Reproduire l’art pariétal : du visible au lisible
Avec la découverte des premières grottes ornées du Paléolithique supérieur dans la deuxième moitié du 19e siècle, la question de la reproduction des œuvres s’est d’emblée posée. Il était important non seulement d’assurer la diffusion de ce nouvel univers esthétique, mais aussi d’en montrer les caractéristiques. Les découvreurs ont rapidement compris qu’il était nécessaire de mettre au point des procédés adaptés à la reproduction de motifs qui se conforment aux supports irréguliers sur lesquels ils ont été tracés. Or, les réseaux souterrains sont sombres et incommodes et des peintures et gravures s’y trouvent jusque dans les endroits les plus difficiles d’accès. La difficulté de lecture est encore accentuée par les dépôts formés au cours des millénaires, qui recouvrent les figurations (calcite, argile ou poussière). Il faut, par exemple, rappeler que les splendides bisons polychromes de Font-de-Gaume (Dordogne), relevés par Henri Breuil peu après la découverte de la grotte (1901), étaient recouverts d’une pellicule de calcite et d’argile. Il aura fallu attendre le nettoyage engagé par Madeleine Hours (Laboratoire de restauration du Musée du Louvre) par chocs et brossage entre 1966 et 1968 pour pouvoir en apprécier pleinement la qualité graphique et technique (1). Surtout, les œuvres nécessitent, pour être vues, des techniques d’éclairage spécifiques, mais aussi une expertise – un « coup d’œil » – que ne possèdent pas les pionniers de la première heure. La patine des gravures, en particulier, impose un éclairage incident qui seul permet de les visualiser. François Daleau a eu toutes les difficultés pour déchiffrer les traits gravés de la grotte de Pair-non-Pair (Gironde). Un mois de travail (de juillet à août 1896) lui a été nécessaire pour que les stries incompréhensibles se transforment enfin en un contour d’animal (2). La difficulté qui se pose alors est de rendre lisibles des tracés qui sont le plus souvent noyés dans des éléments parasites (fissures, traces de couleur naturelle…).
La volonté de conserver une image fiable de l’art pariétal a conduit certains scientifiques à mettre au point divers procédés de reproduction. Pourtant, les publications n’en donnent pratiquement aucun écho, et il faut puiser dans des textes le plus souvent inédits, comme les Carnets d’excursion de François Daleau ou la correspondance des préhistoriens, pour obtenir des indications techniques sur les méthodes utilisées pour répliquer ces premières productions esthétiques de l’histoire humaine. Cette carence dans l’information ne laisse pas de surprendre. Car la reproduction – même pour le spécialiste – sert de point de départ à la connaissance des motifs pariétaux. Et il importe donc d’en évaluer la fidélité par rapport à l’original, afin de pouvoir en estimer les limites. Mais il est également intéressant de retracer les grandes étapes des procédés de reproduction tels qu’ils ont été mis en œuvre depuis les premières découvertes, car elles apportent un témoignage précieux sur la manière dont l’art des cavernes a été regardé au cours de l’histoire de notre discipline.
Fig. 2 – Relevé des motifs du panneau principal de la grotte de Marsoulas (Haute-Garonne) réalisé par Léon Jammes en 1897 |
Comme les conditions d’accès auxquelles se sont trouvés confrontés les découvreurs étaient difficiles, le premier procédé utilisé pour reproduire les figurations a été le relevé à vue. Il consiste à exécuter un croquis des motifs les plus représentatifs en respectant au mieux la cohérence du tracé et les proportions de l’animal figuré. Celui-ci est ensuite mis au net en vue de sa publication. Marcelino Sanz de Sautuola l’a exploité pour les motifs de la grotte d’Altamira (Cantabrie), en faisant peut-être exécuter par le peintre français Paul Ratier les relevés des peintures du Grand Plafond (3) . Quelques années plus tard, Léon Jammes a, de même, relevé des motifs de Marsoulas (Haute-Garonne) (4), Émile Rivière quelques figures de La Mouthe (Dordogne) (fig. 3-4), François Daleau les principaux motifs de Pair-non-Pair (Gironde) (fig. 5-6) et Hermilio Alcalde del Río des figurations des grottes cantabriques qu’il avait découvertes (5). Les figures principales du Grand Plafond de la grotte d’Altamira ont ainsi été reproduites dans leurs relations spatiales , mais Alcalde del Río a également effectué le relevé de certaines gravures de motifs dessinés ou gravés, comme on peut le constater avec les deux bisons dessinés au charbon de bois de la Corniche aux Bisons de la grotte d’El Castillo ou les cervidés gravés de l’Entrée gravettienne dans cette même cavité (fig. 8-9). La faible lisibilité des motifs a conduit les premiers préhistoriens à accentuer l’évidence des tracés en négligeant les éléments susceptibles d’incertitudes, ce qui était sans aucun doute nécessaire à une époque où la reconnaissance de l’ancienneté paléolithique était encore sujette à discussion. Mais il faut l’avouer, ces « dessins » à vue étaient peu satisfaisants au plan scientifique. Les mensurations prises étaient peu nombreuses et assez approximatives. Étant donné les conditions d’éclairage dans lesquelles le travail était effectué – bougie, lampe à carbure –, le chercheur se focalisait surtout sur la silhouette des représentations. Le relevé à vue s’apparente donc davantage à un croquis qu’au rendu fidèle de l’œuvre.
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C’est pourquoi la volonté de fournir une information lisible et utilisable scientifiquement a rapidement conduit les chercheurs à relever les motifs directement sur la paroi, réservant le relevé à vue pour les figures difficilement accessibles ou pour celles qui se trouvaient sur des supports fragiles (argile, mondmilch…). Le 2 septembre 1896, François Daleau demandait à Émile Rivière : voulant relever ces dessins de façon exacte, je viens vous prier de m’indiquer les procédés que vous avez employés en pareille circonstance (6) , requête qu’il formula également à Émile Lalanne le lendemain (7). Le trait des gravures ne pouvait, en effet, être suivi qu’avec difficulté. C’est pourquoi Daleau a dû opter pour un procédé qui combinait la technique de l’estampe et celle du dessin. Dans une lettre adressée à Léopold Chiron, il explique comment il a procédé pour relever l’un des bouquetins gravés de Pair-non-Pair : placer un papier sur la gravure, suivre les traits avec le bout du doigt et les indiquer à mesure avec du charbon tendre (du bois de sapin). Repasser ensuite les traits de charbon avec de l’encre (8). La feuille de papier utilisée par Daleau est opaque, et il a donc dû exercer une pression pour faire apparaître la gravure par impression au doigt avant d’en réaliser le tracé. Cette manière de procéder à l’aveugle ne convenait évidemment pas pour des gravures fines, ce qui a conduit d’autres chercheurs à s’orienter vers des supports translucides.
