, il avait réuni toute la documentation disponible et, à son retour, il fut engagé pendant un an au Bishop Museum (Honolulu, Hawaï), ce qui lui permit de finaliser et de publier une synthèse sur l’île de Pâques sans précédent et qui fait toujours autorité aujourd’hui (Métraux 1940). Un résumé de ce travail hautement scientifique fut édité un an plus tard en français, à destination du grand public (Métraux 1941). De son côté, Henry Lavachery a appris le métier de chercheur au contact d’Alfred Métraux. Il publie très rapidement un récit de voyage encore entaché de romantisme (Lavachery 1935) mais, quelques années plus tard, il édite un magnifique recueil sur l’art rupestre de l’île de Pâques (Lavachery 1939). Il s’agit là de sa contribution à l’étude de ce bout de terre polynésienne, nettement plus modeste que les travaux de Métraux, mais qui présente les qualités scientifiques requises, loin de l’archéologie fantastique.

Arrimage de la statue sur le pont du Mercator, Bruxelles, collection privée
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Arrimage de la statue sur le pont du Mercator

Par ailleurs, cette expédition permit l’enrichissement des collections du Musée de l’Homme à Paris et des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles. Les deux pays reçurent en cadeau du Chili le droit d’emporter chacun une statue. La France choisit une tête trouvée sur la plage d’Anakena, tandis que Lavachery, toujours optimiste, décida de ramener une statue entière. Beaucoup d’autres objets ont été rapportés, mais de dimensions plus modestes.

Enfin, Henri Storck aurait dû accompagner le Mercator lors de son voyage de 1934-1935. À défaut, il put profiter des prises de vue réalisées par un cinéaste néerlandais (John Fernhout). Aussi, produisit-il un film documentaire sur l’île de Pâques (6), un second sur le voyage du Mercator (7). Ces films sont toujours conservés par le Fonds Henri Storck (8).

Illustrations

    7 images Diaporama

    Bibliographie

    LAVACHERY H., 1935. L’île de Pâques. Paris, Grasset, 300 p.

    LAVACHERY H., 1939. Les pétroglyphes de l’île de Pâques. Anvers, De Sikkel, 2 vols, 140 p., 80pl.

    LAVACHERY T., 2005. Île de Pâques 1934. Deux hommes pour un mystère. Bruxelles, Labor (Histoire), 198 p.

    MÉTRAUX A., 1940. Ethnology of Easter Island. Honolulu, Bishop Museum (Bulletin 160), 432 p., 7 pl.

    MÉTRAUX A., 1941. L'île de Pâques. Paris, Gallimard (L'Espèce humaine), 214 p.