Henri Breuil, en particulier, s’est fait le champion de cette méthode en utilisant du papier cristal puis des feuilles de cellophane (inventée en 1908), qu’il froissait pour les adapter à la paroi rocheuse (9). Il relèvera de cette manière la plupart des grottes paléolithiques, tout comme les préhistoriens qui lui succéderont durant le 20e siècle. Pour les peintures, le relevé impose d’évaluer la résistance du support pariétal, mais aussi celle de la couleur : à Font-de-Gaume, les fresques présentent une grande résistance, et peuvent être calquées sans difficulté, chose qui était impossible à Altamira (fig. 11 à 13). Aussi M. Breuil a-t-il calqué toutes les figures à leur vraie grandeur ; il a réduit leur silhouette à une échelle uniforme de un cinquième, au moyen de la chambre claire ; sur ce croquis réduit, un dessin plus détaillé et plus fouillé était exécuté (10). Il faut rappeler que, pendant longtemps, le relevé a été le seul moyen de faire connaître les gravures, souvent difficiles à voir (fig. 14-15). Dans certaines grottes, ce travail a tenu de l’exploit. Durant les étés 1921, puis entre 1930 et 1938, Breuil fut obligé de travailler plusieurs mois pour décalquer les effroyables chevelus du « Sanctuaire » et les autres figures des Trois-Frères (11) . Il avoua alors avoir été littéralement noyé dans la masse de ces feuilles de décalques (12). De même, il faut rappeler que onze années de travail (de 1952 à 1963) ont été nécessaires à l’abbé André Glory pour relever les 1.434 motifs de Lascaux – 117 m² de calque –, parmi lesquels se trouvait l’inextricable enchevêtrement de gravures de l’Abside (13) (fig. 17-18).
. Le travail devait s’effectuer avec l’aide d’assistants pour l’éclairage et le maintien de la feuille. Au moment où Breuil relevait le motif, il dessinait les traits essentiels, tandis que les détails étaient ajoutés ensuite7 images | Diaporama |
Fig. 19 – Relevé et esquisse au crayon du bison mugissant du Grand Plafond de la grotte d’Altamira (Cantabrie), réalisés par Henri Breuil, avec l’indication des mesures |
Aujourd’hui encore, seuls ces relevés rendent possible le travail de lecture préliminaire des spécialistes qui abordent une grotte ornée. Cette efficacité explique la raison pour laquelle cette technique a été pratiquée jusque dans la seconde moitié du 20e siècle, malgré les risques qu’elle entraînait pour le support pariétal. Une sensibilisation plus grande aux problèmes de conservation a conduit alors certains spécialistes à tester des techniques de relevé indirect. André Glory a reproduit en 1955 les gravures de la grotte de Bara-Bahau (Dordogne) sur une plaque de plexiglas qu’il fallait maintenir à quelques centimètres de la paroi (14) et Ludovic Chabredier a relevé en 1964 les gravures d’Ebbou (Ardèche) sur des feuilles de chlorure de vinyle transparentes tendues sur des châssis rigides (15). Malgré les difficultés dues à l’irrégularité des supports rocheux, le relevé indirect devait progressivement s’imposer, en France en tout cas. En 1993, on peut considérer que les préhistoriens proscrivent le relevé direct (16), à un moment, il est vrai, où la photographie numérique apportait de nouvelles possibilités. Quoi qu’il en soit, le relevé – direct ou indirect – s’est révélé efficace pour diffuser visuellement l’art pariétal durant tout le 20e siècle. La méthode n’a pourtant pas que des avantages ; elle impose des sélections. Comme l’a justement noté Michel Lorblanchet, relever c’est choisir (17), et s’il optimise la lisibilité des œuvres – le tracé est net et débarrassé de toutes surcharges parasites (fissures, reliefs ou calcification) –, il entraîne également une perte dans l’expressivité, voire dans l’intelligibilité, du motif. L’exemple des bisons polychromes du Grand Plafond d’Altamira est, à cet égard, intéressant. Marcelino Sanz de Sautuola (18), d’abord, Hermilio Alcalde del Río (19), ensuite, avaient noté de manière pertinente l’effet de relief recherché par l’artiste paléolithique. Cet effet est produit par l’ajustement de la figure à des convexités naturelles du plafond. Lorsqu’Henri Breuil et Émile Cartailhac ont voulu en faire le relevé en octobre 1902, ils ont mis au point un système de projections pour obtenir une réduction en plan aussi exacte que possible (20) . Mais en procédant de la sorte, ils ont sacrifié l’effet presque sculptural que ces œuvres possèdent tant dans le site (fig. 20-21), et qu’Henri Breuil, dans sa mise au net, s’est efforcé de retrouver en partie par un travail à l’estompe du pastel .
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La décision délibérée d’exclure ce qui ne relève pas de la trace anthropique dans les relevés se marque aussi par l’indifférence vis-à-vis des éléments du contexte pariétal. Or, ceux-ci constituent bien souvent une donnée importante pour la compréhension des œuvres. Le calque d’une représentation d’aurochs de la grotte d’El Castillo (Cantabrie) (21), réalisé par Breuil vers 1910, reproduit avec une précision satisfaisante la silhouette de l’animal, mais il néglige un jeu de fissures qui situe l’animal dans un espace structuré et lui donne l’assise sur laquelle il se déplace (fig. 23-24). L’écart entre l’original et le relevé est plus net encore lorsqu’on confronte la figuration d’un animal (canidé ou cheval) de la grotte de Las Monedas (Cantabrie) et le calque qu’en a fait Eduardo Ripoll Perelló au début des années 1950 (22). Il est aisé de constater que le dessinateur paléolithique a adapté le format de l’animal au champ compris entre les jeux de fissures, de façon à lui conférer un espace, une orientation et un centre de gravité propres (fig. 25-26).
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Les particularités pariétales constituent donc un élément essentiel de la structuration du décor au Paléolithique supérieur (23). Leur négligence dans le relevé a eu des conséquences importantes sur sa compréhension et son interprétation (24), qui ont d’ailleurs touché jusqu’aux théoriciens de l’histoire de l’art. Il faut, par exemple, rappeler que Meyer Schapiro considérait que les peintures rupestres du paléolithique ont lieu sur un fond non préparé, la paroi rugueuse d’une grotte (…). L’artiste travaillait alors sur un champ sans limites établies… (25). Les images murales de la préhistoire … devaient lutter avec les accidents et irrégularités (sortes de bruits de fond) du champ (26). L’interprétation est évidemment en total porte-à-faux par rapport aux œuvres pariétales telles qu’elles apparaissent en grotte. Mais elle est, en revanche, en accord avec le message que l’on retire des images – relevés et photos – diffusées dans les publications.
Fig. 27 – Phototypie par Théodore Amtmann du panneau avec le cheval gravé à tête retournée de la grotte de Pair-non-Pair (Gironde) |
Pour les préhistoriens, ces éléments contextuels contribuent cependant à l’émotion que le spectateur peut ressentir dans une grotte ornée. C’est pourquoi, dès les premières découvertes, les pionniers ont tenté de reproduire les motifs pariétaux par la photographie. Les essais les plus anciens, réalisés sur plaques de verre, ont été faits à la demande de Marcelino Sanz de Sautuola en 1880 pour des motifs du Grand Plafond d’Altamira. La hauteur du plafond est faible et la lumière du jour n’arrive pas jusque dans ce secteur de la grotte. Les clichés ont été pris grâce à un éclairage électrique mis au point par José Escalante y González (27). Quelques années plus tard, des phototypies sur plaque de verre au gélatino-bromure d’argent ont été réalisées par Théodore Amtmann à Pair-non-Pair (28) , par Charles Durand à La Mouthe (29) et par Léopold Chiron dans la grotte Chabot (30) . Les photographes étaient tous expérimentés. Pourtant, la plupart des essais sont restés peu satisfaisants par le fait même des difficultés de terrain. À La Mouthe, une intensité de lumière égale à 150 bougies environ et un minimum de six heures de pose (31) ont été nécessaires et, comme c’est presque toujours le cas à ce moment, les traits gravés n’apparaissaient sur les clichés que parce qu’ils avaient été repassés à la craie ou au charbon de bois. Mais l’obstination des inventeurs à vouloir reproduire des motifs pariétaux montre assez qu’ils étaient convaincus du caractère exceptionnel d’un patrimoine auquel la communauté scientifique ne croyait pas encore. Quoi qu’il en soit, pendant longtemps, le résultat ne fut pas vraiment à la mesure du travail investi, même lorsque tous les moyens étaient mis en œuvre. Il faut, en effet, rappeler que dans la prestigieuse série consacrée aux peintures et gravures murales des cavernes paléolithiques, financée par le Prince Albert Ier de Monaco entre 1905 et 1924, les planches photographiques sont encore accompagnées de feuilles de papier calque sur lesquelles figurent le relevé des gravures reproduites sur les planches.
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Fig. 30 – Planche photographique représentant un bouquetin (a), un cheval (b), deux bisons (c-d) et un relevé (e) du bison (d) de la grotte d’Altamira |
L’utilisation de la photographie argentique avec flash a évidemment facilité les prises de vue d’une image pariétale qui gagnait de plus en plus le grand public. L’image photographique restait pourtant focalisée sur la représentation, comme on peut le constater dans les ouvrages de synthèse publiés entre les années 1950 et 1980 (32). Les prises de vue se faisaient face au motif et celui-ci était circonscrit le plus précisément possible dans le champ de la reproduction. Ce cadre étroit, qui décontextualisait la figuration animale, contribuait à lui donner un aspect relativement rigide, voire figé . Le résultat produit s’apparente donc de fait davantage à l’art de la nature morte ou du portrait qu’à celui d’un espace orné. Il est intéressant de noter à cet égard que les photomontages opérés pour illustrer de grands ensembles pariétaux se cantonnent strictement à la zone dans laquelle s’inscrivent les motifs (33). L’espace par rapport auquel les figures s’organisent est donc absent, de même d’ailleurs que les reliefs de la paroi, que l’éclairage facial du flash ou du spot réduit ou supprime.
Fig. 31 – Détail d’un aurochs noir du Diverticule axial de la grotte de Lascaux (Dordogne), photographié en infrarouge par Fernand Windels |
Fig. 32 – Tectiforme rouge de la grotte de Bernifal (Dordogne), photographié en lumière naturelle (en haut) et en film Ektachrome infrarouge (en bas) par Norbert Aujoulat |
Bien entendu, la qualité de la photographie argentique a augmenté la lisibilité de l’image. C’est pourquoi, malgré les réticences de certains (34), elle sera de plus en plus sollicitée. Il est vrai que des techniques photographiques nouvelles ont encore contribué à affiner la lecture des motifs les moins visibles. Fernand Windels avait, le premier, utilisé les ressources de la photographie infrarouge à Lascaux dès la fin des années 1940 (35) , mais l’emploi de celle-ci était alors exceptionnelle. Entre les années 1970-1980, une meilleure gestion technique de ce procédé a permis des résultats exploitables scientifiquement. Dans la grotte de Villars (Dordogne), par exemple, Brigitte et Gilles Delluc se sont aidés de la photographie infrarouge en octobre 1973 pour produire des relevés de motifs peints fortement calcités (36). Surtout, ils ont démontré l’existence de repeints récents pour trois figures noires de la grotte (37). De même, Norbert Aujoulat a mis en évidence le détail de la technique de facture d’un motif (tectiforme) à Bernifal grâce à des photographies infrarouge couleur au début des années 1980 (38) . Il a d’ailleurs testé de nombreux procédés (relevé multispectral, UV, luminescence…), afin d’optimiser la qualité de lecture des œuvres pariétales (39). Par ses compétences dans ce domaine, Aujoulat a donné une orientation nouvelle à la recherche en art pariétal. Les techniques photographiques pouvaient désormais être sollicitées pour contrôler l’évolution de l’état des parois. Elles ont aussi servi pour mieux comprendre la manière dont les œuvres ont été faites, en particulier grâce à l’emploi de la macrophotographie.
Bref, les chercheurs s’efforcent de plus en plus de dépasser ce que l’œil perçoit. L’analyse et l’expertise sont désormais privilégiées au détriment de la synthèse et de l’interprétation. Suivant une tendance générale qui s’installe alors dans notre discipline, l’étude de l’art pariétal s’enracine dans une démarche archéologique. Dès la fin des années 1990, les techniques digitales et le traitement numérique auront, à cet égard, une importance décisive dans les recherches. D’abord utilisées pour le renforcement de motifs peints « éteints » de sites rupestres du Levant espagnol (40) et d’abris peints non européens (41), elles ont rapidement été appliquées pour améliorer les motifs des grottes ornées du Paléolithique. La performance des appareils numériques et des logiciels informatiques actuels est telle qu’il est désormais possible d’étudier le dispositif pariétal au départ d’images numériques traitées par des logiciels spécialement adaptés (42). L’augmentation du contraste et de la luminosité, la correction des déformations optiques, les photomontages ou les traitements des couleurs sont autant d’opérations aujourd’hui devenues banales. Il est à peine besoin de souligner l’impact que cette lecture « augmentée » aura sur notre interprétation. L’étude des sites devra nécessairement être réactualisée avant que de nouveaux travaux de synthèse puissent être envisagés.
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Moulage, phototypie et stéréophotogrammétrie : la paroi ornée restituée
Même s’il a longtemps été délibérément ignoré dans les travaux scientifiques, le support rocheux était ressenti comme une spécificité de ce « grand art des cavernes ». Les pionniers ont donc logiquement cherché à en reproduire les particularités en procédant à des estampages. à plusieurs reprises, Émile Rivière a présenté ceux qu’il avait réalisés pour deux animaux gravés de la grotte de La Mouthe par lottinoplastie (43). Dans un courrier adressé à Rivière, Daleau annonce qu’il va tester ce procédé à Pair-non-Pair (44). La technique, mise au point par Victor Lottin de Laval en 1835, consistait à appliquer une feuille de papier de type buvard sur la paroi, puis à l’humecter afin de lui faire prendre la forme de la partie à reproduire, avant d’apposer par couches alternées de la colle d’amidon et des feuilles de papier. L’ensemble séché pouvait ensuite être enlevé et servir de moule pour en faire un tirage positif au plâtre. Malheureusement, les différentes tentatives se sont soldées par un échec presque complet (un essai réussi pour Rivière, aucun pour Daleau), car le papier ne séchait pas à cause du taux d’humidité élevé de la grotte. Le procédé fut alors remplacé par Daleau par la technique de l’estampage sur papier sec, comme il l’explique dans ces Carnets d’excursion : en arrivant à la caverne, j’essaie d’enlever le papier de l’estampage simple, ou mieux, les deux feuilles de papier superposées qui depuis mardi recouvrent le petit ruminant N° 2. Je les croyais sèches, pas du tout. J’essaie vainement de les décoller, elles tombent en bouillies (45). Il décide donc d’appliquer des feuilles de papier sèches qu’il presse avec le doigt pour faire apparaître les gravures, afin de pouvoir les dessiner au charbon de bois.
C’est donc finalement ce procédé qui lui donne les résultats les plus satisfaisants et il poursuit son travail de prise d’empreinte au fil de ses découvertes, non sans essayer d’optimaliser encore la technique. Ainsi, il indique à la date du 3 juin 1898, en arrivant à la grotte, je relève l’estampage au papier des animaux N° 11-12-13. Ce travail très pénible, vu les mauvaises positions dans lesquelles je suis obligé de me tenir, réussit assez bien grâce au papier de boucher (papier de paille jaune) que j’essaie aujourd’hui (46). Enfin, Daleau tente encore la prise d’empreintes au moyen de feuilles d’étain. Dans une lettre adressée à Émile Cartailhac, il indique la manière de procéder : il faut appliquer la feuille sur le rocher, lisser avec les doigts jusqu’à ce que la gravure soit bien indiquée (…). Vous pourrez ensuite dessiner ou photographier. Avant de sacrifier l’estampage, le placer sur un papier ; suivre les contours de la gravure avec un léger stylet en os pour obtenir un calque (47). On ne sait pas si la technique a été exploitée par Cartailhac. Mais la lettre de Daleau mentionne explicitement qu’il s’agit des gravures de la grotte de Marsoulas (Haute-Garonne), c’est-à-dire d’un site dont les incisions sont beaucoup plus fines que celles de Pair-non-Pair.
Fig. 35 – Épreuve en plâtre d’un bison gravé de la grotte de Pair-non-Pair (Gironde), Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye |
La volonté de conserver la trace la plus proche possible de l’original a également conduit certains pionniers à utiliser la technique du moulage au moyen d’argile. À la demande de Daleau, le sculpteur-mouleur G. Chavannes l’a appliquée à des gravures de Pair-non-Pair dès 1898 (48). La qualité et le soin du travail accompli sont encore visibles sur les exemplaires en plâtre conservés au Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye où ils sont conservés (fig. 35-36). Une fois encore, il faut rechercher dans la correspondance les détails du processus mis en œuvre : pour éviter toute dégradation le rocher a été enduit de poudre de talc, puis à l’aide des pouces, les mouleurs ont poussé la terre à modeler sur la surface à mouler. Cela fait, ils ont couvert la glaise d’une couche de staff [fibre de bois] et d’une armature en latte. Ce panneau a été dépris de la paroi, posé à terre et dessus on a coulé du plâtre que l’on a revêtu d’une couche de staff et d’une armature en latte. L’estampage en glaise a été sacrifié. Ils ont obtenu une reproduction exacte de la paroi et de la gravure (49). Pour l’époque, il importe néanmoins de souligner que la démarche de Daleau est exceptionnelle. À défaut de pouvoir mouler toute la grotte comme il le souhaitait, les dix moulages réalisés par Chavannes constituent dans son esprit des documents à valeur conservatoire, et non des exemples simplement destinés à illustrer l’art des grottes. La volonté que l’inventeur de Pair-non-Pair manifeste pour sauvegarder ce patrimoine est nettement perceptible dans le fait qu’il fait exécuter par Théodore Amtmann des phototypies des animaux gravés de la grotte, mais aussi de chacun des moulages qu’il a fait exécuter .
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Il est difficile de déterminer les sites dans lesquels cette méthode a été employée. Un procédé similaire est toutefois encore utilisé au début des années 1970 par Yves Martin, pour mouler des gravures de la grotte de Gouy (Seine-Maritime). L’argile fine a été appliquée en pastilles avec le doigt contre la paroi jusqu’à recouvrir la zone gravée à estamper. L’auteur précise que le tirage en positif – réalisé en plâtre – doit être fait rapidement, étant donné que l’argile se rétracte en séchant. En outre, il signale que le procédé n’est vraiment utilisable que pour les panneaux de petites dimensions (50). Pour les surfaces plus importantes, Martin préconise l’emploi de latex (51). Cette méthode, mise en œuvre pour le moulage de surfaces archéologiques (Pincevent, par exemple), ne semble cependant pas avoir été utilisée pour faire des moulages de gravures pariétales.
Fig. 38 – Humain gravé de la grotte du Roc Saint-Cirq (Dordogne) : épreuve en positif du moulage effectué en 1966 par André Glory |
À partir des années 1960, les produits de synthèse à base de silicone et de résines ont permis d’opérer des moulages en minimisant le risque de dégradation de la pièce originale et en augmentant la précision du résultat. En décembre 1965 et en avril 1966, André Glory a entrepris de mouler des panneaux gravés au moyen de silicone dans les grottes du Roc Saint-Cirq (52). Puis, à partir des années 1970, Michel Garcia a exploité le procédé pour mouler des figures pariétales sur des supports fragiles. Il a ainsi réalisé un moulage de gravures faites au doigt sur mondmilch et sur calcaire enduit d’argile détritique dans la grotte de l’Aldène (Hérault), après consolidation du support au moyen de silicates (53). L’objectif était évidemment de reproduire les seules œuvres remarquables, et la pratique ne touchait donc que des zones très limitées de la paroi. La reproduction des particularités architecturales du réseau ne semble donc guère avoir intéressé les préhistoriens, si l’on excepte toutefois le projet, avorté par manque de budget, de reproduire les parois de Pair-non-Pair sur le conseil de Chavannes. Mais ce travail était commandé par le fait que Daleau était alors convaincu que le propriétaire de la grotte avait l’intention de la détruire (54).
, de la Grèze (Dordogne) et de Roucadour (Lot)La technique du moulage ne concernait évidemment pas les panneaux avec peintures, dont les pigments auraient été emportés avec le moule. Mais, au plan de la conservation, il s’est révélé problématique même pour les gravures. Malgré les précautions prises, de nombreuses séquelles ont suivi la prise d’empreinte. À Pair-non-Pair, une pellicule grisâtre tapisse les zones estampées (55). Des traces bleuâtres sont, de même, apparentes au Roc Saint-Cirq, à la Grèze (Dordogne) et à Roucadour (Lot), à la suite des empreintes au latex réalisées par André Glory (56). Les conséquences sont malheureusement parfois plus nettes encore. Au Roc Saint-Cirq, par exemple, l’épiderme pariétal a été arraché par endroits au niveau du « sorcier » gravé, sans doute au moment d’un premier moulage effectué peu après la découverte de la grotte (57) .
, tandis qu’à La Mouthe les traces d’un quadrillage noir sont toujours visibles à l’endroit des moulages1 image | Diaporama |
En fait, il n’est pas facile de comprendre les raisons profondes qui ont poussé les préhistoriens à exécuter ces moulages. Bien entendu, les premiers exemplaires étaient destinés à faire découvrir ces étonnantes productions esthétiques anciennes. Et on sait que de nombreux visiteurs ont admiré les pièces de Pair-non-Pair et de La Mouthe lors de l’Exposition universelle qui s’est tenue à Paris en 1900. Mais l’objectif n’était pas vraiment d’enrichir les musées ou les salles d’exposition. Lorsqu’ils n’ont pas disparu, ces documents ont, pour la plupart, été placés dans des réserves ou dans de petits musées de site, où ils n’attirent que peu l’attention. Il faut aussi avouer que ces objets ont une fonction muséologique ambiguë. Pour des raisons financières, la limite du moule suit de près le contour de l’animal dont l’empreinte a été prise. La représentation est donc strictement limitée par le bord de la pièce moulée, qui forme cadre. Si bien que l’impression visuelle produite est celle d’une fenêtre qui fait plonger le spectateur dans le monde irrégulier et brut de la grotte.
Fig. 41 – Moulage de l’oiseau gravé du Couloir du Faisan de la grotte des Trois-Frères (Ariège), effectué en juillet 1985 par René David |
Si le public n’a donc pas vraiment profité de ces documents, les préhistoriens ne s’en sont guère servis non plus pour leurs travaux. Dans l’étude du Roc Saint-Cirq, Brigitte et Gilles Delluc signalent l’existence des moulages réalisés par Glory, mais pour attirer l’attention sur les conséquences qu’ils ont entraînées dans le site, et non pour tenter de les exploiter au plan scientifique (58). De même, dans son étude de la grotte de l’Aldène (Hérault), Denis Vialou rappelle les moulages effectués par Michel Garcia, mais il estime que leur valeur expérimentale n’interfère pas dans son étude (59). Ces moulages, qui auraient pu avoir une valeur scientifique, se sont donc révélés peu utiles et dommageables au plan conservatoire. Car toutes les prises d’empreintes ont laissé des séquelles irréversibles dans les grottes, avec l’exception notable du moulage réalisé dans la grotte des Trois-Frères (Ariège) en juillet 1985. Dans ce cas, les gravures, trop fines pour être relevées ou photographiées, ont été moulées par René David au moyen de plusieurs couches de silicone recouvertes de plâtre et fixées dans un châssis de bois. L’ensemble, dégagé de la paroi, a servi pour produire l’épreuve en positif en résine polyester. Ce tirage a été enduit d’une patine noire, qui a elle-même été éliminée ensuite en surface, au moyen d’un chiffon humide chargé d’argile en poudre. Le fond des traits gravés du moulage est resté coloré, si bien que les motifs sont devenus plus facilement visibles que sur les parois de la grotte (60) . Vingt-cinq gravures nouvelles sont ainsi apparues grâce à ce procédé original, qui semble toutefois n’avoir été employé qu’à cette occasion.
L’avènement du numérique et l’espace orné restitué
Les grottes ornées sont un patrimoine fragile. Elles sont, tout d’abord, menacées par ceux qui les exploitent ou les visitent. Des actes de vandalisme existent, en effet, dès le moment de leur découverte (La Mouthe (61) ), avec des conséquences graves pour leur connaissance (Montespan (62) ). Mais les altérations apparaissent surtout par le fait de la formation de calcite sur les parois et l’apport d’agents pathogènes, dont la grotte de Lascaux (Dordogne) offre l’exemple le plus médiatisé (63). Or, ces altérations sont définitives. Car, contrairement à ce qui se pratique pour les œuvres d’art d’époque historique, la politique (stricte) en préhistoire est de ne pas intervenir sur l’original pour le restaurer (64). Comme le rappelait Lionel Balout, nul ne songera à broyer de l’ocre ou du manganèse pour repeindre à Lascaux, Altamira ou ailleurs (65). Un document altéré est donc un document perdu. Mais la question de la conservation – et donc de la transmission du patrimoine – se pose encore, et de façon plus insidieuse, avec les aménagements opérés pour faciliter les visites touristiques. Ceux-ci ont le plus souvent transformé l’espace de manière importante (abaissement du niveau du sol, enlèvements de spéléothèmes, construction de protection…), sans qu’un état des lieux précis des caractéristiques spatiales d’origine n’ait été dressé. Or, on sait aujourd’hui l’importance majeure qu’a eue l’espace lui-même dans l’organisation du décor (66). De ce point de vue, l’avènement des techniques numériques contribue sans aucun doute à donner une image de cet art pariétal plus en accord avec l’état actuel des résultats scientifiques. La qualité de ces reproductions a suivi, sans surprise, celle des avancées technologiques. Il est intéressant de rappeler les principales étapes de cette évolution à travers les fac-similés qui ont été produits.
Fig. 42 – Enregistrement photogrammétrique effectué dans la grotte d’Altamira (Cantabrie) pour le Deutsches Museum de Munich en février 1959 |
L’un des premiers fac-similés d’art pariétal fut la reproduction partielle du Grand Plafond d’Altamira pour le Deutsches Museum de Munich. Le projet, entamé en 1959 et terminé en 1963, fut mené sous la direction d’Erich Pietsch (67) . Au cours de la première étape, quelque 50 blocs de plâtre furent sculptés à la fraise en suivant les courbes de niveau obtenues par stéréophotogrammétrie. Les particularités du relief furent rendues par une couche de plastiline, elle-même couverte d’une pellicule formée de poudre de calcaire (1 à 2 mm). Un négatif en silicone, installé dans la salle du musée, fut exploité pour la réalisation du document en positif, constitué de plusieurs couches de mortier de granulosités croissantes. Enfin, la mise en peinture fut exécutée par Günter B. Voglsamer, professeur à l’Académie des Beaux-arts de Nuremberg, en s’appuyant sur la couverture photographique faite dans le site original, avec des matériaux similaires à ceux employés par les peintres paléolithiques (charbon de bois, bioxyde de manganèse, hématite et goethite) (68). Les techniques utilisées (pinceau, application au doigt…) avaient également pour objectif d’obtenir un résultat aussi proche que possible de l’original. Toutefois, le niveau de précision ne permettait pas de rendre les gravures fines qui précisent les détails de certains bisons (naseau, bouche, toison…), ni d’ailleurs les autres motifs gravés du plafond. Ces tracés, peu visibles aujourd’hui par le fait de la patine, apparaissaient à l’époque magdalénienne sous la forme de traits de couleur claire. Leur absence – comme dans d’autres copies – n’est pas sans incidence sur la lecture des œuvres. Au moment de leur facture, ces gravures qui rehaussent certains des bisons polychromes devaient permettre de préciser les caractéristiques de l’animal. Sans elles, l’animal se perçoit davantage sous la forme de masses colorées.
Fig. 43 – Vue du fac-similé du Grand Plafond de la grotte d’Altamira (Cantabrie) au Deutsches Museum de Munich |
Fig. 44 – Reproduction de la biche du Grand Plafond des polychromes dans le fac-similé de la grotte d’Altamira du Deutsches Museum de Munich |
Le fac-similé du Deutsches Museum reproduit 45 m², soit 25 % du plafond original. Il a exigé la mise en œuvre de moyens techniques importants. Il a surtout permis à un public intéressé par l’histoire des techniques de s’initier à l’art préhistorique. Pourtant, il est permis de se demander s’il répond entièrement aux attentes muséologiques actuelles. Tout d’abord, et afin de suggérer l’ambiance d’un espace souterrain, la salle se trouve plongée dans une forte pénombre (69) (fig. 44-45). Le document apparaît donc davantage comme une fenêtre sur un secteur de la grotte que comme la reproduction d’un espace orné . Dans sa présentation actuelle (depuis 1995), le fac-similé forme le plafond d’une salle rectangulaire. Si sa position – mais pas sa hauteur – est conforme à celle de l’original, l’espace lui-même n’est ni rendu, ni suggéré. À Altamira, le Grand Plafond se trouve dans une salle en recoin, située après le vaste porche d’entrée. Le visiteur qui y pénètre se trouve donc d’emblée plongé dans cet impressionnant espace en cul-de-sac, entièrement orné de peintures et de gravures. À Munich, on entre dans la salle d’un côté et on ressort de l’autre, si bien que l’impression est celle d’une galerie dans laquelle il faut cheminer pour découvrir les œuvres.
. Les visiteurs qui s’y engagent doivent donc prendre du temps pour accoutumer leurs yeux. Mais une table lumineuse disposée au centre de l’espace avec le relevé au trait des œuvres du Grand Plafond focalise inévitablement leur attention. Si bien que, comme nous avons pu le constater en observant le comportement du public, de nombreux visiteurs quittent la salle sans avoir regardé le plafond. En outre, le fac-similé ne reproduit que les figurations les plus spectaculaires du Grand Plafond et plusieurs d’entre elles ont été tronquées2 images | Diaporama |
La copie d’un autre joyau de l’art pariétal – la Salle des Taureaux de la grotte de Lascaux (Dordogne) – fut réalisée quelques années plus tard, en 1980. Le relief de cette reproduction était fourni par des données stéréophotogrammétriques. La maquette fut réalisée par une société spécialisée dans les décors de théâtre de Lyon. Elle était constituée de planches de contre-plaqué dont les interstices furent comblés avec du polyester. Le relief a ensuite été affiné par projection d’un mélange de résine polyester et de fibre de verre, et peint avec des ocres jaune et rouge. Pour la reproduction des motifs peints, le fac-similé a exploité une technique audacieuse, consistant à maroufler la gélatine photosensible (70). Ce procédé avait bien entendu ces limites. Les gravures fines, nombreuses dans les autres secteurs de la grotte, ne pouvaient pas être reproduites avec les moyens de l’époque, ce qui a obligé les concepteurs à ne reproduire que cet espace. Toutefois, la technique originale mise au point (procédé Kodak-Pathé) donnait une reproduction fidèle du résultat pictural de l’original. Il n’est malheureusement plus possible d’en évaluer la qualité aujourd’hui, puisque cette intéressante copie a été détruite dans les années 1990.
Les motifs peints des autres répliques de Lascaux ont, en revanche, tous été faits par application directe de peinture sur les supports préalablement patinés. Celle de Lascaux 2, dont la construction s’est échelonnée entre 1973 et 1983, a été limitée aux deux premiers espaces (Salle des Taureaux et Diverticule axial), les gravures fines présentes dans les autres espaces ne pouvant pas être reproduites. Les reliefs pariétaux ont été modelés par les sculpteurs Pierre Weber et Bernard Augts, sur une trame formée de béton projeté sur une structure métallique. Le décor a ensuite été mis en place par la peintre Monique Peytral, qui s’est attachée à travailler avec les types de colorants employés au Paléolithique (hématite, goethite, argiles et bioxyde de manganèse) et des techniques sensées correspondre à celles de l’époque (soufflage, doigt et pinceau). Le projet, placé sous la supervision scientifique de Norbert Aujoulat (71), a permis de reproduire 40 % de l’espace total.
Fig. 47 – Vue générale de la reproduction du Grand Plafond de la grotte d’Altamira dans la Neocueva (Cantabrie) |
Fig. 48 – Reproduction de bisons polychromes du Grand Plafond de la grotte d’Altamira dans la Neocueva (Cantabrie) |
Ces premiers fac-similés ont réclamé des moyens techniques considérables, mais aussi beaucoup d’ingéniosité, pour reproduire avec une telle fidélité des structures architectoniques aussi irrégulières que celles des grottes. Les documents d’archives permettent d’ailleurs de se rendre compte des difficultés qui se sont posées aux chefs d’équipe et aux réalisateurs. Mais ces premières reproductions laissent apparaître de subtiles différences par rapport à l’original dans la texture de la roche et la calcite, ainsi que dans le tracé de certains motifs. En outre, comme nous l’avons vu, seules les peintures ont pu être reproduites. À partir des années 2000, les avancées de la technologie numérique permettent de restituer des fac-similés beaucoup plus conformes aux grottes originales. C’est aussi, sans surprise, dès ce moment qu’ils se multiplient. Entre 1997 et 2001, un nouveau fac-similé d’Altamira est exécuté (Neocueva de Altamira). Installé dans un pavillon non loin de la grotte paléolithique, il reproduit la totalité du Grand Plafond, mais aussi le porche de la grotte tel qu’il se présentait il y a 15.000 ans. Les caractéristiques de la salle sont globalement rendues, sauf la hauteur par rapport au sol qui est suggérée par des bornes (72). Le travail est exécuté au moyen de produits similaires à ceux du Paléolithique (charbon de bois, bioxyde de manganèse, hématite et goethite) avec des procédés jugés identiques à ceux utilisés dans le site original (pinceau, doigts…). Pour la première fois, la précision millimétrique de la numérisation permet de faire apparaître les motifs gravés .
. La reproduction des reliefs a été faite au départ d’une saisie numérique 3D de précision. Les motifs, quant à eux, ont été peints par Pedro Saura et Matilde Múzquiz (fig. 48-49), qui ont aussi exécuté les peintures des copies d’Altamira destinées au Parc de la Préhistoire de Teverga (Asturies), au Musée archéologique national de Madrid et au Parc thématique d’Ise-Shima au Japon2 images | Diaporama |
Fig. 51 – Reproduction du Panneau des Chevaux de la grotte Chauvet (Ardèche) dans le Parc de la Préhistoire de Teverga (Asturies) |
En 2007, un Parc de la Préhistoire est inauguré à Teverga, dans les Asturies. Il comporte un bâtiment dans lequel sont rassemblés les fac-similés de dix panneaux peints
et/ou gravés sélectionnés dans les grottes ornées majeures d’Espagne et de France, ainsi qu’un pavillon où sont reproduits le Panneau principal de Tito Bustillo (Asturies) (fig. 53-54), le Salon noir de la grotte de Niaux (Ariège) (fig. 55-56) et le Camarin de Peña de Candamo (Asturies). Les panneaux exposés, qui comptent parmi les plus célèbres de l’art pariétal, ont été réalisés au départ d’une saisie numérique 3D de précision, avec un mélange de résine et une charge de calcaire pulvérisé. Plusieurs artistes ont apporté leur contribution, parmi lesquels Gilles Tosello et Alain Dalis (Chauvet), Renaud Sanson (Altxerri, Niaux, Lascaux), ainsi que Pedro Saura et Matilde Músquiz (Altamira, Tito Bustillo, Llonín, Covaciella…). Dans tous les cas, les pigments utilisés correspondent à ceux du Paléolithique et les artistes ont respecté l’ordre de superposition des œuvres sur les panneaux, lorsqu’elles existaient. Comme c’est désormais le cas pour les autres fac-similés, les teintes utilisées pour reproduire les œuvres permettent de souligner discrètement les gravures.5 images | Diaporama |
Un an plus tard, en 2008, s’ouvre la reproduction d’Ekainberri (Guipúzcoa), dont le chantier a débuté en 2000. La conception et la direction scientifique en ont été ont assurées par Jesús Altuna. En parcourant la salle, le visiteur découvre, en une sorte « d’éclaté », les huit ensembles sur lesquels ont été peintes 85 % des œuvres de l’original par Renaud Sanson, ainsi que la reproduction d’une bauge avec un squelette d’ours – allusion à la présence de cet autre occupant préhistorique de la grotte (73). Ils ont été réalisés au départ d’une saisie numérique 3D complète de la grotte originale et sont constitués d’un mélange de terre, de sable et de calcaire pulvérisé, afin de rendre le mieux possible la texture de la roche. Les œuvres ont été exécutées avec les types de matériaux utilisés au Paléolithique (charbon de bois, bioxyde de manganèse et hématite). L’ensemble totalise 25 % de l’espace total du site paléolithique et les panneaux ornés ont été rapprochés par rapport à la situation qu’ils occupent réellement dans la grotte. Ceux-ci reproduisent à la fois les reliefs, l’inclinaison des supports et la morphologie du sol, avec une précision d’ordre millimétrique. Ils permettent donc de se représenter la situation exacte des œuvres par rapport à l’espace dans lequel elles se trouvent (fig. 57-58).
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Fig. 59 – Reproduction du Panneau des Lions de la grotte Chauvet dans la Caverne du Pont-d’Arc (Ardèche) |
Fig. 60 – Détail de lions du Panneau des Lions de la grotte Chauvet reproduit dans la Caverne du Pont-d’Arc (Ardèche) |
Ekainberri représente une étape importante dans la production des fac-similés des grottes ornées. Les avancées de la technologie permettent à présent de répliquer la totalité d’un espace souterrain et d’imiter les aspects variés que peuvent prendre la roche et la calcite. La restitution de l’espace orné (presque) complet, avec ses particularités architectoniques, est entreprise avec les fac-similés de la grotte Chauvet (Ardèche) et de Lascaux (Dordogne). Le premier – Caverne du Pont-d’Arc –, réalisé de 2013 à 2015, offre une reproduction d’environ 66 % du site original. La reproduction comporte 3.500 m² au sol de fac-similés (74) et 8.180 m² de surface – sols, parois et plafonds. Vingt-deux panneaux ornés ont été reproduits, sous la direction de Gilles Tosello et d’Alain Dalis , ainsi que 450 vestiges osseux d’animaux (sur 4.460 dans l’original). Les matériaux employés sont le mortier paysager (pour imiter la roche) et la résine (pour la calcite et les concrétions), appliquées sur une trame formée d’un treillis métallique avec béton projeté. La reproduction ne propose pas seulement une réplique des parois, mais aussi celle des plafonds et des sols. Le travail a été effectué sous la houlette d’un comité scientifique présidé par Jean Clottes et le travail exécuté sous le contrôle scientifique du préhistorien Jean-Michel Geneste, du géomorphologue Jean-Jacques Delannoy et du paléontologue Philippe Fosse. Les moyens mis en œuvre pour obtenir la précision souhaitée sont impressionnants : un nuage de 16 milliards de points a ainsi été acquis et a permis, après la triangulation qui forme le squelette de l’ensemble et la modélisation, de créer une surface continue qui constitue « la peau informatique » de la grotte sur laquelle sont appliquées plus de 6.000 photos numériques en haute définition, avec étalonnage des couleurs et absence d’ombre (75). Comme le signale Gilles Tosello, tout l’enjeu a été de traduire l’esprit des originaux, tenter de faire passer au visiteur une part d’émotion tout en restant fidèle au travail des artistes aurignaciens (76) . Avec ce fac-similé, le visiteur est véritablement plongé dans l’espace d’une grotte ornée paléolithique, d’autant que le sol lui-même a été reproduit avec une partie des documents paléontologiques qui font la richesse de ce réseau.
Fig. 61 – Vue de la partie qui articule la Salle des Taureaux au Diverticule axial de la grotte de Lascaux dans le fac-similé Lascaux IV (Dordogne) |
Le fac-similé de Lascaux 4, ouvert au public en 2016, offre également une reproduction presque complète de la grotte (90 %), avec ses peintures et ses gravures. Le travail réalisé ne manque pas d’impressionner (fig. 61-62). Il totalise 540 m² de parois ornées et 1.000 m² de parois non ornées, reproduites au départ d’une saisie numérique de précision millimétrique. Le relief de ces panneaux a été « sculpté » par fraisage au départ d’un bras assisté par ordinateur. Des sculpteurs-modeleurs ont ensuite peaufiné à la main le détail des microreliefs et des quelque 1.500 gravures de la grotte. Ensuite, l’empreinte des panneaux a été prise avec un élastomère de silicone. C’est dans ce moule qu’a ensuite été fabriquée la reproduction, avec une couche constituée de divers minéraux qui forment « le voile de pierre » (procédé breveté). Ces panneaux, soutenus par des structures métalliques, ont été peints avec des ocres ou du bioxyde de manganèse mélangés à de l’argile et à de la calcite. Puis les figures elles-mêmes ont été reproduites au moyen de couleurs similaires à celles employées au Paléolithique, en s’aidant de projections. Une couverture photographique (20.000 photos en haute définition) a été réalisée dans la grotte pour garantir la précision voulue (77). Toutes ces opérations ont été effectuées sous le contrôle d’un groupe de scientifiques, parmi lesquels Jean-Michel Geneste (ancien Conservateur de la grotte de Lascaux) et Muriel Mauriac (Conservatrice de la grotte de Lascaux).
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Fig. 63 – Détail d’un grand taureau avec cerf sous-jacent de la paroi droite de la Salle des Taureaux de la grotte de Lascaux dans le fac-similé Lascaux IV (Dordogne) |
On perçoit, à travers les comptes rendus, les difficultés rencontrées pour la reproduction des motifs. À Lascaux 4, l’objectif a été de suggérer le résultat pictural le plus proche possible de l’original, sans toutefois sacrifier la précision des tracés (78) . Pour conserver à la fois « l’esprit et la lettre », il a fallu que les artistes actuels intègrent les codes de représentation du Paléolithique et qu’ils exploitent un panel diversifié d’instruments (pinceaux de types divers, embout en mousse, tube vaporisateur…). Mais, au delà des prouesses techniques nécessaires pour la fabrication de l’objet, le savoir-faire et la virtuosité graphique exigés pour la fabrication de ces répliques apportent un enseignement utile aux préhistoriens. La qualité graphique des représentations, les nuances de teintes, l’utilisation de dispositifs adaptés (échafaudages) pour réaliser les motifs en hauteur ou les difficultés d’éclairage qu’il a fallu résoudre sont autant d’éléments qui attestent le niveau de compétence élevé nécessaire aux artistes du Paléolithique pour la réalisation des grands ensembles pariétaux qu’ils nous ont laissés. Ces reproductions apportent indirectement la preuve que les décorateurs de Chauvet, de Lascaux ou d’Altamira ont nécessairement dû recevoir une formation et entretenir leur pratique de manière continue et régulière.
On ne soulignera évidemment pas assez l’intérêt majeur de ces répliques pour la sauvegarde de ce patrimoine exceptionnel. Ces impressionnants fac-similés ont bien évidemment un coût (79). Mais il importe de rappeler qu’ils constituent l’unique possibilité pour le public – voire pour les professionnels – de connaître des sites dont l’accès est strictement limité ou fermé. Plus généralement, ils permettent aussi de conserver une trace suffisamment fiable de ce patrimoine qui se dégrade lentement, afin de permettre aux chercheurs de demain de pouvoir prolonger les recherches de ceux d’aujourd’hui. Si le premier point – la diffusion de la connaissance – est acquis pour les sites reproduits, le second – la valeur conservatoire destinée à la recherche – ne l’est, en revanche, que très partiellement. Nous l’avons vu, les répliques n’ont pu être réalisées que grâce au concours des experts les plus avisés. Ne serait-il dès lors pas opportun de mettre les données numériques et les répliques à disposition des scientifiques qui entreprennent des recherches en art pariétal, afin de minimiser le temps d’étude dans les sites originaux ?
Car ces répliques ne sont finalement destinées qu’à satisfaire la demande de plus en plus forte du grand public. Bien entendu, les explications fournies par les guides apportent des compléments d’information bien nécessaires aux visiteurs. Toutefois, il est manifeste que l’accent est mis avant tout sur l’émotion et le spectaculaire. À Lascaux 2, le fait d’avoir enfoui le site a contribué à favoriser l’impression d’immersion recherchée, puisque le public pénètre sous terre avant de découvrir l’espace orné (80). Dans les autres fac-similés, les visiteurs doivent traverser un sas peu éclairé qui assure la transition. Il importe d’ailleurs de noter que la volonté de projeter le visiteur dans le monde de la grotte est encore renforcée par une immersion sensorielle (obscurité, température, humidité, odeur) pour approcher au plus près de la réalité et restituer l’émotion (81). Ces reproductions s’inscrivent donc pleinement dans ce que Florence Belaën a appelé des « expositions d’immersion » (82).
Fig. 65 – Reproduction du Panneau des deux ours d’Ekain dans le Parc de la Préhistoire de Teverga (Asturies) |
Cette volonté d’immersion ne nous semble toutefois pas s’imposer de la même manière pour toutes les répliques d’art pariétal. Si celles d’Ekainberri, de la Caverne du Pont-d’Arc et de Lascaux 4 donnent au public une idée exacte de la configuration spatiale des panneaux ornés, à Teverga, en revanche, les fac-similés apparaissent comme autant de panneaux extraits de leur contexte. Le fait a plus d’importance qu’il n’y paraît. Si l’on compare le panneau des ours acéphales d’Ekainberri et le même panneau reproduit à Teverga, il apparaît que les deux présentations induisent des schémas de lecture très différents. Dans le premier cas (fig. 58 et 64), par leur situation et leur position correctement rendues par rapport à la grotte originale, les deux animaux semblent sortir du Diverticule bas qui s’articule à l’espace dans lequel ils ont été peints. Pour les voir correctement, le visiteur est d’ailleurs contraint d’adopter un point de vue particulier (proche des figurations, position basse…). Dans le second cas (83). Ces deux espaces d’exposition procèdent donc de conceptions muséologiques très différentes.
, au contraire, les animaux paraissent représentés pour eux-mêmes sur un panneau dont la limite forme cadre. La présentation du panneau – le support est disposé presque verticalement à Teverga – facilite, certes, le travail de lecture du visiteur, mais elle contribue à produire un résultat qui renvoie davantage vers la peinture de chevalet que vers celle d’un espace architecturé orné. Cette différence dans les modes de présentation nous semble donner à ces centres des vocations distinctes. À Ekainberri, l’impression est celle d’une série d’espaces ornés qui s’articulent entre eux au rythme des commentaires donnés par les guides. Dans le Parc de la Préhistoire de Teverga, les fac-similés, tirés de sites variés, proposent en revanche autant d’ensembles considérés comme les plus représentatifs de l’art pariétal. Comme le signale Mercedes Álvarez González, bien que le Parc ne soit pas un musée, il est néanmoins conforme aux principes de cette organisationEn guise de conclusion
Nous l’avons vu, pendant plus d’un siècle la tâche essentielle des préhistoriens a été d’optimaliser la lisibilité des motifs à travers les diverses catégories de reproductions des œuvres d’art pariétal. Ce travail s’est effectué en opérant des sélections dans les motifs ou au niveau du cadre. Les difficultés de lecture ont bien souvent été gommées par la netteté du relevé. Les particularités techniques des œuvres n’ont guère été prises en compte dans une reproduction qui privilégiait d’abord le thème figuré. La relation, pourtant si intime, entre le support rocheux et les motifs a aussi été trop souvent négligée, afin de présenter les œuvres pariétales sous un « conditionnement » plus familier aux préhistoriens. Les termes de « panneaux » et de « peintures » – y compris lorsqu’il s’agit de motifs gravés dans les publications anciennes – sont caractéristiques d’une démarche qui s’enracine directement dans l’histoire de l’art des périodes historiques, et plus particulièrement dans l’histoire de la peinture européenne.
Mais si la reproduction des œuvres paléolithiques a été formatée par cette discipline, les reproductions qui en ont été faites ont, en retour, conditionné le regard des chercheurs. La volonté de rendre le motif lisible, et donc interprétable, a en effet entraîné des choix qui ont eu d’importantes répercussions. Le déséquilibre entre la précision diagnostique que l’on tire de certaines figurations animales et l’indistinction qui règne toujours dans l’univers des « signes » est la conséquence directe des choix opérés dans les reproductions. La lecture éthologique fine des représentations de bisons des grottes ariégeoises faite par Gilbert Maury, pour ne prendre que cet exemple, n’a été possible que grâce aux photographies et aux relevés des œuvres (84). Inversement, on mesure la difficulté pour des sémiologues ou des spécialistes de la cryptographie de tenter une analyse des motifs non figuratifs sur la seule base des travaux de synthèse disponibles en art pariétal. Il n’est pour s’en convaincre que de constater à quel point l’étude de Georges et Suzanne Sauvet et d’André Wlodarczyk (85) sur l’approche sémiologique des signes pariétaux reste isolée dans le paysage scientifique de l’art préhistorique. De même, l’accent mis sur les seules traces anthropiques dans les relevés ou les photographies en dépouillant l’image de son contexte pariétal a résolument orienté la recherche vers une analyse strictement iconographique. Comment opérer aujourd’hui un travail de synthèse sur la structure des parois ou des réseaux en s’appuyant uniquement sur les plans au sol, les relevés, les moulages ou les photographies ? On mesure, à cet égard, ce que la technologie numérique est susceptible d’apporter, tant pour la recherche que pour la conservation. La diffusion de reproductions en 3D des réseaux ornés pourrait, de ce point de vue, assurer une véritable pérennité à cet art des origines.
Remerciements
J’ai à cœur de remercier tous ceux qui m’ont aimablement communiqué les informations et autorisations nécessaires pour travailler et photographier dans les différents fac-similés. Parmi eux, je pense plus particulièrement à Eneko Calvo Etxarte, Asier Conde et Aitziber Gorrotxategi pour Ekainberri ; à Clémence Djoudi-Fauré pour Lascaux 4 ; à Pilar Fatás Monforte et Carmen Cuevas Blanco pour la Neocueva d’Altamira et à Julio García pour le Parque de la Prehistoria à Teverga. Les informations fournies pour le fac-similé de Chauvet sont issues des données de la Commission scientifique pour la réalisation de l’espace de restitution de la grotte Chauvet Pont-d’Arc, dont j’ai eu le plaisir de faire partie. C’est pour moi l’occasion de remercier, une fois encore, Jean Clottes et Jean-Michel Geneste pour les échanges agréables partagés lors de nos réunions de travail. Je tiens également à remercier Marc Martinez, conservateur de la grotte de Pair-non-Pair, qui a mis à ma disposition tous les documents de François Daleau qu’il a transcrits. Grand merci également à Catherine Schwab, Conservatrice en chef des collections du Paléolithique et à Marie-Sylvie Larguèze pour avoir mis à ma disposition avec leur gentillesse coutumière la documentation et des photographies des moulages de Pair-non-Pair conservés au Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. Enfin, tous mes remerciements vont, bien entendu, à mon épouse Marie-Christine qui a réalisé les photos dans les sites.